Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, rapporteur :

La volonté politique de mettre en oeuvre une PSDC ambitieuse, réelle à la fin des années quatre-vingt-dix, a en effet rapidement disparu à la faveur des changements structurels, conjoncturels et stratégiques intervenus dans les années 2000. Le changement structurel, c'est l'adhésion de neuf pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne. Or, tous avaient préalablement adhéré à l'OTAN et considèrent celle-ci comme la clé de voûte de leur sécurité. La crise financière a constitué le changement conjoncturel majeur. En effet, l'Union européenne et les États membres ont consacré l'essentiel de leur énergie à relancer leurs économies, à résoudre le problème des dettes publiques et à sauver la Grèce de la faillite et, au-delà, la zone Euro. Enfin, contrairement aux années quatre-vingt-dix où la guerre ravageait l'ex-Yougoslavie et où la dislocation de l'URSS inquiétait toute l'Europe, les années 2000 ont été une période de relative stabilité dans l'environnement de l'Union européenne comme en son sein.

Si les questions de défense sont aujourd'hui en tête des priorités de l'Union européenne, c'est évidemment parce que l'environnement de sécurité de l'Union européenne s'est considérablement dégradé. Bien loin du cercle d'amis voulu à l'origine dans son voisinage, l'Union est désormais entourée par un véritable arc de feu. Elle est en effet actuellement confrontée à une multitude sans précédent de crises déstabilisant son voisinage proche, en Syrie, en Ukraine ou au Sahel, dont les répercussions se font sentir à l'intérieur de ses frontières, notamment par l'afflux de réfugiés et la multiplication des actes terroristes en France, en Belgique, au Danemark ou en Allemagne.

Surtout, ces crises ont révélé l'impuissance de l'Union européenne. Certes, des sanctions ont été adoptées contre la Syrie et la Russie, et quelques missions militaires ont été lancées, mais ces dernières sont opérées et financées par les États membres qui tiennent également le premier rôle dans la résolution des crises qui frappent le voisinage européen, notamment notre pays, engagé au Sahel mais aussi, avec l'Allemagne, pour un règlement pacifique de la crise ukrainienne à travers les Accords de Minsk. La réponse de l'Union à ces crises a donc été clairement insuffisante et elle a été jugée comme telle par les citoyens européens. Ces derniers attendent de l'Union européenne qu'elle prenne la mesure des menaces, qu'elle agisse et qu'elle les protège. Celle-ci doit répondre à cette attente, sauf à voir sa légitimité, déjà entamée par ces crises et par le Brexit, s'affaiblir encore.

L'Union a toutefois pris conscience des enjeux et, depuis deux ans, a fait de la défense sa priorité. Dès juin 2016, une Stratégie globale pour la PESC a été adoptée, sur proposition de la Haute représentante, par le Conseil européen. Puis, à l'été, quelques semaines après le choc du Brexit, la France et l'Allemagne, rejointes par l'Italie et l'Espagne, ont proposé un pacte européen de sécurité dont il n'est pas inutile de rappeler les trois composantes majeures, car ce sont elles qui ont inspiré les initiatives européennes actuelles :

– une coopération européenne accrue des États membres en matière de Défense, à la fois par la mise en oeuvre de la Coopération structurée permanente, mais également par une coordination et une transparence accrue de leurs développements capacitaires et de leurs budgets de Défense ;

– le développement de nouvelles capacités de Défense. Ont ainsi été proposés un objectif de 20 % des budgets nationaux de la Défense consacrés à l'investissement dans des secteurs clés (le ravitaillement en vol, la communication satellitaire gouvernementale, la cybersécurité et le drone MALE) et un vrai programme de recherche européen en matière de Défense ;

– le renforcement du caractère opérationnel des capacités militaires dont l'Europe dispose actuellement, via la création d'un quartier général permanent et l'amélioration du processus de génération de forces pour les missions de l'Union européenne, laquelle reposera notamment sur une meilleure prise en charge de leur coût par le mécanisme Athéna.

Le contexte aidant, cette proposition, qui aurait pu rester lettre morte comme tant d'autres avant elle, a été immédiatement reprise par la Commission. Dans son discours sur l'état de l'Union, le 14 septembre 2016, M. Jean-Claude Juncker a dit vouloir une « Europe qui protège » et une « Europe qui défend » et a fait de la Défense une priorité d'action de l'Union.

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