Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Christophe Lannelongue, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Grand-Est :

L'une de vos questions porte sur les moyens et l'efficacité des aides à l'installation. Nous nous occupons actuellement de l'application de la convention de 2016 à travers un nouveau zonage et avec la mise en oeuvre de nouvelles aides.

Ces aides personnelles sont mal connues et elles n'ont pas toute l'efficacité souhaitée car la décision d'installation est plus le résultat d'un projet professionnel élaboré progressivement que d'une décision purement financière. On aurait tort d'en conclure qu'il faut s'en priver, et nous avons complété les aides mises en place par la convention par des aides régionales financées par le FIR dans les zones où nous estimions qu'il fallait intervenir, bien qu'elles n'aient pas été retenues pour la mise en oeuvre des aides conventionnelles.

Je ne peux pas vous dire combien de médecins ont bénéficié de ces aides. Pour la convention de 2016, ils sont moins d'une dizaine, mais je ne connais pas les chiffres pour les aides précédentes.

Vous avez également souhaité connaître des exemples de réussite chez nos voisins européens. On pourrait en citer beaucoup. En Angleterre, le taux de dépistage du cancer est ainsi de 98 % alors qu'il n'est que de 51 % chez nous. Cette différence tient à l'organisation très professionnelle des soins en Angleterre, avec des équipes pluridisciplinaires composées de médecins, d'assistantes et d'infirmières – quatre médecins, quatre assistantes et quatre infirmières en moyenne – qui permettent d'accompagner davantage les patients.

Je donnerai aussi l'exemple de la prise en charge du diabète en Allemagne. Dans ce pays, des infirmières sont chargées de l'accompagnement et de l'éducation des patients. On trouve donc effectivement en Europe des cas de meilleure prise en charge des soins primaires qu'en France. Cette plus grande efficacité est toujours liée à des collaborations entre des médecins, des infirmières, des assistantes et des pharmaciens.

Pour les MSP, on ne peut pas raisonner à l'échelle communale : le bon niveau est celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). C'est au niveau des EPCI que doit avoir lieu le débat avec les élus et les professionnels d'où sortiront les choix qui enclencheront des dynamiques.

Les EPCI sont récents et, pour beaucoup, ils n'ont pas encore trouvé leur point d'équilibre. Aussi faut-il s'appuyer sur le réseau des sous-préfets pour faciliter l'échange entre les élus, les professionnels et l'ARS.

Nous sommes en effet engagés dans une course de vitesse car les départs à la retraite des médecins vont s'accélérer. Certains endroits aujourd'hui préservés mais où on constate une forte homogénéité en âge des médecins, comme l'Alsace, vont également bientôt être concernés par la crise démographique médicale, car dans moins d'une dizaine d'années beaucoup de médecins de ces départements partiront en retraite.

Il nous faut donc fournir rapidement des réponses. Or, plus que l'augmentation des moyens financiers, c'est l'évolution de la formation des professionnels qui importe. Ceux-ci doivent apprendre à travailler en équipe, à développer un projet professionnel, à découvrir ce que sont les soins primaires et à apprécier le travail de prévention et de promotion de la santé.

Un nombre important de mesures, comme la réforme du troisième cycle, le service sanitaire ou l'inscription dans un parcours universitaire des formations des paramédicaux que nous cherchons à mettre en place, visent ce résultat. C'est ainsi que sera créé à la faculté de médecine de l'Université de Lorraine, à la rentrée de septembre, un département des professionnels de santé destiné à améliorer la formation, notamment, des infirmières et des sages-femmes.

La coopération entre les professionnels est elle aussi cruciale. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 comporte une disposition importante à ce titre, la mise en place d'une centaine d'infirmières ASALEE. Un décret qui devrait être publié dans les prochains jours prévoit par ailleurs la mise en place du régime des infirmières exerçant en pratique avancée.

La course de vitesse est réelle parce que les prochaines années vont être marquées par une baisse massive du temps médical due aux départs en retraite mais aussi aux changements qui touchent le rythme et l'organisation du travail des jeunes professionnels. Ces changements ne sont d'ailleurs pas à mettre en rapport avec le genre, le temps de travail des hommes et des femmes se rejoignant à l'horizon 2021.

La compensation de cette perte de temps médical passe nécessairement par une meilleure coopération entre professionnels. La région Grand-Est, par exemple, compte plus d'une dizaine de milliers d'infirmières libérales : il faut que le travail des médecins avec ces infirmières soit renforcé et qu'elles puissent prendre en charge des tâches qui aujourd'hui accaparent du temps médical.

On pourrait aussi parler des pharmaciens. Comme vous le savez, la ministre a engagé la généralisation de l'expérience de vaccination en pharmacie. L'ensemble des régions sera concerné au plus tard en 2020.

Ces mesures sont essentielles car elles permettront d'améliorer et de faciliter la gestion du temps médical et de faire face à une situation dans laquelle les choix seront contraints.

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