Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 9h15
Commission des affaires européennes

Pierre Moscovici, commissaire européen pour les affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes :

Vous m'avez demandé, Monsieur le président, comment nous jugions le programme de réduction de dépenses structurelles de la France, mais je vais raisonner de manière un peu différente. Le cap doit maintenant être fixé vers la réduction des déficits structurels. À cet égard, je crois que vous avez voté des engagements pluriannuels. En outre, des règles de finances publiques extrêmement précises s'appliquent aux pays sortis de la procédure de déficit excessifs, dont le « bras préventif » du Pacte de stabilité et de croissance. Notre règle commune est que l'effort de réduction des déficits structurels doit être de 0,6 point de PIB par an. Cela peut être étalé sur plusieurs années, et il y a des flexibilités, mais c'est bien la règle.

C'est dans ce cadre que nous dialoguerons le moment venu, comme chaque année, avec les autorités françaises, quand l'avant-projet de budget sera présenté au début du mois d'octobre. Nous attendons naturellement un effort qui soit significatif. Je crois savoir qu'une série de réflexions sont menées sur la dépense publique et le périmètre du service public, par des commissions de réflexion, par votre assemblée elle-même. Je ne veux pas me prononcer a priori ou en anticipant sur des programmes que j'attends de connaître mais nous avons un cadre et des objectifs communs, des règles communes, et nous devons maintenant viser la réduction de la dette publique, des déficits publics, et un changement de culture en matière d'évaluation et d'amélioration de la qualité de la dépense publique. Cela me paraît une priorité tout à fait essentielle.

Vous m'avez interrogé l'un et l'autre sur le calendrier de nos initiatives fiscales. Les priorités de la fin de ce mandat sont au nombre de trois : la réforme du régime de TVA qui comporte toute une série de dispositions législatives ; la fiscalité des grandes entreprises du numérique ; ACIS et ACCIS. Ces trois chantiers progressent en parallèle et l'ACCIS, monsieur le rapporteur général, n'est nullement oubliée. Pour moi, c'est la grande réforme de l'impôt des sociétés pour le XXIe siècle. C'est la seule façon d'avoir une imposition vraiment intelligente et européenne. Notre système, très archaïque, qui date d'il y a un siècle, n'est plus adapté à l'économie.

Le calendrier est dicté, tout simplement, par le cycle politique, assez simple. Les élections européennes ont lieu dans un an. Il est donc illusoire de penser que quoi que ce soit qui serait encore sur la table après la fin de l'année 2018 connaîtrait une solution au cours de cette législature. Après les élections européennes, une nouvelle commission sera formée et elle s'installera au début du mois de novembre 2019.

Il y a donc une fenêtre de tir, qu'il ne faut pas manquer : maintenant, d'ici à la fin de l'année 2018. C'est pourquoi je consacrerai toute cette partie de mon mandat à faire aboutir ces réformes. Chacune d'entre elles est dans un état d'avancement satisfaisant mais sans que les travaux soient conclus. Il faut donc accélérer dans cette période, c'est ce à quoi je m'emploierai.

Quant à l'Italie, la Commission européenne adopte une attitude de prudence que je crois raisonnable. Nous respectons la légitimité démocratique. Que nous aimions ou pas les partis qui sont au pouvoir dans les pays membres de l'Union européenne, nous respectons le vote des électeurs, nous respectons les rythmes démocratiques, ce qui veut dire que je refuse de me prononcer sur des annonces. J'attends qu'il y ait des actes – un budget, des projets de loi, des réformes. C'est alors que nous pourrons avancer dans le dialogue avec l'Italie, un dialogue qui sera constructif mais qui se tiendra dans le cadre européen que nous partageons, avec ses règles communes, et la préoccupation, pour nous essentielle, de la dette publique.

Pour le bien des Italiens et de l'Italie, cette dette publique doit continuer d'être maîtrisée. Il faudra trouver des réponses crédibles sur ce terrain. Nous allons donc travailler avec le gouvernement italien et nous devrons concilier, comme toujours, deux impératifs qui ne sont pas forcément contradictoires : chaque gouvernement veut agir pour lui-même et pour son pays, c'est naturel, mais il faut respecter ce cadre européen qui nous est commun. L'Italie n'est pas n'importe quel pays, c'est tout de même la troisième économie de la zone euro, ce sera demain la troisième économie de l'Union européenne. Je comprends les préoccupations mais je pense qu'il faut les gérer avec le calme des vieilles troupes et dans le respect de la démocratie. C'est indispensable et, en tout cas, ce sera ma philosophie.

Quant au Lyon-Turin, je quitte une seconde ma casquette de commissaire européen, ayant occupé, dans une autre vie, quelques responsabilités ministérielles dans ce pays – j'ai été ministre des affaires européennes pendant cinq ans, certes c'était un autre siècle, mais aussi ministre des finances, plus récemment. Le Lyon-Turin, c'est un engagement international, ce sont des travaux qui avancent, et l'Union européenne, je le rappelle, est aux côtés des parties signataires pour faire avancer cet ouvrage dont je sais qu'il a plus que son utilité. Le Lyon-Turin doit être envisagé dans le cadre de ce qu'il est : un accord international, soutenu par l'Union européenne.

Sur la planification fiscale agressive, je ne veux pas être trop long et vous renvoie à ce qui a été publié hier, c'est-à-dire aux considérants concernant spécifiquement sept pays. S'il s'agit de considérants et non pas de recommandations à proprement parler, c'est parce que le dialogue s'est noué avec tous, avec certains d'entre eux de manière plus positive qu'avec d'autres, mais je compte bien continuer à le mener de manière tout à fait vigoureuse.

N'ayant pas d'éléments sur les Américains accidentels, je vous répondrai un peu plus tard.

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