Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur spécial :

En tant que rapporteur spécial pour les affaires européennes, mon intervention portera sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.

En comptabilité budgétaire, cette contribution au budget européen est enregistrée comme une moindre recette. Elle ne fait donc l'objet d'aucune analyse de la performance, comme l'a relevé la Cour des comptes dans sa note d'analyse d'exécution budgétaire. Pourtant, il s'agit bien, selon les principes de la comptabilité nationale de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), d'une dépense publique. À ce titre, elle doit faire l'objet d'une évaluation et d'un contrôle qui relèvent, dans le détail des crédits, du Parlement européen. Cependant, les différents rapporteurs spéciaux peuvent également les examiner pour les secteurs qui ressortent de leur portefeuille.

De même, une évaluation du montant global exécuté en loi de règlement doit avoir lieu, ne serait-ce que pour s'assurer de la qualité des prévisions initiales, mais aussi dans une démarche prospective visant à anticiper les prochains prélèvements sur recettes. Certes, le montant de ces derniers n'est pas pilotable à court terme, et ceci pour deux raisons. Tout d'abord, il s'insère dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020, sur lequel la France s'est déjà engagée. Ensuite, et surtout, il dépend des appels de fonds qui résultent des différents budgets de l'Union européenne.

Cependant, à plus long terme, le montant du prélèvement sur recettes dépend des engagements que nous prendrons à l'issue des négociations des prochains cadres financiers pluriannuels, et en premier lieu celui qui couvrira la période 2021-2027. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé mes travaux de contrôle de rapporteur par les auditions des responsables administratifs en charge de préparer cette négociation. J'ai pu constater à quel point les intérêts et la vision de la France étaient défendus – et bien défendus.

Pouvez-vous nous rappeler, monsieur le ministre, quels moyens sont dévolus à cette négociation ?

Nous sommes en effet entrés dans la phase active des négociations. Le 2 mai 2018, la Commission européenne a présenté ses propositions pour le prochain CFP. Il s'agit d'une première étape. Il reviendra ensuite au Conseil statuant à l'unanimité, avec l'approbation du Parlement européen, de rendre la décision finale sur le CFP.

L'élaboration de ce cadre financier est marquée par un contexte difficile, lié notamment aux conséquences budgétaires du retrait du Royaume-Uni. La Commission a proposé, pour la période 2021-2027, un cadre financier de 1 279 milliards d'euros en engagements et de 1 246 milliards d'euros en crédits de paiement, soit respectivement 1,114 % et 1,08 % du revenu national brut (RNB) de l'Union. Ceci représente une hausse du budget européen de 0,13 point du RNB de l'union. À ce rythme, il nous faudrait patienter environ 414 années avant d'atteindre les 10 % du RNB, ou 692 années supplémentaires avant que la taille du budget européen ne rejoigne celle du budget fédéral américain. Disons-le clairement, ce n'est pas à la hauteur de nos ambitions pour l'Europe. Comme se plaît à l'affirmer M. Alain Lamassoure, député européen, « nous ne ferons pas l'Europe avec des pourboires ».

Le budget de l'Union est modeste par rapport à la taille de l'économie européenne et des budgets nationaux, gommant de fait la fonction stabilisatrice qu'il devrait remplir. Nous devons avoir conscience que notre enthousiasme n'est pas partagé par tous nos partenaires, d'autant que le futur budget de l'Union devra également faire face au défi majeur du Brexit.

Financer de nouvelles priorités avec moins d'argent ne sera pas chose aisée, nous en sommes conscients. De surcroît, la Commission européenne propose de réduire d'environ 5 % le budget de la politique agricole commune (PAC), ce qui représenterait une baisse substantielle de 60 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France à cet égard ?

La Commission européenne s'est également prononcée sur la durée du CFP. Le principe d'un cycle septennal a été maintenu – soit 2021-2027 –, avec réexamen à mi-parcours, en 2023. La possibilité d'évolution vers un cadre de cinq ans n'est pas totalement exclue. Le cycle politique des institutions européennes étant quinquennal, la Commission précise ainsi que l'Union pourra, si tel est son choix, décider d'un nouveau cadre d'une durée de cinq ans à partir de 2028. Ainsi, ne devrions-nous pas considérer que certaines missions ou certains pans budgétaires nécessitent une programmation plus ou moins courte en fonction des sujets abordés ? En l'état des choses, les parlementaires européens débutent leur mandat sur la base d'un CFP négocié avant leur élection. Le temps budgétaire n'est donc pas aligné sur le temps démocratique.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que nous renforcerions la démocratie européenne et l'attachement de nos concitoyens à l'Europe si nous nous efforcions de faire coïncider le cycle démocratique quinquennal avec le cadre financier pluriannuel ? Ne pas y procéder présenterait le risque de désintéresser les électeurs européens, auxquels aucun réel enjeu ne sera proposé. Pire, ce serait risquer de n'intéresser que les eurosceptiques, souvent bien plus mobilisés. Nous devons déterminer quelle Europe nous voulons et articuler de facto un budget avec nos souhaits, et non l'inverse.

J'en viens plus spécifiquement à l'exécution budgétaire 2017. Le budget de l'Union européenne a atteint 157,8 milliards d'euros en 2017 en crédits d'engagement, en légère hausse par rapport à 2016. En revanche, les crédits de paiement ont baissé, passant de 143,9 milliards d'euros en 2016 à 134,5 milliards d'euros en 2017. S'en est suivie une baisse du prélèvement sur recettes, puisque celui-ci se calcule sur les crédits de paiement. Il s'est monté à 16,4 milliards d'euros en 2017 contre 19 milliards d'euros en 2016, soit un recul de 2,6 milliards d'euros. Comme je l'indiquais en préambule, cela s'explique par le rythme de déploiement du cadre financier pluriannuel : nous avons observé un démarrage plus tardif des politiques de cohésion.

Le prélèvement sur recettes est donc appelé à s'élever ces prochaines années. Je me réjouis que cette donnée ait été parfaitement intégrée dans la loi de programmation des finances publiques. Il n'y aura pas de surprise à cet égard. La Cour des comptes avait d'ailleurs recommandé au gouvernement de revoir sa programmation en la matière. C'est chose faite.

Je souhaiterais terminer par un autre satisfecit. Si nous constatons un écart important de 2,3 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, pour les raisons liées au déploiement tardif des crédits européens que j'ai indiquées, le montant exécuté est cependant conforme à celui que nous avions adopté lors de l'examen de la seconde loi de finances rectificative pour 2017. C'est là l'essentiel. Il y aura toujours des écarts importants entre l'exécution et la prévision en matière de prélèvements sur recettes, compte tenu de la gouvernance budgétaire de l'Union européenne. Toutefois, le gouvernement doit veiller à articuler en permanence la prévision, comme il l'a fait à la fin de l'année 2017, pour la bonne information du Parlement.

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