Intervention de Isabelle Florennes

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous savions que ce moment viendrait ; rendez-vous était pris depuis plus d'un an, pour nous comme pour nos concitoyens. Le moment est donc venu, et le défi est double : il est de notre responsabilité de parvenir à réformer nos institutions tout en nous inscrivant dans notre histoire constitutionnelle. Tels doivent être l'alpha et l'oméga de la démarche que nous engageons aujourd'hui.

Le texte qui nous est présenté doit nous permettre de répondre à ce défi. En cela, notre enthousiasme ne doit pas nous faire perdre de vue les exigences de prudence et de responsabilité qu'appelle chaque révision constitutionnelle. À ces exigences, j'ajouterais l'humilité : rappelons-nous que nous célébrons, cette année, le soixantième anniversaire de la Constitution de 1958.

Cette longévité n'était pas évidente. En effet, d'aucuns pensaient qu'elle disparaîtrait avec son fondateur, car elle répondait avant tout à un impératif, à une urgence. D'autres craignaient qu'elle ne survive pas aux remous de notre histoire politique, notamment aux alternances et aux cohabitations, ni aux multiples révisions subies. Pourtant, nous voilà, à l'aube d'une vingt-cinquième révision, face à un texte d'une étonnante souplesse. C'est sans doute là le secret de sa longévité. Aujourd'hui, il nous revient de poursuivre le travail entamé et de continuer à le faire vivre, à l'instar de nos prédécesseurs, en l'adaptant aux exigences nouvelles de notre temps, pour sauvegarder l'équilibre des pouvoirs, garantir l'État de droit et renforcer la démocratie. En d'autres termes, c'est garder l'esprit en modifiant la lettre.

Notre constitution définit nos principes et nos valeurs ; elle organise nos institutions. Tel est son objet, et nous devons nous y restreindre. Il serait donc vain de prétendre à l'exhaustivité, peut-être même dangereux, la solidité et la cohérence de notre édifice juridique reposant sur l'application stricte de la hiérarchie des normes. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés y est très attaché.

C'est d'ailleurs cette volonté qui a guidé nos discussions en commission des lois. Je crois que nous avons su échanger de manière suffisamment constructive pour parvenir à des avancées significatives. Je veux bien entendu parler de l'inscription de la diversité biologique et du changement climatique à l'article 1er de la Constitution. Je veux également parler de la substitution du mot « race » par la mention « sans distinction [… ] de sexe », consacrant le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Je veux parler, enfin, de l'obligation pour le Gouvernement de remettre un agenda précis à double niveau, comprenant un calendrier prévisionnel présenté tous les six mois et un calendrier plus spécifique, consacré aux textes inscrits à l'ordre du jour, présenté tous les trois mois.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est satisfait du consensus qui a pu émerger de la discussion en commission, sur certains points. D'autres ont suscité et susciteront des débats. C'est notamment le cas de l'introduction du principe de différenciation territoriale. Cette thématique est, vous le savez, une composante à part entière de l'ADN du groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Les importantes réflexions que nous menons depuis plusieurs années sur ce sujet nous portent à croire que le droit à la différenciation pourrait impulser une dynamique nouvelle, libératrice pour les territoires.

En permettant aux collectivités locales de mener des politiques adaptées aux besoins et aux spécificités de leur territoire, nous leur redonnerons la possibilité de l'action sans remettre en cause pour autant l'indivisibilité de notre république. C'est également en ce sens que nous avons déposé un amendement visant à modifier, pour partie, l'article 1er de la Constitution pour insister sur l'idée d'une véritable diversité de nos territoires. Vous l'aurez compris, nous espérons que le projet de loi organique sur le sujet nous permettra d'avancer encore dans nos propositions.

Autre point en débat : la réforme du travail parlementaire, problématique qui a toujours occupé une place cruciale dans les travaux de notre groupe. Il nous semble que notre travail gagnerait très largement en qualité avec certains aménagements, quelquefois très simples, quelquefois plus lourds, de notre constitution, concernant tant le Parlement que le Gouvernement.

Notre plus grand besoin réside dans la rationalisation du temps parlementaire. Recherchée à l'article 8 du projet de loi constitutionnelle via une procédure de temps gouvernemental prioritaire, cette rationalisation n'est peut-être pas abordée à travers le bon prisme. Là encore, nous ne traiterons pas les difficultés que nous rencontrons en cédant les semaines normalement consacrées au contrôle, à l'évaluation ou à l'initiative législative parlementaire.

