Intervention de Monique Legrand-Larroche

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Monique Legrand-Larroche, Ingénieure générale hors classe de l'armement (IGHCA), directrice de la direction de la maintenance aéronautique :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureuse de vous présenter la direction de la maintenance aéronautique créée en avril dernier et que j'ai l'honneur de diriger.

Je suis accompagnée par M. l'ingénieur en chef de l'armement André Sallat, chef du département « Pilotage des projets du MCO aéronautique ».

Je vous rappelle tout d'abord les conditions qui ont conduit à la création de cette direction. Devant les trop faibles taux de disponibilité de nos aéronefs militaires, globalement inférieurs à 50 %, et le coût grandissant de leur entretien, la ministre des armées a lancé en septembre dernier une mission d'audit pour examiner les conditions d'amélioration du MCO aéronautique. Un état des lieux exhaustif a été dressé à cette occasion. Malgré des personnels très compétents et très motivés, l'organisation de la fonction du MCO n'obtenait pas de performances suffisantes, induisant un risque de non-régénération de notre potentiel militaire, aussi bien en termes d'équipements que de ressources humaines, alors que nos besoins opérationnels sont actuellement très importants.

Ces dernières années, comme vous le savez, nos armées ont dû répondre à un engagement croissant sur de multiples théâtres, dans des conditions difficiles ; ces opérations ont fortement sollicité notre outil de défense et tout particulièrement notre aéronautique, que ce soit en termes de personnels déployés ou de moyens matériels, d'heures de vol, dans des conditions d'emploi particulièrement rudes. Cela nous a donc obligés à repenser notre organisation pour la rendre plus réactive et plus performante.

Le constat établi dans le cadre de cette mission est très clair : dans les domaines de la gouvernance, des activités, de la stratégie contractuelle mise en place, la multiplicité des intervenants entraîne une augmentation des délais et des coûts ainsi qu'une moindre performance, ce à quoi vient s'ajouter une insuffisante responsabilisation des acteurs industriels au niveau de la maîtrise d'oeuvre.

En conséquence, le 11 décembre 2017, la ministre des Armées a présenté les grandes orientations de son plan de transformation du MCO aéronautique. Cette réforme ambitieuse, qu'elle suit personnellement, vise à supprimer les interfaces inutiles, à aligner les travaux dans une logique de performance et à accorder des responsabilités globales de bout en bout et sans dilution. En synthèse, il s'agit de renforcer les moyens consacrés au MCO en complétant son investissement dans l'innovation en ingénierie.

Pour mettre en oeuvre cette réforme, la création de la DMAé a été décidée. Comme l'a souhaité la ministre, une équipe de préfiguration multidisciplinaire rassemblant une quinzaine de personnes d'horizons variés et que j'ai eu la chance de diriger pendant trois mois, a été constituée en janvier afin de mettre en place la nouvelle direction de la maintenance aéronautique, qui a donc succédé à la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). En réalité, la DMAé ne remplace pas la SIMMAD ; elle a une globalité d'action et de vue plus importante et une organisation différente de celle qui prévalait jusqu'alors.

Les décrets fondateurs et les arrêtés ont permis de formaliser cette différence de portage. La DMAé a été créée pour satisfaire les besoins en matière de MCO aéronautique ou de navigabilité exprimés par le chef d'état-major des armées (CEMA), la direction générale de l'armement (DGA) et les chefs d'état-major d'armée. Elle peut également assurer cette mission au profit d'autres administrations. Elle conçoit et propose au CEMA la stratégie du MCO aéronautique en lien avec les chefs d'état-major d'armée. Elle met en oeuvre cette stratégie et contribue à l'élaboration de la politique du MCO. Elle conduit, fait conduire et évalue les études relatives à l'évolution des opérations de MCO aéronautique. Enfin, elle contribue à la conception de la politique industrielle dans le domaine du MCO aéronautique.

Cette direction est subordonnée au CEMA et responsable devant lui de l'atteinte des objectifs fixés. Ce rattachement direct à l'un des trois grands subordonnés de la ministre a été un signal fort pour tous les intervenants du domaine du MCO aéronautique.

La gouvernance interne de la DMAé au sein du ministère a été simplifiée de manière à concentrer les responsabilités, à renforcer la cohérence entre les objectifs et les ressources et ainsi à faciliter l'atteinte des performances attendues pour le MCO aéronautique. Dans le cadre de cette simplification, le document d'objectifs a été refondu. Jusqu'à présent, un contrat unifié de gestion (CUG) traduisant les objectifs des armées était imposé à la SIMMAD. Ce CUG était un document de quatre-vingt-dix pages considéré comme exécutoire et qui laissait peu de marges de manoeuvre à la SIMMAD. La création de la DMAé s'est accompagnée d'une volonté de donner à cette direction plus de souplesse pour s'organiser et organiser son action ainsi que pour adapter ses moyens. Dans ce cadre, ce ne sera plus un contrat unifié de gestion, mais un contrat d'objectifs et de performance (COP) qui sera cosigné entre le CEMA et moi-même. Ce document de haut niveau définira les objectifs assignés à la DMAé, sans entrer dans un niveau de détail aussi élevé que précédemment.

