Intervention de Mélissa Ménétrier

Réunion du jeudi 12 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Mélissa Ménétrier, secrétaire générale adjointe du syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) :

Je commencerai par présenter notre syndicat, le syndicat national des professionnels de la santé au travail. Intitulé syndicat national des médecins du travail à sa création en 1949, il est devenu pluridisciplinaire en 2005, intégrant tous les professionnels de la santé au travail.

Notre objectif est d'oeuvrer à la défense des droits et des intérêts de tous les professionnels de la santé au travail. Notre particularité est d'être un syndicat indépendant : nous sommes en position d'être à la fois critiques du fonctionnement des services de santé au travail et force de proposition.

Il existe plusieurs définitions de la santé. Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social ». Pour notre part, nous préférons celle posée dans une publication de La Documentation française : « La santé est la capacité de s'adapter à un environnement sans cesse en évolution, non seulement sans prélever sur ses capacités vitales mais en y puisant de nouvelles capacités pour son propre développement ». Elle nous paraît en effet mieux adaptée à la santé au travail car elle prend en compte les interactions d'un individu avec son environnement.

S'agissant des maladies professionnelles dans l'industrie, l'état des lieux est le même ou presque que pour les maladies professionnelles en général puisque l'industrie recouvre à peu près tous les métiers et tous les risques. Le travail et les itinéraires professionnels sont la première source de discrimination en matière d'espérance de vie et de morbidité. Six points séparent l'espérance de vie des ouvriers de celle des cadres et la mortalité prématurée est multipliée par trois pour les ouvriers par rapport aux cadres : le travail influe sur la santé.

Les troubles musculosquelettiques (TMS), première cause de maladie professionnelle, sont reconnus, même s'ils sont sous-déclarés, et de plus en plus d'atteintes à la santé mentale liées aux conditions de travail sont constatées et dénoncées : stress au travail, harcèlement moral, dépressions, suicides.

On assiste à une mutation du travail avec l'émergence de nouvelles formes de contrats de travail qui tendent à devenir la règle : contrats précaires, contrats partiels, contrats aidés, voire contrats à la tâche qui constituent une vraie mode. Ces nouvelles conditions de travail soumettent la population en âge de travailler à des agressions brèves et violentes – production accrue, parcellisation des tâches – et à des périodes d'exclusion du monde du travail. On peut constater en outre que les entreprises ont de plus en plus recours à la sous-traitance, ce qui leur permet d'externaliser les risques professionnels.

De nouveaux risques émergent avec les nanomatériaux, les perturbateurs endocriniens, les effets cocktail des produits chimiques multiples et des cancérogènes supplémentaires tandis que les risques connus depuis longtemps persistent malgré l'automatisation croissante : travail posté, charges physiques, exposition au bruit.

Il me paraît important de faire un point de la manière dont se construit la connaissance des maladies professionnelles.

La recherche scientifique joue un rôle fondamental dans l'établissement d'un lien causal entre une pathologie et un métier ou des conditions de travail. Il reste beaucoup à faire en ce domaine. L'évaluation des effets des produits chimiques sur la santé, par exemple, accuse du retard. Or, nous percevons plusieurs signaux d'alerte. Les moyens de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS) baissent alors qu'il a un rôle primordial. Quant aux universitaires qui se consacrent aux maladies professionnelles, ils sont de moins en moins nombreux. Ceux qui partent à la retraite ne sont pas remplacés.

Nous nous appuyons par ailleurs sur des nombreuses études de qualité issues de l'enquête SUMER (surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) ou de l'enquête sur les maladies à caractère professionnel (MCP). Elles sont réalisées à partir de questionnaires remplis par des médecins du travail sur le terrain. Toutefois, on note une diminution de la participation des professionnels à l'enquête SUMER, ce que nous ne pouvons que regretter car il s'agit d'un mode de production de données particulièrement intéressant. Il y a des raisons à cela : le travail des médecins et des infirmiers de santé se complique car ils disposent de moins de temps et sont soumis à davantage de pression. Comme chaque questionnaire réclame quarante-cinq minutes d'entretien individuel, on peut comprendre qu'il apparaisse comme une tâche annexe dans un contexte de surcharge de travail.

