Intervention de Nadia Hai

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNadia Hai, rapporteure :

Avec Rémi Delatte, membre de la commission des affaires économiques, nous avons mené depuis la fin du mois de février une investigation au nom de la MEC sur le suivi et l'évaluation du financement des programmes de rénovation urbaine.

Pendant ces cinq mois, nous n'avons pas cherché à dresser un bilan exhaustif de cette politique essentielle, ce qui aurait été impossible dans un temps aussi réduit, mais plutôt à déterminer la manière dont elle peut être encore améliorée.

Nous avons donc adopté une démarche résolument pragmatique et de terrain. Nous avons voulu que ce rapport soit, en quelque sorte, un carnet d'observations, enrichi des données factuelles et juridiques indispensables à un débat politique de qualité sur le sujet.

Nous espérons qu'il permettra d'ouvrir le débat largement, car notre optique a été de décloisonner le sujet au maximum sans pour autant aboutir à un rapport à tiroirs, constitué d'une succession de focus.

Nous n'avons pas limité notre enquête au suivi des crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous avons choisi d'ouvrir la perspective en évaluant la performance globale de la politique de rénovation urbaine au regard de l'objectif de mixité sociale qui lui a été assigné par la loi.

La notion de mixité sociale est au coeur du débat politique, ce qui nous a paru justifier qu'on y prête une attention particulière. Mais c'est aussi une notion dont les contours sont incertains et qui, de ce fait, est aussi assez politique.

Évaluer la performance de la rénovation urbaine au regard de l'objectif de mixité est de ce fait une gageure : il est impossible de déterminer des critères objectifs, valables sur tous les territoires, pour la mesurer. Et quand bien même cela aurait été possible, les méthodes d'élaboration des statistiques comportent elles-mêmes des limites difficilement dépassables.

Mais ce n'est pas une mission impossible. L'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) nous a ainsi fait des propositions pour alimenter les travaux d'évaluation par des indicateurs statistiques.

À ce stade de la discussion, je voudrais, en mon nom et en celui de Rémi Delatte – mais je pense que tous les membres de nos commissions ici présents voudront bien s'y associer –, saluer la qualité remarquable des productions de l'ONPV, constitué d'une toute petite équipe.

Les productions de cet observatoire sont une excellente base de travail pour l'évaluation de l'atteinte par la rénovation urbaine de l'objectif de mixité sociale. En augmentant ses moyens et en valorisant mieux ses productions sur le site du système d'information géographique de la politique de la ville, il serait possible d'aller plus loin et d'améliorer considérablement encore l'information de la représentation nationale, mais aussi des élus locaux et des citoyens de manière plus générale.

L'information pourrait et devrait aussi être améliorée concernant les données financières. C'est là le second volet indispensable de la mesure de la performance de la politique de rénovation urbaine.

Aujourd'hui, et nos observations rejoignent celles de la Cour des comptes sur ce point, l'information est éparse et incomplète. Si l'on considère que les deux dernières grandes synthèses sur le sujet datent de 2013 et 2014, c'est-à-dire avant la fin du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le début du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), on peut même ajouter que ces informations sont désormais datées.

Nous portons donc la demande d'un rapport de suivi du financement et des réalisations de la rénovation urbaine. Nous considérons que ce rapport serait d'autant plus riche qu'il révèlerait l'articulation entre les politiques de rénovation urbaine et du logement. Il pourrait donc être utilement remis par le ministre en charge du logement lors du printemps de l'évaluation. Cette proposition a d'ailleurs été favorablement accueillie par le secrétaire d'État Julien Denormandie.

L'analyse des données communiquées par l'ANRU a permis de mettre en évidence quelques constats et de soulever un point de vigilance.

Premier constat : l'ANRU a consommé la plupart des crédits qui lui ont été alloués. La dépense des crédits a été très efficace.

L'enveloppe du PNRU est passée de 2,5 milliards d'euros en 2003 à 12 milliards d'euros en 2009, complétés par 350 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Au total, 11,7 milliards d'euros ont été engagés. Des crédits de paiement d'un montant de près de 2 milliards d'euros resteront ouverts jusqu'en 2021 pour achever les travaux engagés tardivement.

Ces chiffres font apparaître l'existence d'un reliquat de 600 millions d'euros de crédits non engagés. Ce montant est à la fois important et faible. Important car il est incompréhensible, au regard des enjeux qui ont justifié la mise en place du NPNRU, que toute l'enveloppe n'ait pas été consommée. Et dans le même temps, assez faible si l'on considère que l'on parle ici d'un investissement total de 47 milliards d'euros, tous financeurs confondus, et que la programmation s'est inscrite sur plus de dix ans.

