Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Françoise Nyssen, ministre de la culture :

M. Lauzzana m'a posé trois questions. Je le remercie particulièrement pour la première, touchant la fréquentation des institutions patrimoniales par les jeunes. Les statistiques indiquent effectivement que les jeunes de moins de 18 ans représentent 14 % des visiteurs des musées et monuments, et ceux de 18 à 25 ans 10 %, soit au total un quart de leur fréquentation. C'est déjà important, mais jamais suffisant. La fréquentation des groupes scolaires, en particulier, a augmenté en 2017 de 12 % dans les musées nationaux et de 11 % dans les monuments nationaux, après une année 2016 en repli, pour les raisons que vous savez.

Afin de favoriser encore cette fréquentation – vous savez que c'est, là encore, une chose qui me tient à coeur, je l'ai d'ailleurs évoquée en répondant sur le patrimoine –, je souhaite développer les dispositifs nationaux, comme « C'est mon patrimoine ! », qui a touché 40 000 jeunes pendant les vacances scolaires en 2017 ; un autre dispositif important est « La classe, l'oeuvre ! », auquel 15 000 élèves ont participé en 2018, et qui sera étendu l'année prochaine aux monuments historiques et aux chantiers archéologiques. Ces chantiers doivent vraiment, eux aussi, être développés, car ils exercent non seulement un effet pédagogique, mais un effet d'attraction sur les jeunes.

Nous avons également parlé du « Pass Culture », qui donnera à chaque jeune un aperçu de tous les éléments patrimoniaux les plus proches de chez lui, afin qu'il puisse imaginer des sorties, des visites, des choses à faire avec d'autres, souvent d'ailleurs avec une médiation, parce que les jeunes en sont très friands.

Je continue enfin à encourager le développement d'accueils dédiés aux jeunes et de programmations spécifiques à leur intention, qui leur faciliteront l'appropriation des collections ainsi que la pratique artistique. Ils sont vraiment au coeur de la politique que je mène, de concert avec le ministère de l'éducation nationale.

Après cette première question très importante, la suivante portait, toujours dans le même esprit, sur l'accès aux bibliothèques. Vous me demandiez de rappeler quelques éléments : nous avons 16 500 bibliothèques et « points lecture », animés par 38 000 bibliothécaires et 82 000 bénévoles. On dit que 40 % de la population a poussé la porte d'une bibliothèque en 2017, et que l'on trouve toujours une bibliothèque à moins de 20 minutes de chez soi.

C'est donc vraiment le maillage par excellence des services de culture accessibles au public, partout sur le territoire. Les horaires, en revanche, peuvent poser problème, puisqu'il est fréquent que les bibliothèques ne soient pas ouvertes le soir, à l'heure du déjeuner ou à la fin de la semaine.

L'objet du rapport qu'Erik Orsenna m'a remis était de trouver des manières d'y remédier et d'accompagner un mouvement de transformation, afin que nos bibliothèques soient ouvertes au plus grand nombre de nos concitoyens, et soient ouvertes mieux. Cela peut être rendu possible en décalant les horaires d'ouverture, et en les adaptant en fonction des territoires.

Nous avons fixé un objectif collectif d'une moyenne d'ouverture de 35 heures par semaine dans les villes de plus de 20 000 habitants, et de 50 heures pour les villes de plus de 100 000 habitants, afin de relever une moyenne française vraiment catastrophique, d'environ 40 heures hebdomadaires, contre par exemple 90 heures à Copenhague, si j'ai bonne mémoire.

Nous voulons aussi renforcer les bibliothèques dans leur rôle de maisons de service public de proximité, contribuant aux apprentissages, notamment celui du français comme langue étrangère, et à l'éducation aux médias, dont nous avons évoqué l'importance, ou proposant un soutien aux devoirs pour les jeunes, aidant à l'éducation, à la sociabilisation, à la recherche d'emploi, organisant des ateliers culturels, favorisant l'accès au numérique… Tout cela nécessite de mieux former et d'accompagner les personnels, et passe par un plan commun et partagé avec les collectivités, soutenu par un investissement interministériel fort. Sept ministères sont mobilisés : la justice, l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, le numérique, l'intérieur, le handicap, la cohésion des territoires. Tous sont concernés par ce travail autour des bibliothèques.