La seule solution qui pourrait conjuguer efficacité et gain de temps semble être celle d'une meilleure répartition du temps de travail entre le Gouvernement et le Parlement. Notre groupe a préféré privilégier une approche globale du problème reposant sur deux principes : la lisibilité et la prévisibilité. Aussi, la nouvelle architecture du temps parlementaire que nous vous soumettrons est articulée de manière que chacun puisse y prendre la place qui lui revient : le Gouvernement, le Parlement dans ses composantes diverses, majorité et opposition.

Nous vous proposerons d'allonger significativement la session ordinaire de manière que, d'une part, elle corresponde mieux à la réalité que nous connaissons depuis plusieurs législatures et que, d'autre part, elle permette une répartition plus équilibrée entre les semaines du Gouvernement et les semaines de l'Assemblée. À l'intérieur de cette session ordinaire prolongée, les semaines de travail seraient organisées selon un nouveau schéma, qui donnerait au Gouvernement suffisamment de temps pour inscrire ses textes tout en donnant aux assemblées la maîtrise totale des semaines qui leur sont dévolues.

Ce schéma ne serait pas complet si nous n'abordions pas la question de la prévisibilité. Nous sommes convaincus que le Gouvernement serait à même de fournir un calendrier qui s'échelonnerait sur le long terme comme sur le court terme, avec la présentation d'un programme législatif avant le début de chaque trimestre et d'un programme prévisionnel pour le semestre à venir. Nous avions d'ailleurs adopté un amendement en ce sens défendu par les rapporteurs, comme je l'ai évoqué précédemment.

Au-delà de la prévisibilité de nos travaux et de leur organisation, il y a la question du droit d'amendement. Nous avons eu d'intenses discussions en commission des lois, car ce qui est proposé dans le texte signerait une modification des pratiques de l'Assemblée – je parle à dessein de l'Assemblée et non du Parlement, puisque le Sénat applique déjà assez largement ce que le Gouvernement propose.

Les dispositions dont nous allons débattre à ce sujet marqueront durablement nos pratiques. Ainsi, l'article 3 du projet de loi constitutionnelle vise à encadrer le droit d'amendement en établissant des cas d'irrecevabilité systématique. Je veux le redire ici avec force : le droit d'amendement est notre droit le plus fondamental ; c'est aussi notre outil de travail. Il ne peut être retouché avec pour seule idée de rationaliser notre travail. Ainsi, nous pensons que le droit d'amendement doit être non pas restreint, mais mieux encadré.

En outre, cela ne va pas sans un travail équivalent de rationalisation de la part du Gouvernement. Il est impossible pour le législateur de ne pas se saisir de projets de loi qui couvrent parfois une palette de domaines très large. En d'autres termes, si le législateur produit un nombre considérable d'amendements, c'est aussi et avant tout parce qu'il travaille sur des textes volumineux. L'élaboration de textes plus ciblés et mieux circonscrits pourrait sans doute contribuer à la réduction du nombre d'amendements.

Je voudrais prolonger mon propos en évoquant les travaux menés par notre collègue Jean-Noël Barrot, qui nourrissent l'approche globale que nous avons construite en l'enrichissant d'éléments plus spécifiques sur le renforcement du Parlement dans ses missions d'évaluation et de contrôle. À cet égard, nous avons eu, en commission, des débats très intéressants et dont je me félicite tout particulièrement, car ils ont été l'occasion d'affirmer la nécessité pour le Parlement de se doter d'outils propres afin de mener ses missions à bien.

Les propositions que je viens d'évoquer dessinent l'horizon vers lequel notre groupe veut emmener ce projet de loi constitutionnelle. Cet horizon est celui d'un meilleur équilibre institutionnel donnant au Parlement et à notre démocratie la possibilité de mieux travailler et, ainsi, de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens afin de mieux les représenter.

Néanmoins, pour conclure, du point de vue du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, tout cela ne fonctionne depuis soixante ans et ne continuera à fonctionner que si l'état d'esprit de tous, majorité comme opposition, est de travailler collectivement, en respectant les positions de chacun, au service de ce que nous croyons être bénéfique pour les Français. Cela implique également une capacité d'écoute et de respect du Gouvernement à l'égard des représentants du peuple. Sans cette volonté commune et partagée par tous ici sur ces bancs, nous ne pourrons remplir avec succès le mandat que les Français nous ont donné.

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