Les services de santé au travail interentreprises sont, quant à eux, peu impliqués dans la recherche. Ils se fondent sur des données extraites du dossier médical informatisé qui contiennent beaucoup de biais et qui ne sont pas toujours établies avec le consentement des personnes.

Pour bien connaître les maladies professionnelles, il est également important de disposer d'études de qualité nourries par des analyses de cohorte. À cet égard, on peut déplorer qu'aucun service de santé au travail n'emploie des assistants de recherche clinique ou des personnes qui se consacrent à la recherche, du fait des coûts que cela occasionne.

Il me paraît très important par ailleurs de développer la recherche de terrain comme cela se fait pour la médecine générale. Des postes de maîtres de stage des universités pourraient être créés afin de mêler enseignement et encadrement des étudiants à la recherche dans les services de santé au travail.

Une fois les maladies professionnelles connues, il faut pouvoir les repérer, détecter les personnes atteintes et assurer leur suivi. C'est le rôle des médecins du travail et des infirmiers que d'établir un lien entre les expositions et les pathologies. Pour y parvenir, il est nécessaire d'effectuer une traçabilité des expositions, notamment pour les cancers où il y a une grande latence entre l'apparition de la maladie et les expositions qui les causent. Or, certains outils de traçabilité individuelle ont disparu. Les attestations d'exposition aux agents chimiques ont été remplacées par la fiche de prévention des expositions, laquelle a disparu à l'occasion de la réforme du compte de pénibilité.

En outre, des difficultés se posent dans le maniement des outils restant à la disposition des professionnels de santé au travail suivant le type de structure où ils exercent. Un médecin du travail travaillant de manière autonome dans une grande entreprise a plus de facilités pour retracer les expositions car il a un accès aisé aux fiches de données de sécurité et à l'historique des produits utilisés. En revanche, un médecin d'un service interentreprises ayant trois cents entreprises voire plus dans son périmètre d'activité sera déjà content d'avoir des fiches de données de sécurité car certaines entreprises n'en disposent même pas. Il ne peut pas vraiment déterminer à quoi sont exposés les salariés car il n'y a plus de fiche d'attestation et les employeurs ne sont soumis à aucune obligation de traçabilité individuelle.

Dans les services médicaux interentreprises, le recours aux dossiers médicaux informatisés se développe de plus en plus mais le problème est qu'ils sont construits à partir de logiciels de comptabilité. La partie rattachée au dossier médical n'est pas toujours bien faite. Les risques chimiques notamment sont difficiles à prendre en compte car les thesaurus disponibles pour les décrire sont très rigides. Quand un produit n'y figure pas, il faut l'inscrire dans une partie laissée libre. Cela nous oblige à avoir une approche simplifiée de la traçabilité alors qu'elle devrait être détaillée.

Pour établir un lien entre l'exposition aux agents chimiques et l'état de santé des personnes, il faut aussi prendre en compte le fait que certaines pathologies ou co-expositions ont des effets aggravants, ce qui nécessite de prendre des mesures de protection renforcée, par exemple, pour les femmes enceintes. Nous ne pouvons donc pas uniquement nous fonder sur les déclarations de l'employeur ou sur les informations qu'il nous transmet. Il nous faut pouvoir interroger les personnes pour connaître leur état de santé et les interactions possibles avec leur environnement au travail. Il est important de maintenir une rencontre individuelle avec un médecin ou une infirmière pour recueillir des renseignements sur les expositions réelles vécues par le salarié qui peuvent être différentes de celles programmées par l'organisation du travail.

Par ailleurs, il faut tracer les risques psychosociaux (RPS) dans le dossier médical, ce qui prend beaucoup de temps alors que, dans beaucoup de services interentreprises, les médecins comme les infirmières se voient imposer des objectifs de « rentabilité » des consultations.

Un autre frein à la traçabilité des RPS réside dans les nombreuses plaintes déposées par des employeurs auprès du conseil de l'ordre des médecins. Plusieurs médecins sont attaqués pour ce qu'ils inscrivent dans les dossiers de santé au travail, notamment en matière de risques psychosociaux, ce qui les dissuade de porter trop d'éléments aux dossiers des salariés qu'ils examinent.