Par ailleurs, le foisonnement de comitologie interne au ministère, relevé à plusieurs reprises par la Cour des comptes et le contrôle général des armées, sera largement allégé, simplifié et remplacé par un comité directeur se réunissant une fois par an ainsi que par les réunions de comités stratégiques qui se tiennent aujourd'hui au niveau de la ministre.

Je vous détaille à présent la manière dont nous allons travailler.

Dans le domaine contractuel, l'ingénierie du MCO aéronautique était assurée par de nombreux marchés transverses à toutes les flottes : ainsi, pour les Atlantique 2, le Rafale ou les hélicoptères Tigre, on comptait une vingtaine de contrats de soutien pour soutenir chaque flotte d'appareils. Cette approche entraînait un risque fort de coupures dans l'exécution contractuelle et diluait les responsabilités au niveau des industriels. Ainsi, la défaillance d'un industriel sur une petite pièce conduisait à une défaillance totale sur la flotte, alors même que l'on ne pouvait pénaliser l'impact de cette défaillance puisqu'elle n'était portée que par un petit contrat sur une petite pièce. Quand on a plusieurs intervenants, comment responsabiliser réellement les industriels ? Ajoutons que le découpage des contrats en tranches annuelles ne permet pas à l'industrie de s'organiser et d'anticiper, puisqu'elle est toujours dans l'attente de la notification d'une nouvelle tranche.

Face à ce constat, nous avons choisi de verticaliser et de globaliser les contrats. Derrière ces termes, les points clés consistent à responsabiliser davantage les maîtres d'oeuvre industriels en leur fixant des objectifs précis, en les rémunérant en conséquence et en leur garantissant plus de durée dans les contrats de manière à leur donner la possibilité de s'organiser. Les contrats globaux de soutien définiront précisément des objectifs de performance à atteindre – par exemple un nombre d'appareils en ligne, une disponibilité de flotte, une capacité de fourniture de rechanges dans un délai contraint –, ce qui permettra de couvrir tout le périmètre pour un aéronef et donc de responsabiliser l'industriel retenu pour l'ensemble de l'aéronef.

De plus, nous mettrons systématiquement en place des guichets industriels de proximité dans les régiments ou les bases afin que les mécaniciens du soutien opérationnel ne se retrouvent pas en manque de pièces, comme cela arrive malheureusement trop souvent aujourd'hui.

Pour les industriels, cette stratégie apporte davantage de visibilité et leur permet de s'organiser. Bien évidemment, nous attendons en échange une performance accrue et la tenue des délais, sans augmenter outrageusement leurs coûts : une négociation avec l'industrie va être menée. J'ai commencé à sensibiliser l'ensemble des acteurs industriels, j'ai rencontré personnellement les responsables pour leur expliquer que c'était un nouveau partenariat que nous voulions construire avec eux, un partenariat gagnant-gagnant : l'État doit s'y retrouver avec une meilleure disponibilité de ses aéronefs et les industriels ont intérêt à ce que nos aéronefs volent, ne serait-ce que pour préserver leur renom à l'export.

Les aéronefs choisis en priorité pour appliquer cette nouvelle approche sont ceux qui étaient particulièrement critiques : l'avion de patrouille maritime Atlantique 2, les flottes d'hélicoptères Cougar, Caracal, Dauphin Pedro, Panther et Fennec. Les négociations ont commencé avec les industriels ; l'objectif est de pouvoir notifier le premier marché en fin d'année 2018 et les autres en 2019. Cette démarche sera ensuite progressivement étendue aux autres flottes. Pour chaque flotte, nous conduisons une réflexion stratégique pour savoir le maître d'oeuvre qui doit être choisi, s'il faut verticaliser totalement ou partiellement. Il n'y a pas une approche dogmatique et systématique sur toutes les flottes : nous nous posons la question flotte par flotte et la solution retenue peut à chaque fois être différente. Je prendrai quatre exemples.

Dans le cas de la flotte Fennec de l'armée de terre, qui compte dix-huit appareils destinés à la formation de vol aux instruments de nos pilotes, la disponibilité sur les douze derniers mois a été en moyenne de cinq appareils, soit un taux inférieur à 28 %. Aujourd'hui, le MCO est couvert par neuf marchés – pour dix-huit appareils ! –. Nous nous sommes fixés pour objectif de couvrir par un seul et unique marché l'ensemble du périmètre, à l'exception ou non des moteurs, ce point est encore en discussion. Ce contrat sera négocié avec une mise en concurrence, il sera conclu pour dix ans et nous demanderons un engagement contractuel de fourniture d'heures de vol, avec une phase de montée en puissance. L'armée de terre a accepté d'externaliser, pour le coup, l'ensemble du soutien, ce qui lui permettra de diminuer sa pression sur les ressources humaines affectées à la maintenance de ces appareils et d'utiliser ses mécaniciens pour d'autres flottes utilisées en opération. Nous avons déjà lancé l'appel à candidatures sur ce projet et l'objectif est de notifier avant la fin de l'année.

