Intervention de Cédric Villani

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, premier vice-président de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) :

Je présenterai la façon dont se présente, pour l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, la révision des lois de bioéthique. Selon la procédure établie par la loi, cette révision comporte un débat organisé par le Comité consultatif national d'éthique, puis un avis rendu par l'Office, qui est pris en compte dans la préparation de la loi. Une telle procédure permet d'associer les questions de droit et d'éthique, et les questions scientifiques et technologiques qui viennent les éclairer. Ce mariage entre les questionnements, la norme et la science et la technologie, ne va pas de soi ; il est toujours difficile à instruire.

L'ordre choisi par la loi est le bon : on commence par le débat public avant que la science n'ajoute son grain de sel. Commencer par la science avant de tenir le débat public serait une stratégie perdue d'avance. Cependant, nous sommes face à des difficultés importantes dans l'organisation du débat. D'abord, le débat scientifique lui-même n'a jamais été aussi difficile à organiser, sur des questions sensibles, qu'il ne l'est actuellement, du fait du rapport à l'information qui a été bouleversé par la communication informelle sur les réseaux sociaux et toutes sortes de propagations. Des études récentes, dans Science par exemple, ont montré que les fake news se propagent beaucoup plus vite que les real news, les nouvelles certifiées. Les gens y croient plus, et toute tentative de cadrer ce qui se propage en en appelant au regard scientifique est perçu comme une censure, un complot et a finalement l'effet inverse de celui qu'on souhaiterait.

C'est en biologie que l'on a les plus grandes difficultés à établir ce qui s'approcherait de la vérité, avec des taux de reproductibilité dans les expériences qui sont plus faibles que dans d'autres sciences plus « exactes ». Enfin, le débat est difficile car il ne porte pas spontanément sur les enjeux les plus délicats au point de vue scientifique. Lors de la précédente table ronde, un de nos collègues a demandé s'il ne fallait pas réactualiser plus fréquemment les lois de bioéthique, en fonction des progrès de la science. Mais les vraies avancées scientifiques récentes, en rapport avec des développements majeurs de l'informatique, de l'algorithmie des données, des techniques génétiques, ne sont pas celles qui font l'objet de la plus grande attention dans le débat public. Celui-ci se focalise plutôt sur les questions de procréation, de fin de vie, pour lesquelles les changements scientifiques et technologiques sont faibles. Il y a là un enjeu majeur pour le rôle de l'Office : comment concentrer la lumière sur ce qui a le plus évolué au point de vue scientifique et technique et informer aussi bien le législateur que l'opinion publique ?

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