Intervention de Paolo de Castro

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires européennes

Paolo de Castro, membre du Parlement européen :

Merci Madame la Présidente. Les questions que vous venez d'évoquer sont essentielles, et la question du budget, et du cadre financier pluriannuel tout particulièrement, est certainement celle qui nous inquiète le plus. Ce budget a été présenté ces derniers jours par la Commission européenne, par le Commissaire Oettinger, qui a fait une proposition que la Commission de l'agriculture et du développement durable n'a pas accueillie de manière très favorable. Ce budget doit intégrer deux problématiques : l'impact du Brexit, qui représente sans doute un manque à gagner de ressources de près de treize milliards d'euros par an, et l'impact des nouvelles politiques menées par l'Union, notamment les politiques migratoires, les efforts pour une défense commune, ou le renforcement des Fonds pour la recherche avec Horizon 2020 et Erasmus. Les besoins financiers sont donc accrus de vingt à vingt-cinq milliards d'euros. Face à ces nécessités financières, la Commission a proposé une augmentation des ressources des États-membres de 0,1 %, pour passer de 1 % à 1,1 % du revenu national brut. Avec cette petite augmentation, les fonds sont insuffisants pour couvrir les besoins, d'où la nécessité de réduire le budget des deux politiques les plus importantes de l'Union, à savoir la politique agricole d'un côté, et la politique de cohésion de l'autre.

S'agissant de la PAC, les chiffres présentés parlent d'une diminution de 5 %, mais calculée non sur la moyenne des paiements des sept années précédentes, mais sur les décaissements de 2020, la dernière année, elle incorpore donc en soi une réduction du budget du fait de la réduction des dépenses agricoles pour les sept années en cours.

L'évaluation en euros courants, et non constants, nous inquiète également. Et ces deux aspects combinés emportent une diminution du budget de la PAC bien supérieure aux 5 % annoncés, qui pourrait aller selon certaines estimations jusqu'à 15 % ou 16 % pour le premier pilier, et jusqu'à 20 %, 22 % pour le développement rural. Naturellement, il s'agit d'estimations, et la discussion est à peine engagée. En séance plénière, le Parlement avait demandé une augmentation des fonds de la part des États membres, non de 0,1 % comme proposé par la Commission, mais de 0,3 %. Cette augmentation aurait entraîné la couverture de toute la proposition de dépenses et des dépenses liées au Brexit sans engager de coupes budgétaires. Beaucoup d'États membres ne sont pas prêts à augmenter leurs dépenses, pas même des 0,1 % proposés par la Commission, comme la Suède ou le Danemark, mais aussi d'autres pays d'Europe de l'Est.

Nous déplorons cette coupe dans le budget de la PAC alors même qu'on demande plus d'engagement aux agriculteurs sur le plan du développement durable. Nous ne comprenons pas pourquoi il reviendrait aux agriculteurs de payer la facture du Brexit, qui n'est que la conséquence du choix libre d'un pays de quitter l'Union européenne.

S'agissant de la PAC, nous n'en sommes qu'au stade des hypothèses : il faut préciser que la présentation officielle des trois textes législatifs sur la PAC n'a pas encore eu lieu, ni devant le Parlement européen, ni devant le Conseil. Nous n'avons pas encore de texte de loi et la Commission AGRI ne s'est exprimée, par un avis présenté par mon collègue Herbert Dorfmann, que sur la proposition de la Commission.

Notre principale inquiétude concerne le « new delivery model », selon lequel les États-membres devront élaborer un projet de politique agricole, comme sur le développement rural. Chaque État-membre aura ensuite toute latitude selon ce plan. Ce nouveau modèle met en avant le meilleur respect de la subsidiarité, mais il pourrait se traduire par une renationalisation de la PAC que nous ne souhaitons pas. Dans ce nouveau modèle, la Commission se déleste de son pouvoir de définition des mesures et des instruments pour atteindre les objectifs, puisque les pays auront la responsabilité de celles-ci au niveau national, et au niveau régional. Les pays qui ont, par leur Constitution, donné aux régions les responsabilités de cette politique, verront se multiplier les plans de politique agricole.

Tout cela ne fera qu'amener plus de complexité et de bureaucratie, ce qui nous inquiète pour trois raisons. Tout d'abord, pour les risques de distorsion supplémentaire de concurrence, tous les pays ne disposant pas des mêmes outils, ce qui mènera à des approches très différentes. Un plan national élaboré de cette manière risque en outre rapidement de passer à un système de co-financement, comme cela est le cas dans le développement rural. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devrions avoir un système cofinancé dans le deuxième pilier, mais à charge de l'Union européenne dans le premier, dès lors que la gestion des plans en serait la même. Enfin, le fait que les plans nationaux seraient laissés à la responsabilité politique nationale laisse planer le risque de modifications répondant aux changements de majorité politiques, avec des risques de corrections financières. Cela se passe déjà ainsi avec le développement rural. Pour toutes ces raisons, nous sommes très inquiets, non sur les instruments, mais sur l'architecture qui donne la responsabilité aux États-membres, et qui pourrait être l'antichambre d'une fin de la PAC.

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