Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mercredi 20 juin 2018 à 21h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Vous auriez voté contre puisque vous étiez membre du groupe des Républicains qui avait rejeté ce budget. Ayant voté contre la loi de finances initiale pour 2017, il nous paraît important de voter contre ce budget insincère. En effet, c'est là votre paradoxe : vous dénoncez la loi de finances initiale, mais êtes obligé, comme tous les ministres, d'en appeler à la majorité pour voter la loi de règlement, ce qui d'ailleurs n'a pas beaucoup de conséquences.

Il faut reconnaître que face à un héritage lourd et plombé par des éléments d'insincérité, l'actuel gouvernement a réduit les dépenses de 5 milliards pour essayer de faire face aux sous-évaluations qui s'élevaient à quelque 8 milliards. Vous avez ensuite reçu une tuile sur la tête : l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes, soit 10 milliards à rembourser, dont 5,3 milliards ont été imputés sur 2017 et le solde sur 2018. Vous avez donc inventé une taxe – à laquelle la plupart des membres de notre groupe étaient opposés – pour tenter de couvrir au moins la moitié de la somme, soit 4,9 milliards d'euros. Vous êtes donc responsables de 10 milliards de déficit de moins que ce qu'il aurait représenté si vous n'aviez pas pris ces deux mesures.

Pourtant ce qui est important, ce n'est pas de se réjouir de voir le déficit passer en dessous des 3 % du PIB, mais de comprendre d'où vient cette réduction. Or tous les orateurs de l'opposition, mais aussi certains de la majorité, ont rappelé que cette baisse des déficits publics de 3,4 % en 2016 à 2,6 % en 2017 s'explique à hauteur de 0,7 point – c'est-à-dire pour l'essentiel – par l'augmentation des prélèvements obligatoires. J'avais décerné à votre prédécesseur, M. Christian Eckert, la future médaille d'or des prélèvements obligatoires – il n'avait pas beaucoup apprécié la plaisanterie – , mais nous y sommes : les Danois qui étaient en tête sont désormais médaille d'argent et la médaille d'or nous revient. Avec des prélèvements obligatoires représentant 45,3 % du PIB, en hausse de 0,7 point par rapport à 2016, nous détenons le record européen. Si seulement nous avions des services publics de grande qualité ! Mais comme vous le dites vous-même, monsieur le ministre, nous avons encore beaucoup de progrès à faire quant à leur efficacité. La Cour des comptes estime d'ailleurs que l'écart de 0,3 point de PIB entre le déficit initialement prévu, de 2,9 %, et le 2,6 % réalisé est dû pour l'essentiel à la composante conjoncturelle. La plupart des spécialistes de la conjoncture pensent que nous sommes au sommet et que nous commençons à descendre ; les chiffres des deux derniers trimestres semblent d'ailleurs en attester. On n'aura donc pas deux années de suite la chance de bénéficier de ces quelque 4 ou 5 milliards de plus-value fiscale dans le budget de l'État.

Un mot maintenant sur les dépenses. Vous n'y êtes pas pour grand-chose, vous subissez ce qu'ont hélas fait vos prédécesseurs. À périmètre constant, les dépenses de l'État ont augmenté de presque 4 %, ce qui est d'autant plus intenable qu'une partie de cette hausse est liée à l'augmentation des dépenses de personnel – plus 3,9 % alors qu'on est quasiment à effectif constant. Vous avez tenté de différer une série d'augmentations, monsieur le ministre, mais le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » représente une bombe que vous ont léguée ceux qui vous ont précédé. Le problème survient dès la loi de règlement 2017, et ne fera que s'amplifier en 2018 et en 2019.

Un petit mot également sur le problème de la dette. Je voudrais reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure en réponse à nos collègues de la France insoumise : il y a une limite à la dette. Ceux qui croient qu'on peut s'endetter de façon illimitée ignorent complètement l'histoire économique. Vous pouvez citer le Japon, qui en est, je crois, à 210 % de son PIB, ou l'Italie, à 170 % ; mais n'avez-vous pas remarqué que les deux pays qui se sont le plus laissés aller au déficit public ne connaissent plus la croissance ? Je le dis à la seule représentante de la France insoumise présente dans l'hémicycle : au Japon, depuis dix ans, la croissance est égale à zéro ; en Italie aussi, quasiment. Il n'y a pas besoin d'avoir fait des études très poussées d'économie pour comprendre pourquoi : à partir du moment où la quasi-totalité de votre épargne sert à financer un déficit de fonctionnement du secteur public, comment voulez-vous que l'économie croisse ? C'est ce qu'on appelle en économie l'effet d'éviction.

Donc oui – je le dis aux orateurs de la France insoumise – , il y a des limites à l'endettement, et elles se situent non à 3 %, mais à 1,2 ou 1,3 % du PIB, quelle que soit l'approche retenue : par les investissements de fonctionnement ou par le niveau du déficit stabilisant, c'est-à-dire qui n'augmente plus la dette. L'objectif, monsieur le ministre, n'est pas de ramener les déficits publics à 3 %, mais à 1, 1,2 ou 1,3 %. Certes, dans la loi de programmation, on sera même en deçà, quasiment à l'équilibre total ; mais on en est loin aujourd'hui, d'autant que les hypothèses qui sous-tendent cette prévision renvoient à une croissance soutenue, alors qu'elle est en décélération. Pour vous, le plus dur ne sera pas 2017 – vous n'êtes pour rien dans ce budget, vous avez ajusté 5 milliards de recettes et 5 milliards de dépenses – , mais 2019 et surtout 2020. Telle est l'échéance à laquelle tous vous attendent, non seulement le monde politique mais, plus largement, tous ceux qui s'interrogent sur la capacité de l'actuel gouvernement à redresser le pays.

Dernier élément : les dépenses fiscales, qui continuent de flamber. Cela fait des années que nous le disons tous, que tous les gouvernements assurent qu'ils les réduiront, et qu'ils ne le font pas. Pire : notre jeune collègue Lise Magnier l'a souligné dans son intervention, deux dépenses fiscales ont encore été ajoutées, dont une de 45 000 euros. C'est à pleurer. Car s'il est vrai qu'une telle somme n'est rien par rapport aux masses budgétaires, cette pincée supplémentaire prouve, en revanche, que la réduction n'est toujours pas amorcée.

Il ne vous étonnera donc pas, monsieur le ministre, que notre groupe vote contre le texte, afin de rappeler à vos prédécesseurs que leur gestion a été très mauvaise et qu'ils vous ont laissé une situation très difficile.

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