Intervention de Aude Bono-Vandorme

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Bono-Vandorme, référente :

Je me suis rendue, accompagnée de Christophe Naegelen et de notre collègue de la commission des Affaires étrangères, Laetitia Saint-Paul, à la conférence interparlementaire sur la PESC et la PSDC, qui s'est tenue à Sofia du 15 au 17 février derniers.

Cette conférence a rassemblé les représentants de l'ensemble des Parlements nationaux de l'Union européenne. Ensemble, nous avons débattu de la PESC et de la PSDC, entre parlementaires nationaux bien sûr, mais également avec la Haute Représentante de l'Union pour la politique étrangère, Federica Mogherini, et avec les représentants du Parlement européen, menés par le président de la commission des Affaires étrangères, David McAllister. Cette conférence, organisée tous les six mois dans le pays qui assure la présidence tournante de l'Union, présente à mes yeux un double intérêt :

– le premier, ce sont les informations précises qu'elle apporte sur les enjeux et la mise en oeuvre de la PESC et de la PSDC ainsi que la possibilité d'appréhender la diversité des points de vue nationaux sur ces enjeux et, ainsi, d'apprécier les perspectives concrètes de mise en oeuvre des diverses initiatives européennes ;

– le deuxième, c'est la possibilité de mettre en avant les travaux faits par notre Assemblée en matière de PESC et PSDC.

Les débats ont été riches, comme l'est l'actualité de la PESC et de la PSDC, en particulier depuis la dernière conférence qui s'est tenue à Tallinn en septembre, marquée notamment par le lancement de la coopération structurée permanente. Il faut évidemment s'en féliciter car c'est la preuve que l'Union européenne et les États membres ont pris la mesure des défis auxquels nous faisons face comme de la forte attente de protection des citoyens européens. En montrant ainsi son volontarisme dans un domaine essentiel comme la sécurité, l'Europe, souvent critiquée, assure sa légitimité aux yeux des peuples européens.

Sans résumer l'intégralité des débats de l'ensemble des sessions tenues pendant deux jours, je voudrais insister sur trois points en particulier.

Le premier point est l'intervention de la Haute Représentante Federica Mogherini, venue présenter les dernières initiatives de l'Union européenne en matière de défense et se réjouir de leur lancement. Celles-ci sont bien connues et Mme Mogherini n'a donc fait aucune annonce particulière ce qui, avec son départ précipité, a quelque peu déçu l'assistance. J'ai toutefois eu le temps d'intervenir pour lui rappeler que, si ces initiatives sont bien celles de l'Union européenne et qu'il faut naturellement s'en féliciter, c'est la France et l'Allemagne, rejointes par l'Italie et l'Espagne qui, à l'été 2016, ont donné l'impulsion politique nécessaire à la relance de l'Europe de la défense. Je pense que c'est notre rôle, à nous représentants des Parlements nationaux, de rappeler que l'Union européenne, ce n'est pas uniquement la Commission et le Parlement européen mais aussi les États membres. Cette session en présence de la Haute Représentante fut l'une des deux seules où furent évoqués les sujets de défense. Pour le reste, c'est principalement la politique étrangère de l'Union européenne qui a été débattue, en cohérence avec les priorités de la présidence bulgare. En effet, les thèmes de la conférence interparlementaire PESCPSDC sont fixés par la présidence en fonction de ses propres priorités. À Tallinn, on s'en souvient, c'était la Russie qui tenait le haut de l'affiche. À Sofia en revanche, la Russie n'a été évoquée qu'à la marge par les intervenants bulgares, ne serait-ce que parce que la Bulgarie est l'un de ses plus proches alliés dans l'Union.

Le deuxième point porte justement sur l'une des principales priorités de la présidence bulgare : l'élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans occidentaux. La Bulgarie est en effet très favorable à cet élargissement et a d'ailleurs convoqué un sommet UE-Balkans occidentaux à Sofia le 17 mai. Les intervenants bulgares et ceux des pays candidats se sont ouvertement réjouis de la publication de la nouvelle stratégie européenne d'élargissement le 6 février dernier, qui a fixé 2025 comme objectif pour l'adhésion des pays des Balkans occidentaux. Il va sans dire que cette date est largement illusoire et que plusieurs intervenants ont rappelé, à juste titre, qu'elle n'était qu'indicative. En effet, ces mêmes intervenants ont rappelé la situation économique difficile que connaissent ces pays – avec notamment un chômage des jeunes pouvant atteindre 65 % – et, surtout, leurs nombreuses défaillances en matière de respect de l'État de droit. L'ironie de la situation n'a pas échappé à de nombreux parlementaires. En effet, il était pour le moins étonnant de voir évoquées de telles défaillances dans les pays candidats à l'Union européenne alors même que le pays qui accueillait la conférence et préside cette Union européenne ce semestre – la Bulgarie – connaît les mêmes problèmes de respect de l'État de droit. Je rappelle en effet que la Bulgarie et la Roumanie sont soumises, depuis leur adhésion en 2007, à un mécanisme européen de vérification et de coopération afin de s'assurer de leur progrès en matière d'État de droit. Selon le dernier rapport annuel publié l'automne dernier par la Commission, les progrès sont très clairement insuffisants et il n'est même pas sûr que ces deux pays, sans même parler d'autres pays qui ont régressé comme la Pologne ou la Hongrie, seraient en mesure d'adhérer aujourd'hui à l'Union européenne. Le futur rapport de nos collègues Coralie Dubost et Vincent Bru devrait nous permettre d'en savoir plus sur cette question essentielle du respect de l'État de droit en Europe. Enfin, pour conclure sur cette question de l'élargissement, j'ai été frappée par l'opposition muette de tous les parlementaires d'Europe de l'Ouest. Pas un n'est intervenu lors de la session, sauf un député néerlandais et uniquement pour attirer l'attention sur le nécessaire respect des critères de Copenhague. C'est peu dire que l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux n'a soulevé aucun enthousiasme.

Enfin, le dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention porte à nouveau sur la politique de Défense européenne. La session qui lui fut consacrée le lendemain de l'intervention de la Haute Représentante a une nouvelle fois exposé les divisions des Parlements nationaux à la fois sur les objectifs et les moyens de la Défense européenne. Les pays de l'Est ont naturellement insisté sur la menace russe et se sont joints à l'Allemagne pour défendre le rôle de l'OTAN dans la défense européenne. Quant à moi, j'ai plaidé dans le sens de la proposition de résolution européenne que nous avons adoptée le 22 février dernier sur l'Europe de la défense et son articulation avec l'OTAN. J'ai ainsi défendu la spécificité de la Défense européenne, en particulier en matière de résolution des crises africaines et dans la lutte contre le terrorisme. Lors de cette même session, plusieurs parlementaires ont regretté que les groupements tactiques de l'Union européenne, qui s'entraînent depuis 15 ans, n'aient jamais été déployés sur le terrain et expliqué cette situation désolante pour notre crédibilité internationale par le fait que le coût de leur déploiement repose sur les États membres eux-mêmes. Toutefois, l'argument financier me semble secondaire par rapport à la véritable raison de leur non-déploiement qui est l'exigence d'unanimité des États membres. De nombreux États membres ne veulent tout simplement pas risquer la vie de leurs soldats dans des crises où ils n'ont pas d'intérêt direct, notamment au Sahel. Tant que cet obstacle ne sera pas surmonté, notamment grâce à l'initiative européenne d'intervention proposée par le président de la République, il est fort à craindre que l'Union européenne continuera à faire de la figuration et de la rhétorique dans les crises extérieures.

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