Le NPNRU semble tirer les conséquences des facteurs à l'origine de ce reliquat, notamment par la mise en place de protocoles de préfiguration, qui sont des temps d'étude et de concertation. Rémi Delatte évoquera plus longuement la réforme des procédures, qui va dans le sens d'une accélération des démarches et d'une souplesse accrue pour les élus, maintenant que cette phase d'études est bien lancée et que le financement des programmes est consolidé.

Car le deuxième constat, c'est en effet que la jonction financière et administrative entre le PNRU et le NPNRU n'a pas été simple. On a demandé aux mêmes équipes et aux mêmes financeurs de gérer à la fois la fin du PNRU et le démarrage du NPNRU.

Le résultat a été un retard dans la mise en oeuvre opérationnelle du NPNRU. Jean-Louis Borloo le soulignait dans son rapport : il n'y a pas encore de grues dans les quartiers NPNRU, alors que l'urgence sociale est là.

Rappelons en effet l'historique du rôle de l'État dans le processus de rénovation urbaine. Dans le cadre du financement partenarial prévu en 2003, il était prévu une contribution de l'État. En 2009, ce dernier y a mis fin sous forme de crédits budgétaires, mais l'a poursuivie en 2009 et 2010 dans le cadre du plan de relance et, entre 2011 et 2013, dans le cadre du Grand Paris.

Cette modification a nécessité une réévaluation des contributions des autres financeurs et notamment de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) qui a contribué au financement de l'Agence à un taux qui a atteint 80 % et même, après 2014, a dépassé 95 %.

Lors de la mise en place du NPNRU, à l'inverse de 2003, aucune contribution de l'État n'était prévue.

L'enveloppe initiale du NPNRU, de 5 milliards d'euros, rendait difficile la construction de projets d'ampleur suffisante. L'État a abondé cette enveloppe de 1 milliard d'euros en loi de finances pour 2017 pour faciliter, notamment, la mise en place de projets globaux, intégrant aménagement des espaces et équipements.

Puis l'enveloppe a été doublée en loi de finances pour 2018, passant ainsi de 5 à 10 milliards d'euros. Notre assemblée l'a d'ailleurs voté. C'est un acte politique fort en faveur de la rénovation urbaine.

Dans ce contexte, vos rapporteurs ont également souhaité clarifier l'impact des réformes en cours susceptibles d'affecter les ressources des acteurs du logement, notamment le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) et le projet de loi pour un plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), et ont pu constater, au vu des accords trouvés, que le NPNRU pourra être lancé sans difficulté, tout en exhortant à rester vigilant quant à la cohérence des textes les uns avec les autres, afin d'éviter les injonctions contradictoires.

Débuter les travaux au plus vite est une priorité absolue. Toutefois, il sera nécessaire de s'assurer que les crédits dont l'ANRU aura besoin chaque année pour financer les projets pourront être débloqués pour ne pas les ralentir.

Cela m'amène au point de vigilance que je mentionnais et qui porte sur la trésorerie de l'ANRU.

En l'état actuel des projections financières, en effet, les chiffres communiqués à vos rapporteurs font apparaître une possible impasse de trésorerie cumulée de 1,5 milliard d'euros. La trésorerie sera négative toutes les années où le besoin de financement sera le plus élevé.

Cela pose bien sûr la question de la chronique des paiements de l'État. Cela pose aussi la question du cofinancement du programme à moyen terme. Sur ces deux points, le secrétaire d'État Julien Denormandie, ainsi que l'ANRU et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), ont confirmé que la situation était maîtrisée.

Les besoins financiers seront réévalués avec les partenaires de l'ANRU au fur et à mesure de la mise en oeuvre du NPNRU.

Ce point de vigilance montre à quel point il est nécessaire que le Parlement suive avec précision la trajectoire financière de l'ANRU.

Nous saluons en conséquence l'initiative de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux organismes extraparlementaires, qui prévoit l'entrée de deux parlementaires au conseil d'administration de l'ANRU.

Toujours dans le sens d'un renforcement du contrôle parlementaire, nous souhaitons, en interne à l'Assemblée nationale, la mise en place d'un mécanisme de suivi des rapports d'évaluation pour en actualiser les conclusions et approfondir les thématiques qui n'auraient pas pu l'être précédemment.

La satisfaction des habitants résultant de l'amélioration du cadre de vie permis par la rénovation urbaine est clairement ressortie des déplacements et des auditions.

Nous avons néanmoins souhaité relayer la préoccupation des habitants relative à la hausse des loyers, souvent imputée lors de l'intégration des logements rénovés sans qu'ils soient préalablement avertis ; nous avons formulé une proposition quant à la prise en compte de cet aspect dans le calcul d'endettement du financement par prêt bancaire, afin de prévenir la dégradation des copropriétés.

La rénovation urbaine a d'ores et déjà permis de transformer de manière substantielle des quartiers entiers. Porter une attention particulière à la programmation financière est indispensable, mais cela doit toujours se faire avec une boussole : celle des aspirations des habitants qui y résident. C'est tout le coeur de la démarche de notre rapport.

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