Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 15h00
Révision générale des taxes à faible rendement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, la commission des finances a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de cette semaine de contrôle une proposition de résolution tendant à une révision générale des taxes à faible rendement. Ce sujet est porté depuis de nombreuses années par l'Assemblée nationale, notamment par Les Républicains. Notre collègue Véronique Louwagie a ainsi présidé une mission d'information sur la taxation des produits agroalimentaires, mettant en exergue le grand nombre de taxes sectorielles. Réviser ces taxes à faible rendement est essentiel, tant il me paraît indispensable de tirer sur le fil de la pelote fiscale française. Il est clair que toutes les taxes et tous les impôts de faible rendement rendent notre système fiscal abscons, et que tendre vers leur suppression est une intention louable. Pire, certaines de ces taxes font subir à l'État des frais de gestion plus élevés que leur rendement.

Cela étant, permettez-moi de regretter le manque d'ambition d'une résolution qui ne fait, pour l'essentiel, que reprendre la proposition formulée par le Premier ministre il y a plusieurs semaines, ainsi que les préconisations du rapport de l'inspection générale des finances publié en février 2014 sur le même sujet.

Tout d'abord, les taxes à faible rendement visées ne représentent qu'une faible part de l'ensemble des prélèvements obligatoires en France – environ 0,5 %, pour 5 milliards d'euros. Votre proposition de résolution ne vise pas à les supprimer ni même à systématiquement les substituer. Nous devons en effet faire la différence entre les taxes inutiles, comme la taxe sur les farines, et les taxes à faible rendement mais utiles, notamment celles qui permettent de conserver un lien entre les entreprises d'un secteur. Nous pouvons toutefois souligner la relative inconséquence de ces dispositions pour les contribuables et les redevables.

En effet, avec environ 1 000 milliards d'euros de taxes et impôts, il est inutile de rappeler que notre pays est le champion du prélèvement obligatoire, avec 45,4 % du PIB, bien au-delà de la moyenne européenne, qui se situe à 39 %. Si notre pays parvenait à modérer son prélèvement total pour atteindre la moyenne européenne, nous comptabiliserions potentiellement 136 milliards d'euros de prélèvements en moins, soit, à quelques milliards près, l'intégralité du produit de la TVA sur un an. De toute évidence, nous n'échapperons pas à une réflexion de fond sur le sujet, en cessant de parier uniquement sur la croissance pour financer nos dépenses publiques. Le débat de fond – le débat principal – devra en réalité porter sur les dépenses que nous devrons modérer, voire supprimer.

Sans être aussi ambitieuse, votre proposition de résolution aurait pu a minima aborder un périmètre moins restreint. Ainsi, les taxes à faible rendement entrent, dans de nombreux cas, dans le spectre des taxes affectées, lesquelles échappent pour la plupart au vote du Parlement et n'entrent pas dans le budget de l'État. Elles relèvent d'une pratique ancienne et permettent notamment le financement d'organismes, de satellites d'État ou même de collectivités locales. Ces taxes, qui pesaient près de 130 milliards d'euros à la fin de l'année 2017, méritent une attention toute particulière compte tenu de leur évolution.

En effet, le Conseil des prélèvements obligatoires a observé la progression continue de leur produit, ce qui porte non seulement atteinte au fondement de la démocratie parlementaire, mais s'oppose aussi à la nécessité de gérer rigoureusement les deniers publics, si importante en période de crise budgétaire. Au début des années 2010, alors que la masse salariale du budget de l'État diminuait, il a ainsi été observé que la masse salariale des agences financées par des taxes affectées pouvait, elle, croître de 17 %. Dès lors, il apparaîtrait plus que légitime que le Gouvernement tende à inclure ces taxes dans l'ensemble budgétaire des projets de lois de finances.

Enfin, n'oublions pas que les taxes et impôts sont partagés entre l'État, les organismes de protection sociale, les collectivités territoriales, leurs groupements, les organismes d'administration centrale et l'Union européenne. La suppression programmée par l'État d'une part de la taxe d'habitation, impôt pourtant affecté au bloc local, illustre la nécessité de reconfigurer le paysage fiscal français dans son ensemble. D'abord, il apparaîtrait comme une mesure de bon sens d'associer beaucoup plus intensément les acteurs concernés par les décisions envisagées par l'État. Comment faire adhérer qui que soit à un projet dont il est d'emblée écarté ? Pour les finances locales, la Conférence nationale des territoires m'apparaîtrait indiquée : en son sein, les collectivités et leurs groupements pourraient émettre un avis consultatif sur un pack à créer dans le projet de loi de finances, concentrant les dispositions qui les concernent.

De manière plus large, il me semble indispensable de réfléchir collectivement à un nouvel acte de décentralisation, au sein duquel la question de l'autonomie fiscale des collectivités devra être appréhendée avec sérieux.

Oui, nous devons commencer à détricoter la pelote fiscale de notre pays. C'est d'autant plus important que le consentement à l'impôt ne coule plus de source en France. C'est pourquoi je ne peux qu'encourager la démarche que vous avez entamée. Mais nous ne pouvons ni ne devons nous arrêter là, sous peine d'inconséquence fiscale, alors que le rapport du citoyen à l'impôt ne peut davantage se déliter.

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