Intervention de Barbara Bidan

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Barbara Bidan, directrice Santé et alimentation durable de Fleury Michon :

Avant de vous parler du Nutri-Score, je souhaite vous expliquer la démarche de fond de Fleury Michon sur la partie nutrition santé.

En 1999, on a considéré qu'on avait une responsabilité sur la composition de nos produits et qu'on devait établir des critères dans la conception de nos produits. Nous avons rédigé une charte volontaire nutritionnelle qui guide depuis vingt ans la conception de nos produits. Cette charte comporte cinq points majeurs qui n'ont pas bougé.

Le premier point, c'est la densité nutritionnelle, c'est-à-dire la qualité du produit et l'utilité des kilocalories.

Le deuxième point porte essentiellement sur la quantité et la qualité des matières grasses – comment en mettre moins et mieux. C'est ainsi que nous avons réussi à supprimer l'huile de palme, les huiles hydrogénées et à réduire les acides gras trans.

Le troisième point a trait au sel. Il y a un lien évident entre le sel et la santé, avec l'hypertension notamment. Pour chacune de nos catégories de produits, qu'il s'agisse des plats cuisinés, du surimi ou du jambon, nous nous sommes fixé des seuils à ne pas dépasser.

Le quatrième point, qui est un point central, concerne les additifs. Nous avons considéré qu'il fallait optimiser de façon naturelle ce que l'on sait bien faire chez nous, à savoir la cuisine. C'est un vrai défi, car on peut améliorer le taux de matières grasses ou le taux de sel en incorporant tout simplement des additifs. L'enjeu consistait donc à ne pas en rajouter et, au contraire, à aller vers plus de naturalité. Nous avons décidé que nos produits ne contiendraient pas plus de trois additifs. Pour y parvenir, il nous a fallu trois ans. Il s'agissait de savoir quels additifs conserver. Nous nous sommes demandé si nous avions besoin de tous les additifs autorisés sur le marché européen – il y en a un peu plus de 330 – et nous avons pris des décisions liées aux avis scientifiques qui peuvent être émis, qui peuvent être plus récents et parfois contredire les avis européens de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Nous avons aussi travaillé sur la question des allergènes, puisqu'il existe des liens récurrents entre certains additifs et les réactions allergiques. Enfin, nous avons étudié tous les risques toxicologiques et les attentes sociétales fortes. Aujourd'hui, nous sommes passés d'une liste ouverte à une liste fermée. Nous avons élaboré une liste positive de vingt additifs que nos équipes peuvent utiliser. Nous avons privilégié les additifs qui permettent la conservation et la sécurité des produits, et les additifs qui sont des arômes ou des colorants naturels. Pour reprendre l'expression de M. Fardet, il y a des additifs un peu plus cosmétiques qui n'ont pas d'utilité majeure de sécurité alimentaire et que nous voulons supprimer demain, afin d'aller vers des produits les plus naturels possible tout en ayant en tête la sécurité du consommateur.

La situation est un peu compliquée en ce qui concerne le nitrite de sodium (E 250) un avis de l'EFSA de 2007 venant de confirmer qu'on pouvait utiliser cet additif, tandis que d'autres études, notamment du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), considèrent qu'il y a un lien entre charcuterie, sel nitrité et cancer du côlon. Face à un tel constat, nous voulons pouvoir assurer la sécurité du consommateur et prendre en compte ces enjeux de santé. Là aussi, nous avons travaillé en plusieurs phases. Premièrement, on utilise le E 250 notamment pour éviter le botulisme – selon les dernières études de l'Institut Pasteur, il existe encore des foyers de botulisme en France. Deuxièmement, nous avons réduit la teneur en nitrites de nos produits au niveau d'exigence de la législation « bio », c'est-à-dire qu'elle est à peu près deux fois moins importante que la réglementation européenne – c'est la première fusée que l'on a tirée, si je puis dire. Enfin, nous avons réfléchi à la manière de substituer ce fameux E 250 qui pose tant de questions. Pour ce faire, nous avons développé un procédé de conservation naturelle à base de bouillon de légumes et de ferments qui va assurer, de façon naturelle, la même sécurité alimentaire que les nitrites.

Voilà ce que l'on sait faire aujourd'hui. Notre objectif est de pouvoir faire, demain, un jambon sans nitrites dès lors que la sécurité alimentaire sera assurée. On sait aujourd'hui qu'un jambon sans nitrites n'aura pas tout à fait le même goût ni la même couleur que celui qu'on a l'habitude de voir – il est gris et a un goût un peu différent. Nous avons consacré des moyens de recherche pour en arriver là.

Aujourd'hui, la question n'est pas tranchée car on voit apparaître sur le marché des produits de charcuterie qui allèguent la mention « sans nitrites » ou « conservation sans nitrites », mais qui sont roses. S'ils sont de cette couleur, c'est bien qu'ils ont été en contact avec les nitrites à un moment de leur élaboration. C'est un procédé qui est assez opaque et sur lequel nous avons assez peu d'explications. Nous pourrions reproduire ce procédé parce qu'il existe des additifs qui redonnent cet effet-là. Mais au vu de notre stratégie de transparence et comme nous ne connaissons pas vraiment comment fonctionne ce procédé, nous avons choisi d'avancer par étapes, de choisir des procédés naturels et d'inscrire sur nos packagings ce qui se passe vraiment. En effet, nous n'avons pas mis de nitrite de sodium et nous conservons nos jambons avec des nitrites végétaux.

Trois questions se posent à propos du nitrite de sodium. Premièrement, quid des alternatives qui existent sur le marché et qui prétendent qu'il n'y a pas de nitrites alors que le jambon est rose ? Dans quelle mesure pourrait-on davantage contrôler ce type d'action ? La deuxième question est celle de la sécurité alimentaire. Peut-on être assuré que les alternatives qui arrivent sur le marché ne provoqueront pas de cas de botulisme, de listériose ou de salmonellose ?

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