Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

La commission des affaires sociales s'est saisie pour avis du projet de loi constitutionnelle en tant qu'il modifie les conditions d'examen des textes de loi relevant de son champ de compétence. Les articles 4 et 7 prévoient en effet des évolutions importantes.

L'article 4 modifie l'article 42 de la Constitution afin de simplifier l'examen des textes par le Parlement en renforçant le rôle et la place des commissions. Selon l'exposé des motifs, cela rendra « possible l'examen en commission d'un certain nombre de textes qui, en tout ou partie, seraient mis seuls en discussion en séance, le droit d'amendement sur les articles relevant de cette procédure s'exerçant alors uniquement en commission ».

Cette évolution permettra d'éviter un examen répétitif des mêmes amendements à tous les stades de la discussion, ce qui peut empêcher que les débats se concentrent sur les enjeux majeurs des projets et propositions de loi. L'ordre du jour étant encombré et le calendrier très resserré, les discussions ont parfois tendance à se concentrer sur les premiers articles des textes au détriment des derniers. On l'a vu l'an dernier à l'occasion du PLFSS : nous avons dû examiner en une nuit, entre une heure du matin et 4 h 30, presque autant d'amendements qu'au cours des deux jours précédents. Il faut donc saluer l'évolution qui nous est proposée : elle permettra de se focaliser en séance sur les articles qui nous semblent collectivement les plus significatifs.

L'article 7 du texte procède à deux modifications. En apparence, il étend de cinq jours la durée de l'examen en première lecture du PLFSS par l'Assemblée nationale. Il prévoit aussi la possibilité d'examiner conjointement, en tout ou partie, les projets de loi de finances (PLF) et les PLFSS. Cet article soulève un certain nombre de questions de principe sur lesquelles je tiens à revenir.

L'octroi de cinq jours supplémentaires ne doit pas masquer que l'objectif du Gouvernement est de réduire globalement la durée d'examen des textes financiers, afin de dégager jusqu'à trois semaines de séance qui seraient consacrées à l'examen de textes non budgétaires au cours de l'automne. L'exposé des motifs mentionne clairement cet objectif. À l'heure actuelle, le Parlement est totalement mobilisé sur les textes budgétaires pendant cette période de l'année. L'examen du PLF s'étend ainsi sur plusieurs semaines, notamment du fait des commissions élargies. L'évolution qui est envisagée par le Gouvernement n'emporte pas, a priori, de conséquences importantes pour notre commission. Il en va autrement pour l'examen du PLF, mais cela n'entre pas dans le cadre de notre saisine. Il est prévu que le texte du PLFSS doit être déposé chaque année avant le 15 octobre : cette date butoir n'est pas modifiée, mais le PLF pourra être déposé conjointement afin de donner une cohérence d'ensemble à la politique menée par le Gouvernement.

À l'article 7, la portée de l'examen conjoint qui serait autorisé m'a initialement paru incertaine. Cette disposition peut viser un débat tel que celui que nous avons eu l'année dernière au sujet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans le cadre du PLF mais aussi dans celui du PLFSS. Vous vous souvenez, en effet, que nous avons supprimé la disposition relative au CICE au sein du PLF et qu'il a fallu attendre la semaine suivante pour restaurer l'équivalent dans le PLFSS. Il en est résulté un hiatus technique qui n'a pas fait couler beaucoup d'encre, mais qui n'est pas très « propre » sur le plan législatif.

Les textes organiques qui mettront ces dispositions en musique ne sont pas encore prêts, mais j'ai eu à coeur d'essayer de comprendre, à l'occasion de mes auditions, quelles sont les intentions du Gouvernement. Si l'idée est de favoriser une discussion commune sur des articles concernant des thématiques abordées à la fois par le PLF et le PLFSS, il n'apparaît pas indispensable de modifier la Constitution : les deux assemblées peuvent déjà décider d'organiser des débats communs. Nous avons ainsi une discussion avec les membres de la commission des finances, notamment le rapporteur général du budget, sur la manière dont on pourrait donner plus de cohérence à l'examen du PLF et du PLFSS dès l'année prochaine, sans attendre l'application de la révision constitutionnelle ou d'une loi organique ultérieure. L'autre idée pourrait être d'aller vers une forme de discussion générale commune sur la partie « recettes » voire, sur des articles très proches, aller vers un examen non pas commun, car la Constitution ne le permet pas à l'heure actuelle, mais beaucoup plus rapproché, dans le cadre d'une sorte de dialogue avec la commission des finances. Nous pouvons d'ores et déjà avancer sans réviser la Constitution, mais le texte qui nous est soumis permettrait d'aller plus loin, à la faveur d'une loi organique qui n'est pas aujourd'hui connue. La commission des finances et celle des affaires sociales pourraient examiner successivement une disposition, comme celle qui concernait le CICE, alors même que l'examen du budget de l'État ne serait pas achevé.

Je ne sais pas si mes explications sont très claires pour tous (« Non » sur certains bancs). Alors, bienvenue dans l'univers merveilleux de la révision constitutionnelle, où je patauge depuis deux semaines ! (Sourires.) Je reprends l'exemple du CICE : nous l'avons supprimé dans le cadre du PLF et il a fallu attendre une semaine pour rétablir un autre mécanisme au sein du PLFSS. Il serait bien d'avoir la possibilité d'ouvrir une sorte de parenthèse vers le PLFSS au moment où l'on examine le PLF en séance publique. Cela nécessiterait probablement une révision constitutionnelle : selon le Conseil d'État, il n'est pas sûr que ce soit possible sans une sécurisation au niveau constitutionnel. À l'issue des auditions et de différents échanges techniques, je considère que la modification proposée n'est pas complètement inutile. Il n'y a pas de « loup » caché, c'est-à-dire de volonté de fusionner le budget de l'État et celui de la sécurité sociale : ce n'est pas absolument la direction suivie. Comme vous, je suis attaché à ce qu'il y ait un budget de la sécurité sociale bien identifié, à côté de celui de l'État : ce sont deux financements différents et deux historiques distincts. Je le dis très clairement : l'étanchéité persistera.

Voilà les observations que je souhaitais faire au sujet des articles du projet de loi constitutionnelle qui nous concernent au premier chef. J'ai par ailleurs déposé deux amendements que je présenterai tout à l'heure.

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