Intervention de Virginie Beaumeunier

Réunion du jeudi 5 juillet 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes :

Je vous remercie de nous permettre de nous exprimer devant votre commission d'enquête afin que nous vous présentions, tout d'abord, le contexte dans lequel la DGCCRF intervient, ensuite, son rôle s'agissant en particulier de l'alimentation, et, enfin, quelques exemples de son action concrète.

La question de l'alimentation transformée est devenue majeure dans un contexte où les modes de vie et de consommation ont évolué. La population consomme de plus en plus d'aliments transformés, et de moins en moins d'aliments bruts comme cela se faisait à l'époque de nos grands-parents. Dans le même temps, la perception par les consommateurs des risques liés à l'alimentation s'est renforcée.

On peut sans doute expliquer ce sentiment, d'une part, par l'éclatement de scandales sanitaires, comme celui de « la vache folle », et d'autre part, par une prise de conscience des risques chroniques liés à l'alimentation – autrefois, on parlait plutôt des risques aigus que faisaient courir instantanément des crises contemporaines, aujourd'hui, les choses se jouent davantage sur le long terme.

Ces questions et cette inquiétude naissent aussi de la complexité de l'alimentation transformée par rapport à l'alimentation brute : le consommateur connaît nécessairement moins la composition et les origines de ce qu'il mange. Cette alimentation contient des produits industriels et des améliorants, ce qui nous amène à nous interroger en termes d'origine, de traçabilité, de composition, et de qualité. Cela crée évidemment de nouvelles suspicions.

Cette inquiétude s'est bien sûr retrouvée lors des États généraux de l'alimentation, (EGA) qui ont illustré ces nouvelles demandes des consommateurs qui souhaitent des garanties supplémentaires s'agissant les produits qu'ils consomment. Ils attendent des pouvoirs publics une action forte et transparente concernant leur alimentation, mais également, de manière plus générale, concernant les produits qu'ils consomment et qu'ils utilisent.

Cette attente existe aussi à l'égard des industriels pour qu'ils apportent une information claire, précise et loyale aux consommateurs sur les denrées alimentaires.

Du fait de ses missions, la DGCCRF est au centre de ces problématiques. Ces nouvelles exigences nous appellent à continuer à mener en toute transparence des contrôles réguliers et à effectuer des enquêtes importantes de filière. De leur côté, les consommateurs attendent aussi sans doute de notre part une plus grande pédagogie. Ils veulent comprendre la réglementation et en savoir plus sur nos contrôles et les suites que nous leur donnons.

Cette pédagogie est également importante afin que les consommateurs comprennent et relativisent les différents risques auxquels ils peuvent être confrontés en raison de leur alimentation. Il faut informer sans alarmer, en étant transparent, en particulier s'agissant des risques chroniques qui peuvent être finalement les plus anxiogènes.

Durant l'été 2017, la crise du fipronil, ce produit insecticide découvert dans les oeufs, a constitué un bon exemple de ces inquiétudes. Le risque sanitaire associé à la présence de cette substance chimique, interdite dans les oeufs, n'était pas aigu – il n'y avait pas de risque immédiat –, en revanche cette situation a suscité de très nombreuses interrogations et des craintes légitimes de la part de nos concitoyens.

Un retour d'expérience de cette crise doit être réalisé dans le cadre du Conseil national de l'alimentation (CNA), auquel nous participons avec d'autres acteurs, en particulier sur la question de la communication et sur la perception des événements. L'exercice sera utile pour mettre en place une communication encore plus claire et plus pédagogique, et, surtout, pour rétablir la confiance des consommateurs.

Il est clair que s'il faut communiquer en période de crise, une communication pédagogique est également nécessaire sur la durée

J'en viens au rôle de la DGCCRF, une direction générale du ministère de l'économie et des finances qui compte environ 3 000 agents, répartis entre une administration centrale et des services déconcentrés implantés, soit, au niveau régional, dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), soit, au niveau départemental, dans les directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou, pour les plus petits départements, dans les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).