Mon syndicat considère qu'il est normal qu'un médecin puisse être attaqué devant le conseil de l'ordre, car cette profession ne doit pas bénéficier d'une immunité particulière. En revanche, le traitement des dossiers diffère largement en fonction des départements où ils sont instruits ; de plus, aucune enquête n'est menée au fond quant à la véracité des éléments portés au dossier. Qui plus est, l'employeur a tout intérêt à porter plainte, une saisine abusive n'étant punie que d'une amende de 2 000 euros.

La pratique du suivi partagé avec les infirmières est très ancienne en entreprise. Elle a connu une évolution avec la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : les infirmières ont désormais beaucoup plus de responsabilités, car elles suivent des salariés que les médecins ne verront plus toujours. Elles doivent donc être capables de repérer les problèmes et d'assurer la traçabilité des expositions dans les dossiers.

Cette évolution rend indispensable une formation adaptée et nous militons pour que celle-ci se situe au niveau du master, niveau cohérent avec celui exigé dans d'autres pays pour les infirmières cliniciennes. Nous conduisons à cette fin des négociations de branche avec notre organisme négociateur patronal, le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme), désormais dénommé Présanse.

Notre interlocuteur considère qu'il n'y a pas différence et que la formation que nous réclamons n'est pas nécessaire ; les discussions sont donc difficiles. Une aide du législateur nous serait d'un grand secours pour instituer cette formation universitaire, indépendante et qualifiante.

Par ailleurs, le médecin du travail n'est pas toujours le premier à examiner un salarié atteint par une maladie professionnelle : c'est souvent le fait du médecin généraliste ou d'un spécialiste. S'il s'agit d'un cancer, l'intéressé peut avoir cessé de travailler depuis longtemps et nous ne le reverrons plus. C'est pourquoi nous considérons qu'il est important de former les autres professionnels à la santé au travail et sur les liens entre l'exposition à divers risques et les conséquences éventuelles qu'ils peuvent avoir. Ils doivent être mieux informés des procédures de déclaration des maladies professionnelles et du suivi post exposition, les généralistes auxquels reviendrait ce suivi ignorant souvent comment procéder.

La reconnaissance des maladies professionnelles fait l'objet de tableaux. Vous savez déjà qu'elles sont sous-déclarées, mais je souhaite vous en donner les raisons.

La première tient au fait que les procédures sont parfois compliquées, et vous savez que la reconnaissance des atteintes psychiques, par exemple, est instruite par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) sous réserve de montrer un taux d'incapacité permanente (IP) égal ou supérieur à 25 %. Pour les intéressés, cela représente un parcours du combattant.

La deuxième raison est que les salariés redoutent toujours les conséquences de la déclaration d'une maladie professionnelle sur leur emploi ainsi que sur la perception que peut avoir d'eux leur employeur.

Enfin, lorsque l'on est en victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, on ne peut plus bénéficier du régime d'invalidité de la sécurité sociale. Or, ce régime est souvent plus avantageux que la rente versée au titre d'une maladie professionnelle.

Aussi, pour l'inscription au tableau 57, relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, j'hésite toujours, car pour une personne âgée de 50 ans dont l'épaule est détruite, le montant de la rente correspondant à la maladie professionnelle n'excédera pas 15 % de la moyenne du salaire calculée sur les douze derniers mois, alors qu'une rente pour invalidité pourrait atteindre 30 %. Nous sommes régulièrement confrontés à ces questions, et le choix n'est jamais simple : faut-il déclarer la maladie ou s'abstenir afin que l'intéressé bénéficie du régime de l'invalidité ?

Les tableaux de maladies professionnelles ne sont d'ailleurs pas toujours fondés sur des données scientifiques sûres ; nous le constatons, par exemple, avec le tableau 57, qui se réfère à des angles de posture de travail impossibles à estimer. De plus, l'obligation de recourir à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) n'a pas de sens, alors que les médecins savent très facilement établir un diagnostic de tendinite de l'épaule sur la base d'une simple échographie. Cet examen n'est pas invasif et n'emporte que très peu d'effets indésirables par rapport à une IRM, qui est difficile d'accès et beaucoup plus coûteuse.

L'organisation des services de santé au travail et de la prévention dans l'industrie est en fait à deux vitesses, entre services autonomes et services interentreprises. Dans les services autonomes, un médecin du travail suit 1 500 personnes environ, contre 4 000, voire beaucoup plus – jusqu'à 5 500 – dans les services interentreprises.

