Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

..qui permette, le cas échéant, d'amorcer des corrections ou de travailler sur des projets qui ne sont pas viables d'emblée.

M. Viala m'a interrogé sur les mesures issues des États généraux de l'alimentation, concernant notamment la restauration collective publique : elle devra faire évoluer ses approvisionnements en aliments biologiques et de qualité – la loi a fixé un objectif de 50 %. La lutte contre le gaspillage alimentaire pourrait couvrir une grande partie du surcoût généré par la montée en gamme des productions. Nous devons travailler avec le Conseil national de la restauration collective qui se saisira dès cet été de cette question essentielle. Nous fondons de grands espoirs en la matière : il est indispensable de structurer l'offre le plus rapidement possible.

La France partage en effet un trait commun avec le Canada et sa « Belle Province » du Québec, madame Cattelot : l'une et l'autre sont de grandes nations forestières, d'est en ouest et du nord au sud – à quoi j'ajoute les territoires ultrapériphériques, car l'importance de la Guyane en la matière n'est plus à démontrer.

L'ONF est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de mon ministère. Un contrat d'objectifs et de performance a été signé en mars 2016 pour la période 2016-2020 et comprend des objectifs de nature économique, environnementale et sociale qui garantissent par le régime forestier la gestion durable des forêts publiques. Ces objectifs sont assortis d'indicateurs de suivi examinés chaque année par le conseil d'administration de l'ONF. En termes économiques, la forêt publique ne représente que 25 % de la surface forestière mais l'ONF met chaque année en vente 40 % des volumes de bois français, au bénéfice de la filière et de l'emploi. Le document d'aménagement de la forêt rédigé par l'ONF tient compte de l'ensemble des enjeux économiques, environnementaux et sociaux de la forêt. Ce modèle est le même que celui qui régit la gestion des forêts canadiennes, où l'aménagement forestier durable constitue un moyen d'utiliser et d'entretenir les forêts afin de préserver leur valeur, leurs avantages environnementaux, sociaux et économiques au fil du temps. La gestion de la forêt durable que pratique l'ONF constitue donc un atout à sauvegarder. Je me suis rendu vendredi dernier dans un domaine forestier de Haute-Normandie qui est exploité par l'ONF : il est l'illustration parfaite des objectifs que nous avons défendus pendant les états généraux de l'alimentation. En l'occurrence, l'ONF gère une forêt de hêtres et a contractualisé avec une scierie située à 5 kilomètres, qui profite ainsi d'une grande visibilité sur son approvisionnement, ses volumes, la charge de travail de ses salariés et reçoit des bois de qualité. Cette contractualisation prend tout son sens lorsqu'elle structure l'économie d'un territoire. Nous souhaitons élaborer avec la filière bois-forêts – à qui ont été assignés plusieurs objectifs – un plan de filière sur les feuillus pour dynamiser l'économie forestière.

Outre la forêt publique, nous devrons aussi travailler avec la forêt privée, dont l'impact est majeur. Or, bien des propriétaires forestiers s'ignorent. Il faut faire en sorte que la forêt privée soit mieux exploitée, qu'elle produise de meilleurs rendements et qu'elle soit gérée de manière durable pour assurer sa régénération et sa valorisation dans les meilleures conditions.

Je saisis l'occasion pour revenir sur les axes du GPI, dont l'un concerne la forêt. Le GPI comporte trois axes visant à répondre aux besoins d'investissement des acteurs économiques, de l'amont à l'aval des filières. Premier axe : la transformation de l'amont agricole et forestier. Il concerne par exemple l'aménagement des pistes forestières ouvrant l'accès à la matière première afin qu'elle soit correctement et durablement exploitée. Le deuxième axe a trait à la redynamisation de la compétitivité des entreprises d'aval. Le troisième axe comprend des actions relatives à l'innovation. Une action complémentaire vise à structurer les filières agricoles et agroalimentaires avec le pilotage de FranceAgriMer afin d'accompagner la mise en oeuvre des plans de filière, qui sont essentiels. Les instruments financiers, les garanties, les prêts et les fonds propres seront renforcés pour développer les outils de financement et des moyens financiers importants seront maintenus sous forme de subventions : 3 milliards d'euros seront consacrés à l'amont agricole, 0,9 milliard d'euros seront mobilisés sous la forme d'instruments financiers, et 1,9 milliard sous forme de subventions, dont 800 millions pour l'aide à la conversion à l'agriculture biologique, 500 millions pour les MAEC transformantes, 500 millions pour accompagner les investissements matériels et immatériels et 100 millions pour le soutien aux investissements en forêt, notamment les pistes forestières que j'évoquais à l'instant. En outre, 1,7 milliard d'euros seront orientés vers l'aval par l'intermédiaire des outils de Bpifrance : prêts sans garantie, intervention en fonds propres et accélérateur pour les PME. D'autre part, 500 millions d'euros seront consacrés à l'innovation et à la structuration des filières.

J'en viens à la question du foncier, qui est un actif important pour l'installation, comme le rappelait Mme Auconie, et auquel je suis sensible. Nous n'avons pas traité ce sujet dans le projet de loi mais un groupe de travail a conduit la réflexion foncière pour formuler des propositions. La question de la régulation du foncier en fonction des pratiques se posera à l'aune des résultats de cette mission.

Globalement, les crédits consacrés à la recherche sont préservés, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les crédits du ministère accompagnent également le développement, la priorité allant à la transformation de l'agriculture. Le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 contient un engagement de 10 milliards d'euros en faveur de la recherche dans le secteur l'agriculture et l'agroalimentaire, soit le double de la programmation actuelle. Nous voulons mobiliser concrètement la recherche, qui nous permettra de progresser sur plusieurs sujets comme le glyphosate, qui a récemment donné lieu à de nombreux débats, mais aussi la transformation de l'agriculture et son adaptation aux nouveaux modèles de production, ou encore la réponse aux crises sanitaires telles que celle que provoque la bactérie xylella fastidiosa qui affecte de nombreux végétaux dans le sud de la France et en Corse. Encore une fois, le but de la recherche est d'accompagner la mutation de l'agriculture. Nous faisons le pari de la confiance envers la recherche et l'innovation, notamment à travers les instituts techniques qui accomplissent un travail considérable. L'agriculture de précision et l'agriculture connectée dépendent de la recherche et de l'innovation. C'est grâce aux progrès accomplis dans ces domaines que notre agriculture retrouvera les points de compétitivité dont elle a besoin.

Il est difficile, comme à l'accoutumée, de répondre à votre question, monsieur Moreau. Le projet de loi n'est pas encore adopté et, d'après ce que j'ai entendu dire au Sénat cet après-midi, il se pourrait qu'il soit encore transformé de manière substantielle. À ce stade, il est difficile d'évaluer le coût particulier de telle ou telle mesure avant même leur mise en oeuvre et, a fortiori, leur adoption définitive. Il faudrait asseoir cette évaluation sur une base plus solide. Nous y reviendrons une fois la loi adoptée – et je sais à cet égard la qualité du travail que vous avez conduit dans cet objectif.

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