La DGCCRF abrite également des services à compétence nationale, dont une école de formation, et un service national des enquêtes, qui a par exemple été mobilisé pour l'affaire Lactalis que vous connaissez, et qui mène les enquêtes et les contrôles les plus complexes, en particulier les enquêtes de filière. Il faut évidemment citer le Service commun des laboratoires, représenté ce matin par M. Jean-Luc Déborde, que nous partageons avec nos collègues des douanes. Il est constitué d'un réseau de onze laboratoires d'État.

Pour nous, comme pour les douanes, il est essentiel de disposer de ce réseau intégré. Ces laboratoires assurent la réalisation d'analyses et d'expertises pour soutenir notre travail de contrôle. Plus de 300 000 analyses ont été effectuées pour la seule DGCCRF en 2017. Au-delà de la simple analyse, ces laboratoires interviennent aussi en apportant un appui scientifique indispensable à nos enquêteurs en matière de recherche de fraudes. Les laboratoires mettent au point des méthodes d'analyse pour répondre à nos nouveaux besoins d'enquête, et pour assister les enquêteurs dans les modalités de prélèvement des produits. La relation fonctionne donc en quelque sorte dans les deux sens, des laboratoires vers les enquêteurs, et des enquêteurs vers les laboratoires.

La DGCCRF a trois missions principales : la régulation concurrentielle des marchés, la protection économique des consommateurs, la sécurité de ces derniers. Ces trois missions concourent au même objectif : protéger les consommateurs, mais aussi les entreprises vertueuses par rapport aux entreprises qui trichent.

Ces trois missions sont ainsi largement complémentaires, et il existe de nombreuses synergies dans leur exercice quotidien. En effet, nous avons une approche intégrée de la protection des consommateurs, qui prend en compte l'ensemble des biens de consommation, qu'ils soient alimentaires ou non alimentaires. S'agissant des biens non alimentaires, nous menons en particulier des actions sur les jouets, sur les cosmétiques, sur les produits électriques du quotidien, mais aussi en matière de services. J'insiste sur l'approche intégrée, alimentaire, non alimentaire, car nous considérons qu'elle est capitale dans l'efficacité de l'action de la DGCCRF.

Il y a en effet une vraie cohérence et un gain d'efficience à contrôler, à titre d'exemple, la présence de résidus de phtalates dans des huiles de consommation alimentaire dans des matériaux au contact de denrées alimentaires, mais également dans les jouets, car les analyses sont identiques.

De même, les difficultés rencontrées lors de la gestion de retrait ou de rappel d'ampleur de produits non alimentaires dangereux, comme les siphons culinaires ou les détecteurs de fumée, ont permis à la DGCCRF de bénéficier d'un retour d'expérience pour améliorer sa gestion globale des alertes, ce qu'elle a par exemple mis à profit dans l'affaire Lactalis.

S'agissant de la régulation de la concurrence, on a par exemple vu des entreprises s'entendre pour minimiser leurs efforts en matière d'amélioration de la qualité environnementale des produits, ce qui a un impact sur les consommateurs au-delà des conséquences pour l'environnement. L'entente pouvait aussi viser à répercuter de concert sur le consommateur les surcoûts éventuels liés à de nouvelles réglementations – évidemment cela se faisait de manière excessive.

Ces différentes missions conduisent la DGCCRF à travailler en collaboration avec de nombreuses autres structures institutionnelles. Je pense par exemple à la Commission européenne. Elle a un rôle très important en matière alimentaire et, de manière générale, s'agissant de consommation, mais c'est aussi le cas des douanes, au sein de notre Service commun des laboratoires et également, lors de nos contrôles, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dont vous avez reçu les représentants, à l'Autorité de la concurrence, à l'Autorité des marchés financiers (AMF), aux ministères de l'agriculture, de la santé, de l'environnement, de la justice, des transports des sports… L'interministériel est au coeur même de notre fonctionnement. Il représente une richesse, une force pour l'action publique, qui nous permet de bénéficier de méthodes de travail et de points de vue différents, et de mobiliser des compétences complémentaires.

