Intervention de Adrien Quatennens

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 14h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

L'article 19 entend transformer les organismes paritaires collecteurs agréés en opérateurs de compétences, ce qui pose problème à plusieurs titres.

On observe d'abord un glissement sémantique : si on parle de plus en plus de « compétences », c'est-à-dire de qualités reconnues par certains employeurs, mais n'ouvrant droit à aucune reconnaissance sur le plan national, à l'inverse, la « qualification » est définie par l'État et les syndicats.

Au-delà de l'usage d'un terme libéral pour définir ce que seront les nouveaux opérateurs de compétences, nous observons plusieurs changements de fond susceptibles de causer des difficultés.

Alors que les OPCA peuvent collecter les versements des entreprises donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage et les reverser aux établissements autorisés à la recevoir, cette mission de collecte risque de leur être retirée. Une future ordonnance aux contours encore flous pourrait définir les modalités de ce transfert de la collecte des contributions pour la formation continue des OPCA vers les URSSAF. Les OPCA devront ainsi se contenter de financer des contrats en alternance.

En mars dernier, un spécialiste de la formation professionnelle, nous alertait à ce sujet dans Le Monde : « La formation professionnelle est fondée sur des règles fixées par la loi, mais aussi sur des obligations conventionnelles – issues d'accords signés par les partenaires sociaux qui prévoient des dispositions spécifiques dans les branches professionnelles (par exemple mutualiser des ressources au profit des TPE-PME). Or les URSSAF ne savent pas gérer ce type de singularités ».

La suppression de certaines missions et la fusion des opérateurs vont, sans aucun doute, entraîner une casse sociale dans un secteur comptant environ 6 000 salariés. Le personnel et les syndicats de ces opérateurs sont très inquiets : certains redoutent la perte de la moitié de leurs postes.

Enfin, les regroupements doivent avoir lieu autour des champs professionnels et des filières économiques, sans quoi l'État ne délivrera pas d'agrément et l'autorité administrative pourra désigner elle-même l'opérateur agréé. L'État s'arroge ainsi le pouvoir de définir les critères de constitution des opérateurs de compétences, dans la mesure où un décret en Conseil d'État va déterminer les conditions d'application du chapitre en question, ainsi que les règles relatives à la constitution, aux attributions, au fonctionnement des opérateurs de compétences.

Nous ne voulons pas de ce grand chamboulement, qui n'apporte aucune avancée. À l'extrême opposé de la vision individualiste de ce texte de loi, qui passe par la destruction des OPCA, nous proposons un véritable service public de la formation professionnelle, associant l'État et les représentants des salariés.

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