Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre constitution fêtera bientôt ses soixante ans. Soixante ans, c'est toute une vie : c'est un temps pour faire le bilan et c'est même, pour certains, l'âge de partir à la retraite. Mais notre constitution ne compte pas tirer sa révérence, bien au contraire. D'abord, les Français y sont très attachés, et pour cause : elle nous a offert plus d'un demi-siècle de stabilité politique, surmontant toutes les turbulences, les épisodes de crise, les conflits, les alternances et les cohabitations. Telle est la Constitution : entre permanence de l'Histoire et évolution de la société, un esprit intangible et une application flexible. Il serait donc déraisonnable d'accuser nos institutions de tous les maux dont souffre notre pays, comme il serait déraisonnable de dire que la démocratie dans laquelle nous vivons aujourd'hui est parfaite et achevée.

Le fonctionnement même du Parlement montre chaque jour les limites d'un système asphyxié. Il y a, dans notre pays, trop peu de démocratie représentative et participative. C'est dans ces carences profondes que la crise de confiance est née puis a grandi, éloignant peu à peu nos concitoyens du politique et des urnes. C'est ce lien de confiance qu'il nous faut retisser car il est le pilier de notre système institutionnel. Dans son discours fondateur de 1946, le Général de Gaulle l'avait clairement exprimé : « Les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s'ils s'accordent avec l'intérêt supérieur du pays, s'ils reposent sur l'adhésion confiante des citoyens. En matière d'institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable. »

Mes chers collègues, c'est bien la reconquête de cette confiance qui est au coeur de la réforme institutionnelle. Cet enjeu doit nous rassembler. À ceux qui fantasment une VIe République, je réponds qu'à l'utopie nous préférerons toujours le réel. À ceux qui nous accusent de mépriser les territoires, je réponds que cette révision constitutionnelle consacre la différenciation territoriale. À ceux qui nous reprochent de bafouer les droits du Parlement, je réponds par une interrogation : quel représentant de la nation ici voudrait mettre en péril le foyer des Français ? Aucun.

Cette révision constitutionnelle s'inscrit justement dans la continuité de celle de 2008, et une série d'amendements portés par la majorité viendra renforcer la fonction parlementaire à différents niveaux : sur la maîtrise de l'ordre du jour, sur l'encadrement de la procédure d'urgence, sur le rôle des commissions dans l'adoption des textes, sur l'évaluation et le contrôle des politiques publiques. Tout cela, nous le ferons dans le respect des équilibres de la Ve République. Ce sont des progrès majeurs, et les premiers mois que j'ai vécus à l'Assemblée nationale m'en ont convaincue : notre chambre dispose de trop peu de temps, de trop peu de moyens, de trop peu de capacités concrètes d'intervention.

La majorité est totalement engagée aux côtés du Président de la République et du Premier ministre, avec qui elle partage les objectifs de modernisation et de renforcement du rôle du Parlement. Mais la loi fondamentale doit tous nous fédérer : elle mérite que les intérêts partisans s'effacent devant l'intérêt général.

Au cours des débats en commission des lois, avec les oppositions, nous avons amendé le texte sur des points de convergence importants, parmi lesquels, notamment, la suppression du mot « race », d'un autre temps et d'une idéologie haineuse que nous refusons, l'interdiction de toute distinction fondée sur le sexe – nous inscrivons ainsi dans le marbre l'égalité entre les femmes et les hommes – , la préservation de l'environnement et de la diversité et la lutte contre les changements climatiques, car nous prenons toute la mesure de ce défi majeur pour l'humanité, et l'égalité de tous devant la loi, puisque nous mettons fin à la juridiction d'exception que constitue la Cour de justice de la République pour que les politiques ne soient plus jugés par des politiques.

C'est une constitution en phase avec son temps et revitalisée qui nous est proposée. Ne croyons pas qu'à l'issue de nos débats et de ceux qui auront lieu au Sénat, il s'agira de la victoire d'un groupe plutôt que d'un autre. Non, mes chers collègues, ce sont bien la démocratie et le progrès qui sont en jeu.

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