La question de la sécurité sanitaire de l'alimentation, qui vous intéresse particulièrement, est d'une grande complexité. Elle nécessite par conséquent des compétences très variées, tant scientifiques – une partie de nos concours est scientifique et fait appel à des connaissances en matière de santé humaine, de santé des animaux, de végétaux, de chimie –, qu'économiques, juridiques ou comptables, car il faut pouvoir résoudre des problèmes de traçabilité en cas de fraudes économiques, fraudes qui peuvent aussi induire des problèmes de sécurité.

J'en viens plus précisément au rôle de la DGCCRF dans le domaine alimentaire. Dans ce cadre, la DGCCRF exerce des missions qui concourent à la sécurité sanitaire des aliments – cela concerne la gestion des risques qui peuvent affecter la santé humaine ou animale. Elle assure également des missions qui visent à s'assurer de la bonne information des consommateurs. Nous vérifions ce que nous appelons « la loyauté » – ce travail constitue une spécificité de notre organisme.

S'agissant de la sécurité sanitaire des aliments proprement dite, nous travaillons en articulation avec d'autres acteurs comme l'ANSES, dans son activité d'évaluation, mais aussi les ministères de la santé et de l'agriculture.

Pour ce qui concerne les sujets que traite votre commission d'enquête, la DGCCRF est en particulier compétente s'agissant des additifs alimentaires, c'est-à-dire les conservateurs, les colorants, les enzymes, les arômes… Un travail important est actuellement réalisé au niveau européen pour réexaminer les différentes autorisations accordées par le passé à ce type de produits, en tenant compte de l'augmentation considérable des consommations de produits alimentaires transformés. Dès lors que les consommateurs sont beaucoup plus exposés que lors des études initiales – à l'époque, ils consommaient davantage de produits bruts –, l'analyse scientifique doit évoluer.

La DGCCRF est compétente s'agissant des matériaux qui se trouvent au contact des denrées alimentaires, comme la vaisselle, les instruments de cuisson, les emballages… Des composants peuvent en effet migrer dans l'alimentation, et introduire des substances chimiques dans la consommation alimentaire. Nous sommes également compétents en matière de compléments alimentaires, tous ces produits qui sont censés apporter « un plus » à notre alimentation. Les denrées alimentaires génétiquement modifiées font aussi partie de notre champ de compétence, de même que les résidus de pesticides et de contaminants dans les produits d'origine végétale.

La DGCCRF est aussi compétente s'agissant de toutes les règles d'information du consommateur sur les denrées alimentaires, et en matière de pratiques commerciales trompeuses, de fraudes et de falsifications. Je ne citerai qu'un exemple que vous connaissez bien : l'affaire de la viande de cheval dans les lasagnes était une fraude économique, et non une question de sécurité.

Dans ces domaines, nous sommes responsables de l'établissement de la réglementation. Nous menons les contrôles pour la faire appliquer, et nous gérons les alertes sanitaires lorsque des produits dangereux se retrouvent sur le marché.

En matière de sécurité sanitaire des aliments, depuis la crise de « la vache folle », il a été décidé de séparer l'évaluation de la gestion du risque, de manière à renforcer le processus de décision et à garantir une évaluation du risque totalement indépendante – elle est effectuée par l'ANSES au niveau national, et par l'Autorité européenne de sécurité des aliments – European Food Safety Authority (EFSA) – au niveau européen. Cette division des tâches est un principe fondamental inscrit dans les règles européennes.

Les instances chargées de la gestion des risques se fondent sur les avis des instances d'évaluation pour décider, par exemple, d'autoriser ou d'interdire un certain nombre de pratiques. Ce rôle revient à la Commission européenne, au niveau européen, et, en France, principalement à la DGCCRF et au ministère de l'agriculture.

