Intervention de Danièle Obono

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Les députés de La France insoumise étaient farouchement opposés à ce texte lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Ils y restent farouchement opposés après son passage au Sénat et l'échec de la CMP. À quelques exceptions près, que nous défendrons, le Sénat a considérablement durci certaines mesures du texte. Mais, comme nous le disions déjà lors des premiers débats, la pente était déjà prise. Même la suppression des ajouts négatifs du Sénat ne rendra pas le texte équilibré. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à l'avoir critiqué. D'autres groupes de l'opposition de cette assemblée l'ont fait, comme toutes les organisations de défense des droits humains, les associations d'aide aux migrants, les associations professionnelles d'avocats.

Ce texte est à la fois inutile et dangereux. Il est inutile parce que nous disposons déjà de dispositifs sur le droit des étrangers ; il est inutile parce qu'il ne répond pas aux situations de précarité, de vulnérabilité et de danger dans lesquelles se trouvent les migrants qui sont arrivés en France. Dans le nord de Paris, à la Porte de la Chapelle, des évacuations ont lieu très régulièrement mais, à défaut d'avoir des structures d'accueil pérennes, les migrants reviennent. Il leur manquait des points d'eau et ils mouraient de faim sur les trottoirs de Paris parce que le Gouvernement et les autorités avaient décidé qu'une fois évacués, ils disparaîtraient dans la nature. Il a fallu une mobilisation d'associations et de collectifs d'habitants – que je tiens à saluer – pour que des points d'eau soient rouverts afin que des gens ne meurent pas de soif en plein été à Paris. Voilà la réalité. Même délesté des durcissements du Sénat, votre texte n'y répond absolument pas ; il ne fait qu'aggraver la situation.

Ce texte inutile est aussi dangereux. Il a légitimé le discours tenu par l'extrême droite et la droite extrême depuis vingt, trente ou quarante ans. Il s'appuie sur les mêmes fantasmes et les mêmes mensonges concernant les flux migratoires et l'accueil des réfugiés en France, en Europe et dans le monde. Il crée un climat de tension. Il désigne les personnes migrantes, les réfugiés, qui ont besoin de protection, comme les problèmes et comme la source de difficultés vis-à-vis de nos concitoyens.

Enfin, comme les résultats du dernier Conseil européen l'ont montré, ce texte s'inscrit dans un mouvement de durcissement des politiques migratoires en Europe, malgré toutes les dénégations du Gouvernement et de la majorité. La France s'est alignée sur la position de certains pays de l'Europe de l'Est et sur l'Autriche. C'est la même instrumentalisation politique qui est à l'oeuvre. Et Emmanuel Macron est bien le dernier à pouvoir donner des leçons en ce domaine.

Bref, il n'y a rien à prendre dans le texte du Sénat comme il n'y avait rien à prendre dans la version initiale du Gouvernement.

Nous proposerons des amendements de suppression. Nous reviendrons en particulier sur l'enfermement des enfants en rétention : tant qu'il perdurera, ce sera une honte pour la France – on a beau jeu de s'indigner quand de semblables pratiques ont lieu dans l'Amérique de Donald Trump. La décision du Conseil constitutionnel constitue une brèche dans laquelle nous comptons nous engouffrer pour que la devise républicaine ne soit pas seulement une suite de mots gravés au fronton des mairies mais une réalité qui nous permette de sauver des vies.

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