Le service placé au sein d'une grande entreprise et disposant d'un médecin résident garantit un suivi plus régulier et approfondi, ce qui n'est pas le cas des employés des petites entreprises suivis par un service interentreprises. C'est une source d'inégalité importante.

Par ailleurs, la gouvernance des services interentreprises est patronale, car si le conseil d'administration est paritaire, le président, qui est toujours un représentant des employeurs, dispose d'une voix prépondérante. Ces services sont d'ailleurs gérés comme des entreprises et non pas comme des associations chargées d'un service public. Afin de justifier la cotisation des entreprises, il faut leur rendre des services qui ne sont pas nécessairement fondés sur les besoins de santé des salariés. Un quota de consultations est ainsi exigé, dont le contenu n'est pas ce qui prime ; seul importe le chiffre : il faut développer les services aux entreprises, l'aide au document unique etc.

Ce mode de gestion nous crée de multiples difficultés pour exercer notre métier, en prenant le temps nécessaire pour ceux qui en ont le plus besoin. Or, c'est précisément ce qui nous a été « vendu » avec la loi du 8 août 2016 : les médecins s'occuperaient des cas les plus compliqués et disposeraient de plus de temps pour faire de la prévention, les personnes présentant des besoins moindres étant vues par des infirmières, susceptibles de les réorienter vers le médecin si nécessaire.

Aujourd'hui, la coopération entre médecins et infirmières se passe très bien, néanmoins les médecins ne disposent pas de plus de temps pour la prévention, car le nombre de patients a augmenté et tout le travail réalisé en coordination est pris sur le tiers-temps. Désormais, les médecins disposent de toute une équipe, mais nous consacrons beaucoup de temps à valider ce que font les autres et à faire ce que les autres ne peuvent pas faire, comme les études d'inaptitude. Nous disposons donc de moins de temps pour la prévention primaire et le déclenchement d'actions, car nous devons gérer beaucoup plus de cas compliqués.

Le cas des employés intérimaires est exemplaire de ce qui ne marche absolument pas dans la santé au travail : ces salariés font l'objet d'un suivi irrégulier, car ils sont susceptibles d'être vus par n'importe quel service de santé au travail. L'organisation est meilleure dans les régions où l'on compte un seul service par département, tandis qu'en région parisienne, où l'on compte plus de vingt-cinq services interentreprises, les intérimaires peuvent passer d'un service à un autre et leur dossier médical ne bénéficie d'aucun suivi.

De ce fait, nous ne pouvons rien faire quand un problème de santé nécessite un aménagement de poste et, quand nous apposons une mention autre que « apte », il est tout simplement mis fin à la mission de l'intéressé. Les services interentreprises nous poussent en outre à voir le plus d'intérimaires possible non pas pour des raisons médicales, mais parce que l'acte est rémunéré 100 euros. De la sorte, nous manquons de temps pour les salariés que nous voudrions réellement suivre, sans que nous fournissions pour autant un réel service aux intérimaires.

C'est d'autant plus déplorable qu'il s'agit de populations en grande précarité, dont les besoins de soins sont importants, et qui ne sont pas toujours suivies par un médecin généraliste. Alors qu'elles auraient un urgent besoin de prise en charge, c'est là un échec de notre système !

Un système à deux vitesses a été introduit à la suite de la loi du 8 août 2016, avec d'un côté ceux qui bénéficient d'un suivi individuel renforcé (SIR), et de l'autre, ceux qui n'en bénéficient pas. Dans le suivi individuel renforcé, on continue à vérifier systématiquement l'aptitude du salarié, ce qui n'est pas le cas dans les suivis normaux.

Pour notre part, nous militons pour faire disparaître cette vérification de l'aptitude, comme le préconisait d'ailleurs le rapport Quinton-Fantoni, pourtant à la base de cette loi. Nous pensons que cela n'a aucun effet sécurisant pour l'employeur, que cela perturbe la relation de confiance avec le salarié, et que c'est complètement improductif.

Prenons l'exemple des travailleurs exposés à des produits cancérogènes, qui continuent à être suivis en SIR. Ils doivent être vus tous les deux ans, soit par le médecin, soit par l'infirmière, qui rend ensuite un avis d'aptitude. Mais pourquoi dire à quelqu'un qu'il est apte à être exposé à un cancérogène ? Déontologiquement, cela ne rime à rien. Pour un médecin, cela revient à dire à la personne qu'elle est apte à utiliser des cancérogènes et à mourir plus tard : c'est tout de même extraordinaire !