Notre travail intervient donc en complémentarité de celui de l'ANSES qui fournit des avis scientifiques et des recommandations que nous prenons en compte dans nos mesures de gestion du risque. Les choses fonctionnent aussi dans l'autre sens puisque nos propres contrôles constituent une source d'information très utile pour l'ANSES. En particulier, les résultats de contrôles de nos laboratoires permettent d'affiner les calculs d'exposition des consommateurs à des contaminants comme les métaux lourds, les composés néoformés ou les résidus de pesticides. Il est très important de pouvoir actualiser, si nécessaire, les évaluations des risques que mène l'agence, en fonction de ce que l'on trouve concrètement dans les produits.

Je voulais enfin évoquer quelques exemples d'enquête pour illustrer notre manière de travailler dans le secteur alimentaire.

Le contrôle de la DGCCRF s'opère, d'une part, grâce à des enquêtes sur les produits eux-mêmes, et, d'autre part, grâce à des contrôles des opérateurs, que nous appelons les contrôles à la première mise sur le marché. Ce dernier contrôle, qui se fait chez l'opérateur, a une vocation préventive : il permet de vérifier que l'opérateur a mis en place toutes les mesures pour respecter la réglementation. Le cas échéant, si nous constatons des défaillances, nous les signalons, ou nous prenons des mesures plus coercitives.

Sur les produits, nous mettons en place des plans de contrôle et des plans de surveillance. Les plans de surveillance se fondent sur une méthode aléatoire de contrôle et de prélèvements alors que les plans de contrôle sont mis en oeuvre à partir d'un ciblage des risques. Ils concernent par exemple la présence de contaminants et de résidus de pesticides dans les produits d'origine végétale. Pour répondre à l'une de vos questions, monsieur le président, le partage de compétences avec la DGAL s'opère selon la nature du produit : s'il est d'origine animale, la DGAL, qui a une compétence vétérinaire, entre en jeu ; s'il est d'origine végétale, nous intervenons.

S'agissant des produits d'origine végétale, nous contrôlons les résidus de pesticides, de métaux lourds, les mycotoxines c'est-à-dire les toxines sécrétées par des champignons qui peuvent se développer à la production ou lors du stockage des matières premières, ou encore les alcaloïdes par exemple ceux synthétisés par le datura, qui est une mauvaise herbe, et le champignon responsable de l'ergot de seigle, maladie qui remonte au Moyen Âge, mais qui peut parfois réapparaître.

Les contrôles peuvent être menés de manière aléatoire, dans le cas des plans de surveillance, ou de façon ciblée, sur certains produits ou sur certains opérateurs ou filières à risque, pour les plans de contrôle. Nous effectuons également des contrôles renforcés sur certains produits d'origine végétale à l'importation, ainsi que sur les produits bio.

Les contrôles à l'importation sont particulièrement efficaces, car ils sont harmonisés dans l'Union européenne. Ils interviennent avant la mise sur le marché des marchandises.

Au-delà du contrôle il y a aussi l'enquête qui est une spécificité de la DGCCRF. Nous menons des enquêtes de filière et de marché, en particulier des enquêtes régulières pour s'assurer de la loyauté et de la sécurité de certains produits sensibles aux fraudes. Je pense en particulier à l'huile d'olive – les origines ne sont pas toujours celles qui sont indiquées, et les compositions peuvent poser des problèmes –, au miel, et bien sûr au vin, importante production de notre pays pour laquelle le risque de fraude est particulièrement élevé.

Nous sommes l'autorité compétente chargée du contrôle de l'utilisation des additifs – cela concerne évidemment les produits transformés qui intéressent votre commission. Nos enquêtes spécifiques sur les additifs visent à contrôler les aspects relatifs à la loyauté – l'étiquetage et les éventuelles mentions valorisantes – et à la sécurité. Nous vérifions que les additifs présents dans le produit sont autorisés, et que les teneurs et les spécifications sont respectées. De manière plus générale, nous recherchons des pratiques commerciales trompeuses, des fraudes ou des falsifications.

Ces contrôles sont réalisés dans environ 1 200 établissements par an. Ces enquêtes sont fondées sur une approche par le risque.

