Intervention de Guy Teissier

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, il me revient de soumettre à votre examen le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie.

Il s'agit donc de deux conventions complémentaires l'une de l'autre : une convention d'entraide judiciaire qui permet à deux États une coopération étroite dans le traitement des affaires pénales de toutes sortes, et une convention d'extradition qui leur permet de se livrer mutuellement les personnes poursuivies et condamnées selon leurs législations respectives.

Bien que Sainte-Lucie soit un petit État, la coopération judiciaire entre elle et la France est un sujet important. La Martinique n'est située qu'à une soixantaine de kilomètres de son territoire et l'activité des gangs criminels dans la région est devenue problématique ces dernières années. Profitant de l'éclatement de la région en nombreux États de petite taille qui n'ont pas toujours les moyens de coordonner suffisamment l'action de leurs services de police, les trafiquants ont fait des Caraïbes une région de transit importante pour les drogues illicites, et cette activité a entraîné une augmentation des crimes violents, notamment des homicides.

La coopération judiciaire et les demandes d'extradition ont en effet déjà lieu de façon courante entre la France et Sainte-Lucie. Les deux conventions que nous sommes appelés à examiner permettront de formaliser cette coopération et de l'encadrer avec les dispositions habituelles aux conventions de ce type.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et Sainte-Lucie sont actuellement toutes deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées et sont liées, en matière d'extradition, par les stipulations du traité d'extradition entre la France et la Grande-Bretagne, signé à Paris le 14 août 1876. Ce traité, qui n'a servi de fondement à aucune demande d'extradition entre la France et Sainte-Lucie, n'est cependant pas adapté aux besoins actuels et est abrogé par l'article 25 de la convention d'extradition.

La France et Sainte-Lucie ne sont liées en revanche par aucun dispositif conventionnel bilatéral d'entraide judiciaire en matière pénale. Les échanges dans ce domaine s'effectuent dès lors soit sur le fondement des conventions multilatérales, soit sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.

Les deux présents textes résultent d'une session de négociation qui a eu lieu à Sainte-Lucie en mai 2014, à la faveur de la 5ème commission mixte franco-saint-lucienne de sécurité. Les échanges intervenus à cette occasion ont permis de parvenir à un consensus sur les deux projets de texte communiqués par la partie française.

Les deux textes sont donc classiques et présentent peu de différences avec les autres conventions d'entraide judiciaire et d'extradition signées par la France.

Les principales dispositions des conventions sont les suivantes.

Pour ce qui concerne la convention d'extradition, les deux parties s'engagent à se livrer réciproquement les personnes se trouvant sur le territoire de l'une d'elles et recherchées par les autorités judiciaires de l'autre partie, afin de permettre l'exercice des poursuites pénales ou d'assurer l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l'autre État à la suite d'une infraction pénale.

Les faits donnant lieu à extradition doivent être punis par la loi des deux parties, la peine encourue devant être d'au moins deux années d'emprisonnement lorsque l'extradition est demandée aux fins de poursuite, et le reliquat de la peine restant à purger devant être d'au moins six mois lorsque l'extradition est sollicitée aux fins d'exécution de peine. L'extradition par une partie de ses propres nationaux est autorisée par la convention, mais n'est possible que concernant les ressortissants de Sainte-Lucie, puisque l'article 696-4 du code de procédure pénale interdit à la France d'extrader ses ressortissants.

Les motifs obligatoires et facultatifs de refus sont également classiques et concernent principalement les discriminations, les infractions politiques ou militaires, et le fait que la personne réclamée ait été jugée ou doive être jugée par un tribunal d'exception.

Concernant la peine de mort, en vigueur à Sainte-Lucie, la convention prévoit un mécanisme de substitution de peine de plein droit pour les infractions pouvant faire l'objet d'une telle condamnation, obligeant la partie requérante à appliquer la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la partie requise. Ce mécanisme, appliqué pour la première fois par la France en 2008 dans la convention d'extradition conclue avec le Maroc, n'a pas encore été mis en oeuvre à ce jour.

Le principe de spécialité limite l'action menée par la partie requérante vis-à-vis de la personne extradée aux seuls faits ayant motivé l'extradition, sauf si ces derniers sont postérieurs à la remise, ou si la partie requise consent à une extension de l'extradition à des faits différents. Cette disposition permettra à Sainte-Lucie de répondre favorablement aux demandes françaises d'extension d'extradition, ce que son droit ne lui permettait pas jusqu'à présent si la personne concernée n'était pas présente physiquement sur son territoire.

Les demandes d'extradition sont transmises par la voie diplomatique et peuvent être précédées d'une demande d'arrestation provisoire transmise. L'arrestation provisoire dure au maximum soixante jours.

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale correspond au projet communiqué par la France et s'inspire fortement des mécanismes de coopération existant au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe.

En application du principe de l'entraide la plus large possible, la coopération judiciaire demeure possible selon des modalités qui ne figurent pas expressément dans le texte de la convention. Les motifs de refus obligatoire d'entraide sont cependant énumérés. Ils concernent principalement les infractions politiques et militaires, ou le fait que l'exécution d'une demande d'entraide puisse porter atteinte à la souveraineté, à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la partie requise. L'aide peut également être refusée si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la partie requise. Elle ne peut cependant être refusée au seul motif que l'infraction à laquelle la demande se rapporte serait qualifiée par la partie requise d'infraction fiscale.

L'article 2 consacre le principe d'une communication directe entre les autorités centrales des deux parties. La communication reste néanmoins possible par la voie diplomatique et, en cas d'urgence, par tout moyen.

L'exécution des demandes d'entraide est conforme au droit de la partie requise, mais la partie requérante peut demander l'application de formalités et de procédures particulières si le droit de la partie requérante le permet, afin de faciliter l'insertion des preuves dans un dossier pénal. La convention permet également aux autorités de la partie requérante de demander à assister à l'exécution de la demande d'entraide, voire d'interroger directement un témoin ou un expert, avec le consentement de la partie requise. Le droit français ne permettant pas aux autorités françaises de répondre favorablement à une telle demande, cette disposition ne s'appliquera qu'aux demandes d'entraides formulées par la France.

Les auditions par vidéoconférence sont possibles lorsqu'elles ne sont pas contraires au droit de la partie requise et lorsque les moyens techniques sont disponibles. L'article 13 permet la transmission de données bancaires pouvant inclure la communication des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée ou le suivi instantané des transactions bancaires. La comparution de témoins ou d'experts devant les autorités judiciaires de la partie requérante et aux frais de cette dernière est prévue à l'article 8, l'article 9 traitant de l'immunité judiciaire de ces personnes.

La transmission dans le cadre de l'entraide de données à caractère personnel est régie par l'article 20, qui fixe les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être utilisées par la partie requérante. La France peut ainsi soumettre l'utilisation des données à caractère personnel transmises aux autorités de Sainte-Lucie à des restrictions en adéquation avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Ces deux conventions sont donc utiles, puisqu'elles permettront aux deux pays signataires de mener une lutte plus efficace contre la criminalité internationale dans la région des Caraïbes. Elles ne posent par ailleurs pas de problème particulier et sont conformes aux projets soumis par la France.

Le Sénat a approuvé les conventions le 20 décembre 2017. Les autorités de Sainte-Lucie n'ont pas encore informé la France de l'accomplissement des procédures exigées par son ordre juridique interne pour leur entrée en vigueur, mais nous ne pouvons qu'espérer que ce sera bientôt le cas, et leur signifier en approuvant ce texte que nous attendons avec impatience qu'ils en fassent autant.

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