Nous sommes donc pour la suppression complète de l'aptitude, mais pas de l'inaptitude. Il est important de garder une possibilité de rompre le contrat de travail pour des raisons de santé, pour des personnes qui ne vont vraiment pas bien et ne peuvent pas continuer. Mais la vérification systématique de l'aptitude n'est ni efficace ni utile.

Le récent rapport sur l'attractivité et la formation des professions de la santé au travail préconise des mesures très positives et très intéressantes, que ce soit sur la formation ou sur la possibilité de prescrire un premier arrêt de travail. En revanche, la façon dont est traitée la question de la pénurie en médecins du travail me gêne.

D'après ce rapport, si les médecins ne voyaient que les SIR et déléguaient tout à l'infirmière pour les autres suivis, il n'y aurait plus de pénurie de médecins. Le défaut de ce raisonnement est qu'il ne part pas des besoins de santé. Or, on doit d'abord se demander quels sont aujourd'hui les besoins de santé au travail, par rapport aux populations que l'on suit, et par rapport à nos missions. Il ne suffit pas d'appliquer la loi et la réglementation.

Le risque est d'être incohérent avec les données scientifiques. Je vous donne un exemple typique : les caristes bénéficient d'un SIR, mais pas les chauffeurs de poids lourds, qui sont tout le temps en déplacement et exposés aux risques routiers. Pour nous, du point de vue médical, quelle est la différence ? Pourquoi auraient-ils des suivis médicaux différents ? C'est incompréhensible !

Ainsi, la réglementation n'est pas toujours fondée sur les vrais besoins de santé. Ce sont pourtant eux qu'il faudrait prendre en compte pour dire s'il y a pénurie de médecins, ou pour construire le système. Pour nous, c'est une difficulté. Et pour moi, cette difficulté est due au fait que la médecine du travail est rattachée au ministère du travail, dont la logique est d'appliquer la réglementation.

De fait, tout ce qui relève des besoins de santé est très mal évalué ou très mal pris en compte. Par exemple, dans le cadre du plan Santé Travail, des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) ont été conclus, qui intéressent les services interentreprises. Mais on n'y trouve aucun projet comme la création de réseaux de soins, le rapprochement avec les médecins généralistes ou l'établissement de liens avec la santé publique. Les objectifs fixés ne sont même pas très ambitieux. Dans le CPOM sur la prévention de la désinsertion professionnelle, l'unique critère pris en compte est le nombre de visites de pré-reprise ! Ce n'est pas grand-chose par rapport à tout ce que l'on pourrait faire pour le maintien dans l'emploi, par rapport aux réflexions que l'on pourrait mener pour faire réagir les acteurs, ou inciter les uns et les autres à travailler ensemble. Peut-être parce que la santé passe après la composante réglementaire et le travail ?

En tant que syndicat, nous aimerions changer tout le système. Nous avons rédigé un projet, qui date de 2008 mais que l'on a remis à jour cette année, précisément pour faire disparaître ces différences entre services interentreprises et services autonomes de santé au travail, et pour que l'on engage vraiment une réflexion sur ce que doit être la santé au travail de demain.

Pour nous, il faut fusionner les services autonomes, les interservices et la fonction publique ; il n'y a pas de raison que les salariés soient suivis différemment. Il faut mettre les moyens là où c'est nécessaire, en prenant en compte les besoins de santé une fois qu'ils ont été correctement évalués. Il faut travailler dans ce sens avec une Agence nationale qui s'occuperait de tout ce qui est recherche et politique nationale, et des agences régionales qui appliqueraient la politique nationale et adapteraient les moyens par rapport aux besoins, suivant les bassins d'emploi.

Nous considérons que le système ne va plus et que toutes les réformes ne visent qu'à entrer dans le cadre réglementaire. Il y a pénurie de médecins et on n'arrive plus à faire toutes les visites qu'il faudrait faire réglementairement. On finit par espacer les visites, sans se poser la question de ce que sont les vrais besoins de santé et de ce qu'il faudrait faire pour que le système soit efficace.

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