En 2015, 1 400 produits alimentaires ont été analysés pour le contrôle des additifs. Cela concerne en particulier les produits carnés, les produits de la mer et les fruits et légumes, mais aussi des produits particulièrement sensibles en raison des types de consommateurs. Par exemple, en 2016, nous avons réalisé une enquête sur les confiseries, produit consommé en particulier par les enfants, même s'ils ne sont pas les seuls : 287 établissements ont été contrôlés, plus de 200 confiseries ont été prélevées, et près de 700 analyses ont été effectuées par nos laboratoires.

Nous avons contrôlé la qualité et la sécurité des confiseries aussi bien chez des producteurs industriels que chez des producteurs plus artisanaux. Nous avons contrôlé précisément le bon étiquetage, le respect des concentrations limites maximales des additifs – on trouve dans les bonbons, des colorants, des conservateurs ou des édulcorants –, le bon étiquetage des substances sucrantes utilisées, le respect des limites en termes d'acidité – en Espagne, la découverte de bonbons trop acides avait déclenché une alerte sanitaire. Nous contrôlons également la véracité des allégations de type « sans sucre » ou « arômes naturels ».

Cette enquête a fait apparaître des lacunes dans la connaissance de la réglementation par les professionnels, en particulier celle applicable aux colorants, à l'exception de ceux des grandes entreprises. Des manquements ont été identifiés dans 40 % des produits analysés en laboratoire, sachant que nos enquêtes se fondent sur une analyse du risque, et que nous contrôlons plutôt des produits pour lesquels un manquement est suspecté. Ce taux est donc très élevé pour ce type de démarche.

Cette enquête montre bien l'articulation entre la sécurité des consommateurs et les contrôles de loyauté. En effet, le même type de contrôles permet à la fois de vérifier si une allégation sur l'emballage est correcte, et si un additif n'est pas présent dans des quantités trop importantes et s'il présente des risques pour les consommateurs.

Autre exemple d'enquête particulièrement significative dans le domaine des colorants, nous avons finalisé, en 2017, une enquête de filières sur un colorant rouge, l'acide carminique ou E120, qui est issu de la cochenille. Cette enquête a montré que certains colorants mis sur le marché contenaient en grande quantité un dérivé de l'acide qui n'était pas autorisé. La DGCCRF a demandé le retrait des produits concernés, et elle a transmis à la justice des procès-verbaux pour tromperie concernant trois entreprises.

Pour compléter ce panorama, je souhaitais mentionner le fait que nous menons régulièrement des enquêtes sur les plats préparés. Nous contrôlons la loyauté de l'étiquetage, c'est-à-dire la conformité entre les illustrations et le contenu. L'illustration peut en effet être trompeuse. Nous vérifions la liste des ingrédients en pratiquant des tests en laboratoire – nous pouvons déterminer les espèces de viande ou de poisson présentes dans les plats, et aussi l'indication de l'origine des viandes et du lait. Ces sujets sont évidemment particulièrement sensibles. J'ai déjà évoqué l'affaire des lasagnes à la viande de cheval, et il y a une forte demande de nos producteurs agricoles pour que l'indication de l'origine des viandes et du lait soit mentionnée. Une expérimentation pour deux ans a été autorisée par la Commission européenne.

Sur ces sujets, et sur bien d'autres, les laboratoires de la DGCCRF et des douanes ont développé des méthodes d'analyse pour vérifier la loyauté de nombreux produits, s'agissant en particulier de l'identification de l'espèce pour certains animaux, de la variété de pommes de terre, mais aussi les cépages ou des millésimes pour les vins.

