Intervention de Marie-Christine Dalloz

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 15h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale :

Le champ de mon rapport spécial comprend non seulement la mission Direction de l'action du Gouvernement et le budget annexe Publications officielles et information administrative, mais également la mission Investissements d'avenir. Ce dernier point sera traité lors d'une deuxième commission d'évaluation des politiques publiques le 7 juin. Je rappelle à monsieur le ministre, qui parle ici au nom du Premier ministre, que les investissements d'avenir relèvent de ce dernier et non du ministre en charge de l'économie. Les décisions d'investissement sont celles du Premier ministre ; lui seul peut modifier la répartition des crédits en cours d'exercice. Voici donc l'objet de ma première question. Pourquoi le Premier ministre n'assume-t-il pas la responsabilité des programmes d'investissement d'avenir (PIA) ?

Je dirai également quelques mots du périmètre du budget annexe Publications officielles et information administrative, qui retrace les activités de la direction de l'information légale et administrative (DILA). On observe depuis de nombreuses années une érosion importante des recettes de ce budget annexe, constitué essentiellement des recettes d'annonces publiées au Bulletin officiel. En contrepartie, les gestionnaires de la DILA ont multiplié les mesures d'économie, qu'il s'agisse des plans de départs volontaires ou de l'arrêt de la publication du Journal officiel (JO) – tant et si bien que les recettes même en baisse considérable sont largement supérieures aux dépenses. Pour 2017, la contraction des dépenses permet de dégager un excédent budgétaire de 35,4 millions d'euros. Cet excédent étant positif depuis quelques exercices, le compte de trésorerie de la DILA présente un solde créditeur d'environ 530 millions d'euros selon les informations publiées par la Cour des comptes. Le « trésor de guerre » de la DILA est-il voué à rester sur son compte à la Banque de France ? Plus largement, la suppression de ce budget annexe, évoquée par la Cour des comptes, est-elle à l'étude ? En outre, la principale source d'inquiétude reste la soutenabilité du financement de la caisse de retraite du personnel de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels (SACIJO). Cette dernière est liée à l'État par une convention et il appartient à la DILA d'assurer la gestion administrative et sociale de ses salariés. Dans ce cadre, la DILA a dû verser 9,7 millions d'euros en 2017 pour combler le déficit de la caisse de retraite des personnels. Compte tenu du décalage croissant entre cotisants et pensionnés, les ayants droit ont bien conscience des menaces qui pèsent sur leur régime spécial. Ils ont voté une hausse du taux de cotisation, qui passe ainsi de 5 à 5,5 %, et le gel de l'indexation des pensions. Cependant, la situation n'est pas soutenable à long terme. Qu'est-il envisagé pour garantir le versement des pensions de la SACIJO ?

J'en viens enfin à la mission Direction de l'action du Gouvernement. La consommation des crédits 2017 s'établit à 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). Il ne s'agit pas là des dépenses du seul périmètre du Premier ministre, puisque cette mission se compose de trois programmes.

Le programme 129 porte, outre les cabinets du Premier ministre, du ministre chargé des Relations avec le Parlement et des autres secrétaires d'État rattachés au Premier ministre, sur différentes entités qui se caractérisent par un positionnement interministériel. La principale dépense concerne le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), que l'on ne peut que soutenir dans le contexte que nous connaissons.

Le programme 333 rassemble les moyens mutualisés des administrations déconcentrées. Il s'agit essentiellement de dépenses de personnels qui concourent à la réalisation de différentes politiques publiques sur les territoires, ainsi que les loyers des services administratifs et les achats mutualisés.

Le programme 308, quant à lui, regroupe différentes autorités administratives et publiques indépendantes dont l'activité principale n'est pas la régulation économique, mais la protection des droits et des libertés. À ce titre, elles ne sont pas rémunérées par des taxes affectées, mais uniquement sur des crédits budgétaires.

Si dans sa note sur l'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes n'a formulé aucune recommandation au titre de la gestion 2017 de cette mission, je tiens à souligner quelques points qui ont retenu mon attention. Sur le programme 129, les restes à payer atteignent 445 millions d'euros, ce qui me semble particulièrement élevé, même si, j'en ai bien conscience, l'essentiel provient de la prise à bail de l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy pour 361 millions d'euros. Une réflexion sur les indicateurs de performance de la mission s'impose également. La Cour le dit – elle le dénonce clairement –, l'absence de lien entre performance et budgétisation est une réalité.

