Intervention de Jyrki Katainen

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 11h30
Commission des affaires économiques

Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne chargé de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité :

Je comprends particulièrement bien les soucis exprimés dans un parlement national comme le vôtre, ayant été moi-même député de mon pays pendant quinze ans.

S'agissant du programme Erasmus, je veux faire de l'apprentissage et de la formation des enseignants nos deux prochaines priorités. Dans le prochain CFP, non moins de douze milliards d'euros sur sept ans devraient être consacrés à promouvoir des années d'étude gratuites à l'étranger. J'en attends un grand impact sur nos sociétés. C'est pourquoi j'espère que ce doublement des moyens d'Erasmus sera accepté. L'élargissement d'Erasmus doit concerner non seulement l'apprentissage, mais aussi d'autres formes d'enseignement professionnel. Des formules existent déjà, mais ne sont pas assez utilisées.

Ces échanges sont aussi une source d'innovation sur le lieu de travail, car ils mettent sur le marché du travail des professionnels plus compétents.

En ce qui concerne l'imposition de l'économie numérique, on devrait seulement faire de même qu'avec les entreprises traditionnelles, à savoir imposer les bénéfices là où ils sont générés. C'est le même principe qu'il faut appliquer. Les autorités devraient donc disposer d'un pouvoir de taxation y compris pour les entreprises du numérique.

J'en viens à la taxe sur les plastiques qui a été envisagée. Lorsque j'étais ministre des finances de mon pays, j'étais enthousiaste à l'idée de développer certains impôts favorables à l'environnement – pour en supprimer ou en baisser d'autres ! Pendant mon mandat, nous avons adopté une loi fiscale qui réduisait l'imposition des voitures selon leurs émissions de dioxyde de carbone : le moins elles rejetaient de gaz à effet de serre, le moins elles étaient taxées… Immédiatement, la valeur des voitures les moins polluantes a baissé de cinq milliers d'euros, tandis que les plus polluantes voyaient leur prix augmenter. Et nous avons fait de même pour l'énergie et pour le pétrole.

La taxe sur les plastiques a pour but d'être une incitation au recyclage. Aujourd'hui, 95 % des plastiques sont jetés ou incinérés. Or il ne s'agit en fait que de pétrole. Nous pouvons donc faire mieux et je fais confiance aux États membres pour accepter la nouvelle taxe sur le plastique non recyclable proposée par le budget européen.

Pour défendre l'Europe, nous devons faire valoir qu'elle est aux prises avec des problèmes, tels que le changement climatique ou les migrations, qui constituent des enjeux trop larges pour pouvoir trouver des solutions nationales. Cela vaut aussi pour la cybersécurité : il est de l'intérêt de tous que l'Union européenne puisse défendre l'exercice des droits démocratiques, ce qu'un État ne saurait faire seul.

L'intelligence artificielle aura un grand impact sur nos services et sur notre industrie. Il est donc important qu'une réglementation européenne garantisse des règles équitables et claires en ce domaine.

Nos universités et instituts de recherche de haut niveau sont, contrairement à la situation qui prévaut aux États-Unis, dispersés entre 28 États membres. Les rencontres entre chercheurs sont donc moins faciles qu'aux États-Unis ; un programme tel qu'Horizon Europe cherche à fédérer ces talents et à mieux intégrer l'écosystème européen de la recherche.

Sans Erasmus, je n'aurais pu moi-même partir à l'étranger, car mes parents n'auraient pas eu les moyens de me l'offrir. Je suis pourtant revenu différent de mon séjour au Royaume-Uni, car il m'a donné l'occasion de voir autre chose. Grâce à ce type de programme, 75 % des Européens se voient comme des citoyens européens. Ainsi, les gens se sont approprié l'idée d'Europe.

J'en viens à la transition énergétique. Il faut construire un réseau et réguler le marché de telle sorte que tant la consommation que la production d'énergie propre augmentent. Beaucoup a déjà été fait en ce sens, mais la mise en oeuvre des mesures prises est longue, notamment en ce qui concerne la rénovation des bâtiments.

Le sommet franco-allemand de Meseberg a livré des résultats très encourageants. Je dois vous avouer que je n'en attendais pas tant. Ce fut donc une bonne surprise. Il est bon que les deux pays aient trouvé une position commune, notamment sur l'ouverture de lignes budgétaires au profit du Mécanisme européen de stabilité (MES). Cela constitue une bonne base pour les négociations qui vont s'ensuivre.

S'agissant de la ratification du CETA par l'Italie, l'opposition annoncée à la ratification constitue en effet un problème délicat. Si on regarde le fond des choses, force est cependant de constater que l'accord protège de très nombreuses indications géographiques italiennes. Sans l'accord, les produits italiens seraient donc moins bien protégés.

La question de la conditionnalité des fonds européens nous renvoie à la question plus générale qui nous est posée avec l'examen du prochain CFP, à savoir comment moderniser le budget européen, qu'il s'agisse de la PAC ou des fonds de cohésion. De nouveaux domaines sont en effet à financer : infrastructures numériques, défense, sécurité, Horizon 2020, migrations…

Il vous revient de trouver ce qui fait la valeur ajoutée du budget européen, c'est-à-dire de mettre la priorité sur ce qui apporte une valeur ajoutée. Dans beaucoup de domaines, les États membres font en effet mieux que l'Union européenne. À mon sens, l'innovation doit être l'une de nos priorités. 80 % des start-up peinent encore à trouver des capitaux propres, là où elles n'ont à offrir comme garantie aux banques que le cerveau de leurs inventeurs.

Quant aux investissements hors de l'Union européenne, je ne trouve pas mauvais que les entreprises en fassent. Cela est certes dû à un problème de compétitivité dans certains États membres, mais ce problème est loin de se manifester dans tous. Rien ne peut remplacer la nécessité de réformer nos sociétés de manière à les rendre plus concurrentielles : innovation, recherche, marché du travail, peu importe le moyen.

Les critères de la conditionnalité devront en effet, madame Dubost, être justes et impartiaux. Pour cela, nous nous concentrerons sur le système judiciaire. En effet, on ne peut s'attendre à ce que les fonds européens soient bien utilisés s'il y a un risque de corruption. Le respect de l'État de droit figurera donc au centre de la conditionnalité des aides.

Je terminerai en disant qu'il pourrait être très utile, pour la France, de tendre la main vers des pays de plus petite taille. Beaucoup d'États membres veulent en effet être partie prenante à la construction européenne et à son avenir. L'Allemagne sait faire cette démarche. Il serait bon, pour la France comme pour l'Europe, que vous sachiez la faire aussi. Il est toujours utile d'appartenir à un réseau qui fonctionne bien.

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