Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Pour juger des crimes et délits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions – et j'insiste sur ce dernier point – , la révision constitutionnelle de 1993 avait créé la Cour de justice de la République, qui n'a convaincu ni l'opinion ni les juristes, en raison principalement de la composition de sa formation de jugement, constituée en majorité de parlementaires. Ceux-ci, amis ou adversaires politiques du ministre en cause, ne présentaient pas les garanties de neutralité et d'impartialité que l'on doit attendre de toute juridiction. La jurisprudence de la cour, d'une modération parfois étonnante, a achevé de déconsidérer l'institution.

L'article 13 du projet de loi constitutionnelle propose avec sagesse de faire juger les membres du Gouvernement par des magistrats professionnels – ceux de la cour d'appel de Paris – et d'instituer un filtre – la commission des requêtes. Les ministres seront ainsi protégés de poursuites malveillantes, auxquelles les exposent nécessairement leurs fonctions.

Fallait-il aller encore plus loin et aligner leur situation sur celle des justiciables de droit commun en les faisant comparaître en premier ressort devant le tribunal de grande instance ? La question s'est posée, mais notre groupe a finalement décidé de soutenir la rédaction proposée par le projet de loi, pour deux raisons. Jugés en premier et dernier ressort par la cour d'appel de Paris, les ministres auront, comme le parquet et les parties civiles, le droit de se pourvoir en cassation, ce qui est conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de double degré de juridiction. Par ailleurs, le réalisme conduit à considérer que, sous l'angle des poursuites pénales dont ils peuvent faire l'objet en raison des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, les ministres ne sont pas tout à fait des justiciables comme les autres. La procédure doit être courte, ce que favorise l'absence d'appel, et les juges doivent être chevronnés pour écarter les risques d'excès, ce qui est le cas des juges de la cour d'appel, notamment à Paris. Faisons-leur confiance. Le Gouvernement a trouvé sur cette question un bon compromis entre des exigences contradictoires.

L'article 14 du projet, enfin, propose une réécriture du titre XI de la Constitution, dédié au Conseil économique, social et environnemental – CESE – , qui deviendrait la Chambre de la société civile. Ce texte suscite des réserves de notre part.

En premier lieu, la saisine obligatoire de cette chambre pour tout projet de loi ayant un objet économique, social ou environnemental ne peut qu'alourdir le processus d'élaboration de la loi, à l'encontre des objectifs affichés par le présent projet de révision constitutionnelle.

En second lieu, l'appellation même de « chambre » pour le nouveau CESE tend à rapprocher son statut, au moins au niveau sémantique, de celui des deux chambres composant le Parlement. Le CESE, sur son site officiel, se présente déjà lui-même comme « la troisième assemblée de la République, après l'Assemblée nationale et le Sénat, qui, ensemble, forment le pouvoir législatif ». Or notre système parlementaire est fondé sur le bicamérisme et le pouvoir législatif n'a jamais comporté trois chambres, sauf sous le Consulat.

Le groupe MODEM ne peut, en l'état, souscrire à cette nouvelle rédaction du titre XI de la Constitution.

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