Pour les hélicoptères Cougar, la disponibilité sur les douze derniers mois était en moyenne de 6,6 appareils pour une flotte de vingt-six appareils. Le MCO de cette flotte est aujourd'hui couvert par vingt et un marchés. Là aussi, nous avons lancé une réflexion avec l'industrie pour réduire cette couverture à probablement deux marchés – les moteurs d'un côté et le reste de l'autre –, et nous nous fixons comme objectif de doubler cette disponibilité en trois ans, autrement dit d'atteindre un taux de près de 50 %, première étape vers une disponibilité accrue par la suite.

Pour les avions de patrouille maritime Atlantique 2, la disponibilité est d'un peu plus de 25 % et cette flotte est couverte par vingt-sept. Nous travaillons là aussi pour réduire cette couverture contractuelle, avec un seul maître d'oeuvre pour l'ensemble de la cellule et de la logistique. Un autre contrat sera passé avec le service industriel de l'aéronautique (SIAé). C'est un cas particulier : comme nous souhaitons faire intervenir le SIAé, nous négocions directement un contrat avec lui, ou plus exactement un quasi-contrat puisque c'est un service de l'État. Les moteurs seront traités à part – ce sont des moteurs très particuliers, qui équipent également les Transall.

Enfin, concernant les Rafale, où la disponibilité, pour le coup, est bonne, nous avons néanmoins vingt-deux marchés pour couvrir le soutien ; nous allons diminuer fortement ce nombre de manière à gagner en efficience pour l'ensemble de notre structure étatique.

Cette évolution représente bien évidemment un enjeu de transformation de la structure et un enjeu fort pour nos personnels. Il est important de ne pas désorganiser la structure dans la mesure où, tout en conduisant cette transformation, nous devons continuer à assurer le soutien des aéronefs actuellement utilisés, que ce soit en opération ou en métropole pour former et entraîner les personnels. J'ai donc fait le choix de ne pas modifier fortement l'organisation de la SIMMAD. J'ai changé la structure, mais le rattachement hiérarchique des personnels est fait par groupe et non individuellement, de manière à éviter que les gens ne se voient tous mutés du jour au lendemain dans des organisations différentes et leur permettre de travailler de manière efficace sans être parachutés et dispersés dans des services séparés. Par ailleurs, aucune mobilité géographique n'est imposée ; c'était important pour les personnels.

J'ai le souci de renforcer la compétence des personnels dans les nouveaux modes de fonctionnement, dans les fonctions financières, contractuelles, la gestion de projet ; pour ce faire, je dispose de trois leviers.

Ainsi que l'a souhaité la ministre, une quarantaine de personnels issus de la DGA vont rejoindre la structure. Ils ont déjà commencé à le faire et continueront tout au long de l'année, de manière à apporter leur expertise et leur expérience dans la gestion de projet, la gestion financière, la gestion contractuelle des relations avec l'industrie.

L'organisation de la DMAé est fondée sur la gestion en mode projet : il y aura un responsable de flotte avec autour de lui une équipe pluridisciplinaire composée d'acheteurs, de spécialistes en management de projet, en planification, en technico-logistique de manière à assurer la cohérence d'ensemble. Cette transformation que j'ai lancée lors de la création de la direction sera achevée à la fin de l'été avec le plan annuel de mutation (PAM) que l'on connaît dans le domaine militaire.

Enfin, pour renforcer la compétence des personnels dans les fonctions financières, contractuelles et de management de projet, nous sommes en train de mettre en place une feuille de route de formation, de manière à assurer un accompagnement et qu'ils aient les bases indispensables au nouveau mode de contractualisation, avec des contrats plus complexes et de plus longue durée.

Parallèlement, plusieurs autres orientations sont en cours de réflexion : ainsi la mise en place d'un dialogue de performance avec les forces en charge de l'activité du soutien opérationnel, de manière à mieux ordonnancer les prestations en définissant le socle d'activités indispensable qu'elles souhaitent garder en leur sein et la partie qu'elles sont prêtes à externaliser pour soulager leurs ressources humaines, extrêmement sollicitées en ce moment, au niveau des mécaniciens notamment.

Par ailleurs, nous allons devoir prendre en compte toutes les innovations apparues dans le domaine du numérique, mais également dans le domaine civil, et intégrer dans nos opérations de maintenance ces nouvelles technologies, tout particulièrement la radio-identification (RFID) ou l'intelligence artificielle qui nous permettra d'utiliser notre énorme fonds de données pour faire de la maintenance prédictive ; nous pourrons ainsi nous permettre des pas de maintenance plus larges tout en améliorant encore la disponibilité de nos aéronefs.

En conclusion, le budget du MCO aéronautique que vous venez de voter dans la loi de programmation militaire, en hausse de trois milliards d'euros sur la période à venir, doit nous permettre, associé à cette réorganisation, d'améliorer la disponibilité des aéronefs dont nos forces ont besoin pour assurer leurs missions, qu'il s'agisse de la préparation organique en France ou des opérations extérieures (OPEX).

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