Intervention de Pervenche Berès

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 9h20
Commission des affaires européennes

Pervenche Berès, membre du parlement européen :

Merci de ce rendez-vous qui intervient à un très bon moment.

J'ai vécu quelques cycles budgétaires européens et je sais combien l'interaction entre les élus nationaux et les élus européens est importante. La question budgétaire commande en effet toutes les autres politiques, il est donc indispensable d'anticiper, comme il faut démontrer l'efficacité de la dépense européenne pour affronter des défis que nous ne pouvons pas résoudre seuls.

La tentation des États membres est souvent de répondre en dehors de tout cadre démocratique. Pour un parlement, le budget est un outil de contrôle de la politique de l'exécutif. Or les chefs d'État et de gouvernement succombent parfois à la tentation des petits arrangements entre amis. Dans le prochain cadre budgétaire pluriannuel, le risque est que cela s'amplifie, nous empêchant également de revenir sur la logique du juste retour, alors qu'il s'agit d'un objectif ancien et partagé.

Dans ce débat budgétaire, tout d'abord, les moyens sont insuffisants. À budget constant, l'Union européenne se bat année après année avec les restes à liquider, une hypocrisie entretenue qui ne permet pas de pilotage raisonné.

Ensuite, la logique économique européenne veut que lorsqu'un État membre finance par ses contributions directes le budget européen, il aggrave son propre déficit et risque de sortir du pacte de stabilité. Il y a quelque chose de vicié dans ce système où la politique menée au niveau européen plombe les équations comptables nationales. On pourrait plutôt déduire les contributions européennes de l'analyse budgétaire des États ou financer le budget européen par des ressources propres. Les nouveaux défis que sont la sécurité, la défense ou le climat nécessitent de nouveaux moyens.

Enfin, la question du Brexit force l'Union européenne à cesser de raisonner à périmètre constant.

S'agissant des ressources, l'objectif défini par le Parlement européen d'une baisse de 40 % des contributions des États membres à terme sera, je l'espère, partagé. Pour qu'il se concrétise, il faut trouver des ressources directes.

La plus prometteuse est le point d'impôt sur les sociétés, parce que la consolidation améliore les conditions de collecte et écrase les inégalités de taux. Cette réforme répondrait également à l'ambition de taxer les plateformes numériques, et pas seulement les GAFA, une mesure populaire et juste, certes, mais qui n'épuise pas le sujet.

À trop s'y intéresser, en effet, on en vient à protéger les entreprises de notre CAC 40. Or en étant plus justes, nous sommes plus crédibles. Je crains, en outre, qu'on ne s'épuise à mener cette réforme, au détriment de celle qui est vraiment nécessaire : la mise en place d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés.

Les droits de seigneuriage constituent une autre ressource. Ils ne rapportent pas beaucoup, et, étant issus de l'euro, ils devraient, à mon sens, être affectés au budget de la zone euro.

Concernant les dépenses, mon groupe s'inquiète du financement des progrès nécessaires en matière de défense. Le consensus se renforce petit à petit : l'Union doit faire face à ses propres défis en la matière, mais comment financer cela ?

L'Union européenne pourrait mettre en place un fonds intergouvernemental, en dehors du budget, donc, redéployer de moyens existants, ou créer des ressources nouvelles. Notre groupe est très attaché à cette troisième option, c'est pourquoi, avec le soutien d'une large majorité du Parlement européen, notre objectif est de porter le budget européen à 1,3 % dans ce cadre financier pluriannuel. Nous espérons retrouver cette ambition dans les propositions de la Commission.

S'agissant de l'agriculture, nous avons trop bataillé sur des sujets mêlant environnement, climat et agriculture pour ne pas nous saisir de cette occasion pour aller enfin vers une agriculture plus durable. Cela devra être un des objectifs du budget à venir, que nous n'atteindrons pas, selon moi, par une renationalisation de la PAC.

Certaines grandes dépenses devront être maintenues, voire développées. Multiplions par trois le budget du programme Erasmus, afin de lutter contre des tendances qui nuisent à la construction européenne ! De même, il faut multiplier par deux le budget consacré à l'emploi des jeunes.

Enfin, nous devons tenir compte des objectifs issus de la COP 21. Nous demandons donc que le prochain cadre financier pluriannuel permette d'engager un tiers des dépenses liées au climat au plus tard en 2027.

Il faut également mentionner la conditionnalité, le risque de substitution des subventions par des prêts et, enfin, la question de l'insertion du budget de la zone euro.

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