Intervention de Jean Arthuis

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 9h20
Commission des affaires européennes

Jean Arthuis, membre du parlement européen :

Les deux grandes rubriques de dépenses, la PAC et les fonds de cohésion, sont en fait le moyen pour les États membres de se réapproprier les fonds qu'ils ont versés au budget européen… Le contenu de la PAC doit être revu. Je suis incapable d'expliquer aux agriculteurs comment elle fonctionne entre règlements européens, règlements nationaux, et les régions en ajoutent une couche… Il faut proclamer un cessez-le-feu pour qu'elle soit compréhensible.

Comment récupérer l'argent des fonds de cohésion ? Près de 80 % du budget repart vers les États membres. Chaque année, l'Europe rend de l'argent aux États. Est-ce dû à la complexité ou à la saturation des dépenses publiques car les fonds européens ne couvrent pas 100 % des dépenses, et les investisseurs hésitent ? Nous avons un devoir de simplification.

Les contrôles sont liés au règlement financier de 500 pages, qu'on vient de simplifier. N'est-on pas à la limite de la publicité mensongère ? Ce règlement est fondé sur l'idée de méfiance. Comme certains États européens ont des pratiques à la limite de l'État de droit, le règlement financier a été écrit pour éviter des pratiques blâmables et l'orientation des fonds vers des caches secrètes. Au nom de l'égalité entre États membres, ce règlement est appliqué à tous. Revoyons ces dispositions.

Frontex est l'exemple type d'une Europe incapable d'acheter des aéronefs ou des bateaux pour contrôler ses frontières. Ils sont achetés par les États membres et loués à Frontex. Le personnel est mis à disposition des États qui ont une frontière extérieure, comme l'Italie et la Grèce. On peut ainsi voir trois uniformes différents sur un même lieu : l'Europe n'est pas visible. L'Union européenne ne marche pas car les États sont restés dans une logique très corporatiste. L'Europe « fait joli » dans le paysage, mais chacun veut garder son autorité. Sur certains points, nos chefs d'État donnent à voir leur impuissance politique, ce qui nourrit le populisme et l'euroscepticisme.

À l'approche du prochain cadre financier, alertons les citoyens. Il y a des bases légales pour le faire. Sinon ce sera business as usual, le cadre financier restera le même, comme si le monde n'avait pas changé, et nous ne répondrons pas aux questions qui fâchent. Comme le Parlement européen ne compte pas de groupe majoritaire, il faut se mettre d'accord, et nos rapports ne font jamais moins de 40 pages – on décide plus facilement d'un arbre de Noël que d'options claires pour l'avenir…

Il sera difficile de prétendre qu'avec 1,3 % du PIB, nous construisons une puissance mondiale, rivalisant avec les États-Unis, la Russie ou la Chine, ou avec les multinationales du numérique ou de la finance. Les citoyens sont plus aptes à la réforme que les gouvernements. L'Union européenne est gouvernée en réalité par le Coreper (Comité des représentants permanents), à savoir les diplomates représentants les États et qui, chaque semaine, préparent les accords. L'heure est venue de changer cela, sauf à faire le choix d'une Europe qui s'anesthésie et qui périt.

On fait comme s'il existait une politique extérieure de l'Union européenne avec le Service européen d'action extérieure, pour lequel on a acheté un immeuble à Pékin et à Tokyo. Nous avons désormais 29 ambassades ! Réorientons vers le budget européen des moyens mal employés au niveau national, pour démontrer qu'il existe une valeur ajoutée européenne, pour faire émerger une Union européenne qui protège.

La PAC n'est pas qu'une question de crédits. À quoi sert de verser des subsides à des éleveurs bovins si, au même moment, des accords de libre-échange sont signés, qui les mettront en faillite ? Revoyons la politique de concurrence pour permettre aux agriculteurs de se regrouper pour essayer de faire grimper un peu les prix. C'est une question de cohérence.

L'Europe mérite un véritable débat plutôt que des références aux bases légales. Assez ! Le politique doit s'impliquer pour que l'Europe se charge de ce que les États membres ne peuvent plus faire au niveau national. Aidez-nous à identifier ces missions qui pourraient être utilement reprises par l'Union européenne.

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