Il sera soutenu par l'abondement de 8 millions d'euros de concours particulier pour les bibliothèques, au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) en 2018, soit une augmentation de 10 % des crédits de fonctionnement, pour permettre l'extension des horaires d'ouverture. Ce travail est déjà payant, puisque 185 collectivités se sont engagées dès 2018 dans ce mouvement de transformation. L'objectif est qu'elles soient 200 d'ici la fin de l'année, avec une attention particulière, évidemment, aux quartiers prioritaires et aux zones rurales, où plus de deux tiers des collectivités seront accompagnées.

Nous travaillons également, avec le ministère et de l'enseignement supérieur et de la recherche, à étendre les horaires d'ouverture des bibliothèques universitaires, très insuffisants à ce jour.

Vous m'interrogiez enfin, monsieur Lauzzana, sur les ressources propres des institutions patrimoniales, et sur l'effet de levier des aides de l'État. Vous l'avez dit, le taux de ressources propres des institutions patrimoniales et architecturales s'est élevé à 52 % en 2017 : c'est 5 points de plus qu'en 2012. Ce niveau est considérable, même s'il varie d'un établissement à l'autre. Il progresse en tout cas régulièrement, chaque année. C'est le fruit de politiques volontaristes, menées par les établissements qui diversifient leurs ressources propres, au-delà des recettes de billetterie, même si celles-ci restent majoritaires.

Il est important de noter à ce propos que le développement de partenariats internationaux, comme le Louvre Abou Dhabi, ou les centres Pompidou provisoires, sont également déterminants pour le développement des ressources propres, puisqu'en contrepartie des missions réalisées à l'étranger, des moyens supplémentaires affluent vers les institutions d'origine.

Je compte vraiment encourager cette dynamique, en accompagnant à l'international la valorisation de nos savoir-faire, déjà très demandés, en assurant la promotion des richesses patrimoniales françaises, et en favorisant le mécénat et les investissements qui contribuent à leur attractivité.

J'en viens à la question de Mme Bazin-Malgras sur l'hégémonie de la BNF. Si on la considère comme un simple poste budgétaire, on passe à côté du fait qu'elle est un centre essentiel pour la conservation des oeuvres et pour l'organisation d'expositions. Et puis – je puis en parler, puisque je l'ai pratiqué dans une autre vie – c'est le lieu du dépôt légal : tout est rassemblé là. Un tel centre est indispensable, même si une coopération accrue avec les autres bibliothèques est souhaitable.

La BNF poursuit d'ailleurs les priorités stratégiques définies dans son contrat de performance, en s'efforçant d'élargir ses publics, d'organiser des animations, d'accueillir notamment les étudiants ou en accomplissant, au moment du baccalauréat, un effort important pour accueillir les lycéens et les aider dans la préparation de l'examen ; pour développer aussi son offre numérique et renforcer sa présence en région, tout en assurant la préservation et la modernisation de ses bâtiments et de ses équipements.

Quant à l'INRAP, je le disais, aucun versement de subventions complémentaires n'a été nécessaire, cette année, pour assurer son équilibre. La trajectoire de son redressement se confirme : le chiffre d'affaires des fouilles est en augmentation de 6 % par rapport à 2016, le résultat s'est donc également amélioré par rapport à 2016, avec une variation de trésorerie positive de 3 millions, sans aucun apport complémentaire de l'État. Les prix sont désormais mieux maîtrisés et le marché de l'archéologie préventive mieux régulé. L'INRAP a par ailleurs été reconnu éligible au crédit d'impôt recherche, comme l'a rappelé M. Carrez, au même titre que les opérateurs privés.

C'est donc un bilan encourageant, accompagné de plusieurs réformes structurelles, avec un meilleur pilotage économique des opérations, une simplification des implantations immobilières, une gestion prévisionnelle des effectifs, la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique et l'évolution de son cadre des ressources humaines. Je considère donc que l'établissement a consenti des efforts importants, permettant une amélioration structurelle de sa situation, sur laquelle nous restons évidemment très vigilants.

