Intervention de Alain Lamassoure

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 9h20
Commission des affaires européennes

Alain Lamassoure, membre du parlement européen :

Je travaille avec Jean Arthuis, mon propos sera complémentaire du sien.

L'Union européenne parle au-dessus de ses moyens, mais agit en dessous. Une des causes du malaise que nous éprouvons tous envers elle réside dans le décalage entre les ambitions proclamées et les décisions prises par les Conseils européens d'une part et la modestie des moyens financiers qui y sont consacrés d'autre part. L'Union prétend mener une politique mondiale avec des pourboires !

Bruxelles conditionne la moitié des règles de droit nouvelles imposée chaque année en France, mais lorsqu'il s'agit d'appliquer les politiques européennes, on ne trouve que moins de 1 % du PIB à leur affecter. C'est dérisoire.

Dans l'histoire de l'Europe, on ne débat pourtant de ce sujet que tous les trente ans. La première fois, c'était en 1967, à la suite de la politique de la chaise vide pratiquée par le général de Gaulle, la deuxième fois, c'était en 1984, au Conseil européen de Fontainebleau, quand Mme Thatcher lâchait son célèbre : « I want my money back ! ». Depuis, silence radio.

Tous les sept ans, le cadre financier pluriannuel impose une camisole de force budgétaire qui interdit de financer d'autres priorités. L'expérience montre que, dans le cas de la France, la seule préoccupation des présidents de la République successifs dans cette gigantesque négociation septennale a été de maintenir les montants de la PAC affectés à la France. C'est une double défaite nationale : nous nous interdisons de développer de nouvelles politiques européennes, tout en croyant avoir réglé le problème de l'agriculture, alors que celui-ci réside bien plus dans le contenu de la politique que dans son financement.

Traité après traité, un véritable effet ciseau se fait jour, les compétences et les prérogatives de l'Union européenne augmentent, mais les moyens financiers en proportion du PIB ont diminué d'un tiers depuis vingt ans. Imaginez l'effet d'une telle évolution sur le budget français !

Nous ne pouvons sortir de cette situation qu'en posant le problème au sommet, idéalement avant les élections européennes, afin de permettre aux électeurs de se prononcer sur le budget européen qu'ils veulent. Trente ans ont passé, il est temps !

Pour avancer, il nous faut bousculer trois vaches sacrées qui barrent la route.

La première est le montant du budget, sur lequel la France doit prendre clairement position à ce sujet. Nos partenaires d'Europe du Nord, Allemagne comprise, défendent la limite à 1 %. Jusqu'à présent, la France s'est alignée implicitement sur cette position, sans jamais l'assumer. Si c'est toujours le cas, alors autant faire autre chose que de s'occuper de politique européenne !

La deuxième est le financement du budget. La grande originalité de l'Europe réside dans ses ressources propres. Elle mène des politiques publiques, il s'agit donc de ressources fiscales, n'ayons pas peur des mots. Le Parlement européen travaille sur le sujet depuis douze ans. Le groupe de travail présidé par M. Monti a proposé des options, nous verrons quelles sont celles que la Commission européenne choisit de prendre à son compte.

Nous proposons de partir d'impôts qui ont déjà un cadre européen, ou qui vont l'avoir : la TVA, l'impôt sur les sociétés, avec le projet d'assiette commune consolidée à l'impôt sur les sociétés (ACCIS), la taxe carbone, la taxe sur les transactions financières, les droits de seigneuriage de la Banque centrale européenne (BCE), etc. Cela représente des dizaines de milliards d'euros. Sommes-nous prêts à franchir le pas et à appliquer les dispositions du traité que nous méconnaissons depuis trente ans ?

Enfin, la troisième vache sacrée, ce sont les économies à réaliser dans le budget européen actuel. Certaines dépenses sont excessives, mal conçues ou mal appliquées, il faut les réduire. C'est le cas, par exemple, de la PAC, qui doit être rendue plus efficace. Il faudra également accepter des sacrifices en matière de fonds structurels, notamment pour les pays dont le revenu moyen est supérieur à la moyenne européenne. En France, il est inférieur ; est-ce un malheur ou un bonheur ? Nous devons avoir le courage de nous poser ces questions.

J'insiste enfin sur la conclusion de Jean Arthuis concernant les économies nationales à faire lorsque nous transférons des compétences, donc des moyens et des charges, à l'Europe. La logique est la même qu'en matière de décentralisation ou de création d'intercommunalité.

Si nous créons, par exemple, un corps européen de gardes-frontières, nous devons transférer au niveau européen les moyens qui y sont consacrés à l'échelle des pays et soulager d'autant les dépenses nationales. Mettons à jour notre logiciel national et européen pour enfin voir l'Europe comme un gisement d'économies nécessaires.

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