Avant d'en terminer avec cette intervention liminaire, je veux évoquer des problématiques émergentes qui mobilisent beaucoup la DGCCRF et qui sont en rapport avec le sujet des produits transformés. Je pense en particulier aux nanomatériaux. La présence de nanoparticules dans les produits de consommation, au premier rang desquels les produits alimentaires, est une source d'inquiétude croissante de la part des consommateurs. Vous avez certainement vu des publications récentes dans la presse consumériste à ce sujet. Elles ont eu un assez fort écho médiatique. L'utilisation de nano-ingrédients dans les denrées doit faire l'objet d'une mention d'étiquetage obligatoire dans la liste des ingrédients. Le nom de l'ingrédient concerné doit être suivi de la mention « nano », en vertu des dispositions prévues par un règlement européen concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit « INCO ». Cette disposition est applicable depuis la fin de l'année 2014. Depuis trois ans, nous menons avec le Service commun des laboratoires un important travail afin de réaliser les premiers contrôles, et de mettre au point des méthodes analytiques de pointe pour vérifier que les consommateurs disposent de la bonne information sur la présence de ces nanomatériaux.

C'était un sujet nouveau pour nos agents et nos laboratoires. Nous avons rendu publics les premiers résultats de contrôle en 2017, et au début de l'année 2018 au sein du Conseil national de la consommation. Sur quatre-vingts échantillons de produits alimentaires analysés, trente et un, soit 39 %, contenaient des ingrédients comportant des particules de taille inférieures à 100 nanomètres – ce qui constitue la définition des nanoparticules –, et, dans près de sept cas sur dix, la totalité de l'ingrédient se trouvait sous forme nano, alors que, la plupart du temps, cette caractéristique n'était pas spécifiée sur l'étiquetage des denrées concernées.

S'agissant toujours des nanomatériaux, je signale que, la démarche étant complémentaire, nous avons mené le même type de contrôle hors alimentation, pour les cosmétiques, ce qui nous a permis de mettre en évidence des présences non annoncées de nanoparticules.

Nous poursuivrons évidemment les investigations sur ces cas et, le cas échéant, nous donnerons les suites contentieuses nécessaires. Cela suppose de vérifier dans quelles conditions les nanoparticules ont été introduites dans les produits concernés, et d'en savoir plus sur l'information des professionnels – ils utilisent eux-mêmes des intrants et il faut par exemple savoir s'ils ont bien été informés par leurs fournisseurs.

En tout état de cause, lorsque ces nanomatériaux sont présents, le consommateur doit en être informé en toute transparence, d'autant que la justification de l'utilisation de nano-ingrédients, en particulier dans le domaine alimentaire, peut parfois être limitée. Il existe en effet des alternatives, et certains industriels ont d'ailleurs déjà annoncé qu'ils avaient fait le choix d'abandonner l'utilisation des additifs concernés.

Nous avons ainsi organisé une table ronde avec les industriels, présidée par la secrétaire d'État, Mme Delphine Gény-Stephann, pour présenter le bilan des contrôles et mettre en avant les démarches de substitution engagées en incitant les industriels encore en retard, à s'y mettre.

Nous avons également partagé nos méthodes et les résultats de nos contrôles au niveau européen avec nos homologues et avec la Commission, de manière à ce que l'ensemble des autorités de protection des consommateurs mènent des contrôles similaires sur leur marché national, afin que les consommateurs et les entreprises de l'ensemble de l'Union européenne bénéficient du même niveau de protection.

Il y a malheureusement d'autres exemples de risques émergents. La recherche des agences d'évaluation des risques et des autorités de protection des consommateurs est mobilisée sur d'autres sujets. On peut citer le cas des résidus de pesticides et les possibles « effets cocktail ».

Nous faisons preuve d'une grande vigilance sur tous ces sujets. C'est évidemment impératif pour la santé des consommateurs dans tout un tas de domaines, alimentaires et non alimentaires. Pour conclure, je souhaitais mentionner la question des allégations « sans ». Vous voyez aujourd'hui beaucoup de produits portant la mention « sans sucre ajouté », « sans conservateurs », « sans nitrites »… Il faut sérieusement se pencher sur le sujet. Ces mentions sont certainement valorisantes, mais les techniques utilisées pour justifier ce « sans » peuvent avoir un effet contre-productif et induire une forme de tromperie, voire de concurrence déloyale entre opérateurs.

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