Vous m'interrogiez, madame El Haïry, au sujet de Radio France. L'entreprise est pleinement investie, vous le savez, dans le chantier de sa transformation. J'ai déjà évoqué la nécessité d'une meilleure coopération entre médias, et cela passe par un accompagnement de la gestion des ressources humaines et par un effort de formation. Les sociétés y travaillent. L'important – et c'est vraiment mon chantier – est de travailler ensemble, notamment à l'amélioration de la formation, pour mieux aborder les transformations rendues nécessaires par les changements d'usages et par l'évolution des manières dont les publics considèrent et s'approprient désormais la radio et la télévision.

J'en viens aux nombreuses questions de M. de Courson. Quant au ministère, nous n'avons procédé à aucune suppression nette d'emplois en 2017, mais nous contribuons, à compter de 2018, aux baisses d'effectifs. Il n'y a pas eu de hausse des dépenses de personnel, mais un effort de rattrapage catégoriel des agents ministériels, notamment dans les DRAC. Car nous observons un écart encore fort par rapport à d'autres ministères, qui tient à un problème d'attractivité, alors que le rapport sur les DRAC a montré l'importance du travail effectué dans ces structures : ce sont elles qui parviennent à réunir l'ensemble des opérateurs et des représentants des collectivités territoriales afin de soutenir les projets culturels.

Nous avons également consacré 500 000 euros au rattrapage des inégalités salariales entre hommes et femmes. C'était une réalité au ministère, où l'on avait mesuré un différentiel global de 10 %.

Quant à nos dépenses fiscales, nous les évaluons, comme tout bon ministère, avec le concours du ministère de l'action et des comptes publics. J'insiste sur l'effet de levier des dépenses fiscales. Le mécénat des petites et moyennes entreprises (PME) est vital pour la culture sur l'ensemble du territoire. C'est pour cela que nous réfléchissons à des mesures propres à le renforcer, et mieux adaptées à ces entreprises. Si nous soutenons les crédits d'impôts, c'est parce qu'ils contribuent très fortement à relocaliser l'activité.

Vous avez enfin posé une question, monsieur, pour le compte de M. Bournazel, sur le crédit d'impôt « théâtre », que votre collègue appelle de ses voeux. Nous réfléchissons à un élargissement du champ du crédit d'impôt « spectacle vivant » actuel à tous les secteurs du spectacle vivant. L'évaluation en cours nous permettra de disposer de données objectives sur ce point, afin de nous prononcer collectivement sur une réforme éventuelle de ce crédit d'impôts.

Vous m'interrogiez, madame Mette, au sujet de Canal Plus. La nouvelle nous est arrivée hier, et nous sommes évidemment en contact étroit avec les dirigeants de la chaîne. Vous l'avez constaté, l'inflation des prix – puisque c'est la question qui s'est posée au moment d'acquérir les droits de diffusion des matchs de la Ligue 1 – est impressionnante pour la période 2020-2024 : elle atteint des sommes qui dépassent le milliard d'euros. Nous devons être vigilants pour le modèle économique de Canal Plus, qui est essentiel au financement du cinéma.

Pour agir, nous disposerons bientôt d'un moyen fort : la future loi audiovisuelle, qui transposera la directive sur les services des médias audiovisuels (SMA). C'est le résultat d'une grande victoire française à Bruxelles : tous les diffuseurs auront les mêmes obligations de financer le cinéma et la création audiovisuelle. C'est l'un des axes forts de cette directive, qui nous aidera à renforcer les obligations des acteurs afin de financer la création française. C'est bien en ce sens qu'il faut réfléchir.

Pour revenir à la question des exploitants, que vous connaissez bien puisque vous appartenez vous-même au secteur, la loi de 2010 prévoit une contribution des distributeurs, surnommée Virtual Print Fee (VPF), pour amortir l'équipement numérique des salles.

Ces contributions arrivent effectivement à terme. Un rapport a, vous le savez, été réalisé à la fin de 2011 par l'IGAC et l'IGF afin d'imaginer l'après-VPF. Le rapport préconise de ne pas reconduire ces contributions après 2021, car les équipements sont amortis et les distributeurs qui participent à leur financement sont en difficulté financière. Il formule d'autres recommandations, qui seront mises en oeuvre : un observatoire a par exemple été mis en place pour mieux identifier les difficultés financières des petites et moyennes exploitations.

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