Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, hier après-midi, les 925 parlementaires français étaient conviés par le Président de la République en Congrès, au château de Versailles, pour la deuxième fois du quinquennat. Comme l'immense majorité des députés de cette assemblée, j'y étais, convaincu que le devoir de tout élu est de respecter les institutions de notre République et de siéger, en tant que représentant des Français, lorsque le Président de la République fait valoir cette disposition introduite en 2008.

Cela ne m'a pas empêché de me poser un certain nombre de questions, et je souhaite ici vous faire part de quelques-unes d'entre elles.

Tout d'abord, qu'est-ce qui justifie dorénavant que cette disposition à caractère exceptionnel, voulue pour permettre que, dans des circonstances extraordinaires, le chef de l'État, chef des armées, représentant de la France dans le monde vienne devant la représentation nationale pour y exposer des mesures d'urgence ou à caractère de gravité avéré, soit à présent galvaudée au point de devenir une sorte de causerie, encore monolithique mais bientôt appelée à être un vaste café-débat, lui faisant ainsi perdre son caractère exceptionnel tout en dévalorisant de manière très préjudiciable la fonction présidentielle ?

Quelle interprétation doit-on faire de cette humiliation que fera désormais vivre annuellement à M. le Premier ministre, au Gouvernement dans son ensemble, mais surtout à nos institutions, notre hyper Président, en se substituant à tous les ministres, le premier d'entre eux compris, et en se transformant lui-même en VRP des mesures adoptées ou en préparation ?

Que doit-on déduire de l'exercice d'hier ? Alors que le Président de la République devait faire des annonces sur la réforme constitutionnelle, il ne l'a quasiment pas abordée, préférant gloser sur tout et n'importe quoi, sans considération pour les Français, qui attendaient qu'on leur parle de leur quotidien et de ce qui les préoccupe.

Que dire, enfin, de cette réforme constitutionnelle voulue par la majorité, dont je crains, comme beaucoup d'autres ici, qu'elle n'affaiblisse irrémédiablement notre démocratie ?

La réduction du nombre de parlementaires va affaiblir la représentativité de ceux de nos concitoyens qui vivent dans les territoires les plus fragiles. Nos concitoyens qui ont contribué à dynamiser ces territoires sans rien obtenir de la solidarité nationale, et que l'on va priver de la capacité de se faire entendre, ici comme au Sénat, alors qu'ils en ont tellement besoin !

Cette réforme contient aussi d'invraisemblables atteintes aux prérogatives individuelles des parlementaires, notamment en matière d'amendement des textes proposés. C'est tout simplement inacceptable, car, à travers nous, ce sont les Français que vous muselez et que vous soumettez à la toute-puissance du fait majoritaire.

Le collègue qui vient de s'exprimer a dit son souhait de voir l'évaluation tenir une plus grande place dans nos travaux, et j'y souscris. En revanche, je ne suis pas du tout d'accord avec la proposition de confier cette évaluation à une agence externe, ce qui priverait les députés et les agents de nos assemblées, qui en sont parfaitement capables, de cette mission essentielle, laquelle participe, de surcroît, du lien que nous entretenons avec nos concitoyens par notre présence sur le terrain.

Je souhaite, à présent, m'arrêter quelques instants sur les dispositions des articles 15 et 16 du projet de loi que vous défendez ici, qui proposent d'améliorer la rédaction des articles 72 et 73 de la Constitution, en me concentrant surtout sur l'article 72. La réforme de 2008 avait introduit la possibilité de l'expérimentation, mais sa mise en oeuvre s'est avérée extrêmement complexe. Au cours des derniers mois, dans le cadre de la mission d'information sur la décentralisation que j'ai eu l'honneur de présider, et d'une mission flash que j'ai effectuée avec mon collègue Jean-René Cazeneuve, ici présent, nous avons essayé de proposer des modifications de l'article 72. Nous avons fait des propositions pour enrichir votre texte, y compris d'ailleurs pour le volet financier, dans le cadre d'une autre mission flash.

Sans remettre en cause l'indivisibilité de la République, le besoin d'oxygène de nos territoires est manifeste. Pour le dire de manière simple et pragmatique, dans une période où l'indigence de l'État a limité les ressources mises à leur disposition, alors même qu'on leur confie toujours plus de compétences fonctionnelles ; dans une période où les acteurs publics, privés et associatifs ont retroussé leurs manches pour se prendre en main et porter de beaux projets et de belles dynamiques ; dans une période, enfin, où les Français témoignent de l'intérêt pour ces territoires, ils ont besoin d'un ballon d'oxygène, et ils ne peuvent plus attendre.

Hier, le Président de la République a déclaré, à Versailles, que la politique territoriale à laquelle il croit, « c'est une politique au service de nos concitoyens, une politique qui vous évitera de perdre des mois, comme on l'a fait constamment au cours des dernières décennies, à délibérer des compétences qu'il faudrait transférer à l'un plutôt qu'à l'autre, pour revenir dessus lors du mandat suivant. » Il a poursuivi en disant : « La réforme constitutionnelle qui vous est soumise promeut une décentralisation de projets par la différenciation. L'aménagement auquel je crois vise au lancement de nouveaux projets et à un rééquilibrage des territoires par l'installation d'activités économiques conçues en liaison avec l'ensemble des élus locaux et accompagnées par le Gouvernement et par les services de l'État dans le cadre de ces projets. »

Or, en commission des lois, la semaine dernière, la majorité a rejeté toutes nos propositions et s'est ainsi placée en contradiction avec la volonté présidentielle. J'en appelle à vous, mes chers collègues, pour agir différemment lors de nos débats des jours à venir et pour donner ainsi un vrai signal concret aux territoires de France et aux Français qui y vivent.

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