Intervention de Jyrki Katainen

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 11h30
Commission des affaires économiques

Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne chargé de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité :

Mon propos portera d'abord sur les questions économiques.

Aujourd'hui, l'économie européenne croît et les investissements se redressent, dépassant dans certains pays le niveau d'avant la crise : en France, leur croissance est cependant plus lente. L'emploi n'a jamais été à un niveau aussi élevé dans l'Union européenne, même si le chômage y reste trop haut.

Permettez-moi de vous livrer quelques chiffres sur le plan Juncker, qui fonctionne très bien. Non moins de 350 milliards d'euros devaient être investis d'ici cet été. Or nous sommes à 294 milliards d'euros aujourd'hui : l'objectif sera donc tenu d'ici la fin de l'année. Il a été décidé d'étendre le plan jusqu'en 2020, pour un montant total de 500 milliards d'euros. Dans le cadre de ce plan, la Banque européenne d'investissement (BEI) cofinance des projets, tant publics que privés, dans les États membres. Ces projets attirent d'autres fonds, en particulier des fonds privés. Pour 59 milliards d'euros investis par la BEI, nous arrivons ainsi aujourd'hui à ce total de 294 milliards d'euros.

Pour la France, les chiffres sont les suivants : la BEI a investi 9,5 milliards d'euros, déclenchant 42,7 milliards d'euros d'investissements supplémentaires. Il y a 122 000 petites et moyennes entreprises (PME) françaises qui ont déjà reçu un financement ou vont en recevoir un.

Même si les nouvelles positives sont nombreuses, des corrections sont cependant encore nécessaires. Après avoir surmonté la crise économique et financière, nous nous trouvons face à des nouveaux défis. Ma première préoccupation s'attache à la détérioration des valeurs fondamentales dans des pays tels que la Pologne et la Hongrie, mais aussi la Roumanie. Cette situation nous met devant un défi plus grand que celui de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. En effet, cette dernière pourra, au bout du compte, faire l'objet d'un compromis, alors qu'il n'est pas de compromis possible sur l'état de droit, sur les libertés civiles et sur la démocratie. Nous avons combattu pour ces valeurs, et voici qu'on les remet en cause ! Le premier message que je vous adresse est donc de vous dire : ne laissez pas la Commission européenne défendre seule ces valeurs. Faites-vous entendre, car il ne s'agit pas seulement d'une question institutionnelle. En Pologne, les gens ont besoin d'entendre que les Français sont préoccupés par la situation dans leur pays. En ces domaines, il faut aussi savoir mettre la diplomatie de côté.

Il en va de même au niveau mondial. Si quelqu'un s'écarte des règles, tout le monde en paie le prix. Hier, nous avons vu la Russie envahir la Crimée. Aujourd'hui, l'Union européenne doit relever ses droits de douane pour répondre aux mesures américaines sur l'acier et sur l'aluminium. Pour la première fois, une communauté de vues se dégage, entre la Russie et les États-Unis, sur la question européenne : plus nous sommes divisés, mieux c'est. Il faut donc nous défendre. C'est pourquoi nous avons besoin que les parlementaires nationaux des États membres se lèvent et s'expriment publiquement sur ces défis.

J'en viens, à cet égard, aux questions commerciales. Les ventes à l'export génèrent des revenus qu'il appartient aux gouvernements, le cas échéant, de redistribuer. Nous vivons une époque où l'ordre commercial multilatéral est contesté. Mais nous ne pouvons accepter les remises en cause unilatérales, tout en étant conscients de ce que cela requiert de nous-mêmes d'ouvrir nos marchés pour y laisser aussi opérer la concurrence.

Je sais que le commerce est un sujet délicat en France. Mais je voudrais dire qu'il soutient globalement notre prospérité. J'en veux pour exemple l'accord, pourtant de portée limitée, signé avec la Corée du Sud il y a cinq ou six ans. Il a permis de soutenir 220 000 emplois en Europe. Mais le commerce doit être juste, respecter des normes du droit du travail, des normes sociales et des normes environnementales. Nous négocions dans cet esprit, car nous pensons que c'est la meilleure voie pour renforcer le multilatéralisme et concilier justice et commerce.

Car le commerce n'est pas toujours juste, comme les pratiques de dumping le prouvent. Nous devons également rester vigilants sur les investissements pratiqués par les États tiers qui ne sont pas toujours faits dans une perspective commerciale. Si l'Union européenne doit être ouverte aux investissements étrangers, il n'en demeure pas moins qu'elle a besoin de savoir pour quels motifs ces investissements sont faits. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé un système de filtrage des investissements.

D'ici trois ans, l'Union européenne sera plus intégrée qu'elle ne l'est aujourd'hui, qu'il s'agisse du marché des capitaux, du marché de l'énergie ou du marché numérique. Mais il y a d'autres domaines où des progrès restent à faire, à commencer par la défense. En ce domaine, la cyberdéfense est un domaine prometteur. D'une manière générale, il faut plus d'Europe en matière de sécurité et de défense.

De même, l'économie circulaire et l'intelligence artificielle sont des domaines où l'on pourrait progresser. Dans le premier, nous sommes en avance, mais nous accusons du retard dans le second. Or l'Europe doit être à la pointe dans ces deux secteurs.

La mondialisation suppose aussi que nos sociétés soient plus ouvertes. Aussi faut-il investir davantage dans le capital humain. Cette question de la qualité de l'instruction est plus importante qu'auparavant. Or on observe, dans ce secteur, des disparités énormes entre États membres. En moyenne, dans l'Union européenne, 20 % à 25 % des citoyens éprouvent des difficultés à lire et à écrire, et une proportion presque semblable à compter. Il faut donc faire de l'instruction une priorité. Nos enseignants doivent être mieux armés pour cela. C'est pourquoi le budget du programme Erasmus va augmenter. Il serait bon aussi, par exemple, que la France se fixe des objectifs non contraignants quant au nombre d'étudiants étrangers à accueillir chaque année à l'université.

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