J'ai fait porter mes travaux d'évaluation sur les budgets des autorités administratives publiques indépendantes (AAI) rattachées à la mission. En effet, la mission Direction de l'action du Gouvernement est la seule du budget de l'État qui rassemble un nombre considérable d'AAI, pour la plupart financées par le programme 308 Protection des droits et des libertés. L'une d'entre elles est toutefois financée par le programme 129 Coordination de l'action du Gouvernement. Il s'agit du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Celui-ci se prononce sur les demandes d'indemnisation de toute personne souffrant de maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français. La loi de programmation du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer a considérablement modifié les modalités d'examen par le CIVEN, en faisant disparaître le principal verrou qu'était le risque du lien négligeable entre la maladie et l'exposition aux rayonnements. Sans entrer dans le détail, la seule possibilité dont dispose désormais le CIVEN pour refuser une indemnisation est de prouver qu'une personne n'a jamais été exposée aux rayonnements ionisants, ce qui est quasiment impossible. Ainsi, une personne qui aurait passé trois jours de vacances en Polynésie française dans les années 1960 pourrait demander une indemnisation totale à l'État français si elle est atteinte de cancer, puisqu'on ne peut pas prouver que son cancer n'est pas dû aux essais nucléaires. La loi ajoute, en outre, que toutes les demandes d'indemnisation précédemment refusées peuvent être réexaminées au regard des nouvelles règles. Rappelons quand même que l'indemnisation moyenne des victimes reconnues est de 60 000 euros par an. Les dépenses d'intervention du CIVEN doublent d'année en année. Après 1,5 million d'euros en 2016, elles atteignent 4,6 millions en 2017 et sont prévues à hauteur de 8,9 millions d'euros en 2018. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour endiguer ce phénomène qui constitue un risque de dérapage budgétaire important pour les années à venir ?

J'avais demandé l'an dernier à la Cour des comptes la réalisation d'une enquête sur la politique de rémunérations des AAT, compte tenu de l'augmentation de leur masse salariale, année après année et de leurs politiques salariales. Ce rapport a été remis début 2018 et présenté à la commission des finances en février. La Cour dresse le constat d'une augmentation générale de la masse salariale et des effectifs des AAI entre 2011 et 2016. J'ai rencontré la plupart des présidents des AAI rattachées à cette mission, je suis leurs crédits depuis plusieurs années et j'ai bien conscience que nombre d'autorités font face à une charge de travail considérable et en augmentation. Elles se voient régulièrement confier de nouvelles missions et l'on peut compter sur leurs personnels pour y faire face. En outre, ces dépenses s'inscrivent dans un cadre juridique bien particulier, la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes, qui rappelle le principe de leur indépendance budgétaire. Les AAI sont libres de décider de l'utilisation de leur budget. En outre, elles ne sont pas soumises au contrôle a priori du contrôleur budgétaire et financier. Elles bénéficient donc d'une marge de manoeuvre supérieure à celle des services administratifs des ministères dans l'engagement de la dépense publique. Cette marge de manoeuvre leur permet d'opter pour une politique salariale très attractive. Elles recrutent essentiellement des contractuels ou des fonctionnaires détachés sur contrat, qui bénéficient alors d'un gain salarial non négligeable. On observe ainsi que les dépenses de personnel augmentent plus rapidement que les effectifs, ce qui traduit un système généreux de primes dans certaines AAI. Ce qui ressort du rapport de la Cour des comptes, à mon sens, c'est l'absence de règles clairement définies. Le temps de travail, par exemple, même s'il peut être très important dans certaines AAI compte tenu de l'augmentation du nombre de missions, ne fait pas toujours l'objet d'un suivi. Parfois, c'est la rémunération du président de l'AAI qui ne repose sur aucune base juridique. Parmi les principales observations de la Cour, je partage l'idée de mettre en place un pilotage de la masse salariale de ces organismes et de généraliser l'adoption d'un cadre de gestion en matière de rémunération. Qu'est-il envisagé de faire en la matière et en suivi des préconisations de la Cour ?

Une autre source d'économie réside dans la mutualisation des services. L'emménagement sur le site Ségur-Fontenoy de plusieurs autorités – la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et le Défenseur des droits – va dans le bon sens. Comment entendez-vous poursuivre ces mutualisations, monsieur le ministre ?

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