Intervention de Jean Arthuis

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 9h20
Commission des affaires européennes

Jean Arthuis, membre du parlement européen :

Je suis très heureux de participer à cette réunion, car je relève que notre rôle en matière budgétaire est complémentaire : au Parlement européen, nous votons les dépenses et vous votez les recettes ! Je souhaite que ces réunions soient plus fréquentes, car il est nécessaire de mettre en place une relation plus permanente entre nos institutions.

Le cadre financier pluriannuel est en vigueur pour sept ans. Il s'agit de prévoir les nécessités budgétaires pour la période 2021-2027. De quelle Europe parlons-nous ? Comment prévoir ce qui va se passer en 2025, ou en 2027 ?

L'Europe est un ensemble de bases légales, et la tentation permanente qui y règne est de dire « business as usual ». Notre budget est modeste, avec seulement 1 % du PIB européen. Les seules ressources propres en sont les droits de douane, mais, comme l'Europe exerce à plein sa compétence exclusive en matière de traités internationaux en négociant des traités de libre-échange, ceux-ci fondent. Le reste du budget est financé par les contributions des États.

Or 80 % de ces ressources repartent vers les États membres, grâce à la politique agricole commune (PAC), aux fonds de cohésion et au fonds social européen. Chaque État en aura sa part. Si bien que 20 % seulement de ces fonds servent à financer les actions supranationales. Compte tenu du coût de fonctionnement des institutions, il reste entre 14 % et 15 % pour la recherche, le programme Erasmus, l'action humanitaire, l'accueil des réfugiés, etc. Ainsi, l'Europe se trouve souvent dans l'incapacité de faire face à la nécessité.

Le cadre financier pluriannuel en vigueur depuis 2013 est exécuté avec rigidité : chaque année, on en coupe une tranche. Il ne permet donc pas de faire face à un événement imprévu. Pour cela, l'Union a recours à des instruments financiers extérieurs, tels que la création de fonds fiduciaires ou de facilités budgétaires, ainsi qu'à des techniques d'ingénierie financière.

Le budget de l'Union européenne ne respecte pas les principes d'unité, d'universalité et d'annualité, ce qui met en péril sa sincérité. C'est donc un budget modeste, qui bénéficie de singularités d'exécution, certes appuyées sur des bases légales, mais qui ne sont pas satisfaisantes. Il importe, à mon sens, de recadrer cette démarche pour lui donner un sens politique.

La Commission européenne va déposer sa proposition d'un nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027 en mai prochain. Elle va ainsi fixer des volumes par rubriques, et tenter de rendre plus lisible le budget de l'Union européenne, qui ne l'est pas aujourd'hui, ce qui pose un problème démocratique. En la matière, des marges de progression existent.

Parmi les problèmes à traiter, le Brexit va se solder par une perte de 14 milliards d'euros à partir de 2021, car le Royaume-Uni maintiendra sa contribution durant la période de transition, en 2019 et en 2020.

En l'absence de ressources propres, nous sommes victimes de la tyrannie du juste retour : chacun compare sa contribution à ce qu'il reçoit. Quand des ressources propres seront créées, elles viendront réduire les contributions des États, mais elles ne constitueront pas pour autant de nouveaux moyens, car cela conduirait à alourdir la charge des prélèvements obligatoires à l'échelle de l'Europe. Le rapport Monti précise en effet que de nouvelles ressources propres doivent entraîner la réduction des contributions nationales, comme des prélèvements obligatoires à l'échelon national.

Comment se présente ce cadre financier pluriannuel à l'échelon national ? Le Parlement a voté un rapport d'initiative visant à porter le budget à 1,3 % du PIB européen, afin de couvrir les fonds de cohésion et la PAC au niveau actuel, tout en permettant à l'Union européenne de relever les nouveaux défis qui se présentent à elle. Dans un contexte de menaces nées de la mondialisation, les États membres peuvent-ils encore assumer toute leur souveraineté ? Certaines prérogatives ne devraient-elles pas être transférées à l'échelle européenne pour être enfin effectives ? Je pense à la défense, à la sécurité, à la gestion des migrations, au climat, à la lutte contre le terrorisme mondialisé ou à l'économie numérique, par exemple. Comment financer ces nouveaux défis ?

Je doute en effet qu'en fixant son budget à 1,3 % de son PIB, l'Europe apparaisse comme une puissance mondiale, d'autant qu'une éventuelle progression de ce budget ne devra pas conduire à une augmentation de la dépense publique en Europe.

Il est donc temps que nous définissions des biens communs européens, que les États nations ne peuvent plus assumer seuls, pour transférer des dépenses nationales vers l'Europe, afin de ne pas augmenter la dépense publique. Toute augmentation du budget de l'Union européenne devrait ainsi avoir pour corollaire un allégement des budgets nationaux.

L'heure est venue d'ouvrir ce débat et de sensibiliser à ce sujet les citoyens, sinon, je ne vois pas comment l'Europe répondra aux défis issus de la mondialisation, sinon symboliquement.

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