Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 8h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Je suis heureux d'être devant vous ce matin pour vous présenter les principales conclusions du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui inclut cette année l'audit des finances publiques conduit par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre.

Avant toute chose, je voudrais dire un mot des liens étroits et constructifs entre la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale et la juridiction que je préside.

Le rôle majeur de votre commission dans l'amélioration de la performance de l'action publique a été renforcé par la loi organique relative aux lois de finances de 2001, qui lui a conféré – qui vous a conféré – un pouvoir de contrôle et d'évaluation élargi.

Pour vous assister dans l'exercice de ce pouvoir, la loi organique a fait évoluer les missions de la Cour des comptes, qui publie chaque année au printemps plusieurs rapports destinés à vous servir d'appui dans l'analyse des comptes et du budget de l'État : l'acte de certification des comptes de l'État, le rapport sur l'exécution du budget de l'État et le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Par ailleurs, toujours dans son rôle d'assistance aux pouvoirs publics, notre juridiction répond tous les ans à une dizaine de demandes d'enquêtes émanant des commissions des finances des assemblées parlementaires.

J'indique donc à votre commission récemment formée que la Cour se tient à votre disposition pour conduire des travaux d'enquête et d'évaluation avec le souci de rigueur et d'indépendance qui marque ses rapports. À l'instar de celui que je m'apprête à vous présenter, les rapports déjà publiés recèlent également de nombreuses pistes d'amélioration possible de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique. Nous ne pouvons que souhaiter que vous les utilisiez, étant entendu que c'est à vous, les représentants du suffrage universel, que revient le dernier mot, celui d'arbitrer et de décider.

J'en viens à l'audit. Il avait pour objectifs d'évaluer la situation actuelle des comptes publics, d'identifier les perspectives et les risques qui s'y attachent pour les années 2017 à 2020 et de formuler des propositions. Pour cela, la Cour a cherché à répondre à une question précise : les pouvoirs publics seront-ils en mesure d'atteindre les objectifs de finances publiques définis dans la loi de finances pour 2017 et dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril ? Autrement dit, quelle est l'ampleur des risques qui pèsent sur la réalisation de la trajectoire prévue dans ces documents ?

Nos investigations nous ont conduits à formuler six constats, que je commenterai brièvement.

S'agissant tout d'abord de 2016 et des années précédentes, même si des progrès ont été constatés, la lenteur des efforts de réduction du déficit depuis 2011 a placé la France dans une situation de net décalage par rapport à ses partenaires européens. J'illustrerai ce propos par quatre exemples. La réduction du déficit depuis 2011 est réelle mais elle a néanmoins été plus lente que pour la moyenne de nos partenaires européens ; la croissance de nos dépenses est restée supérieure à celle de nos partenaires ; en conséquence, le déficit public de la France pour 2016 est toujours l'un des plus élevés d'Europe et notre dette publique continue de croître : elle s'élevait à 96,3 points de produit intérieur brut (PIB) fin 2016, bien que les primes d'émission aient temporairement contenu la dette.

Pour conclure cette comparaison, trois faits marquants : la France est désormais, avec l'Espagne, le seul pays de la zone euro dont le déficit est supérieur au seuil de 3 points de PIB ; la France a passé douze des quinze dernières années en procédure de déficit excessif, ce qui constitue un record au sein de la zone euro, partagé cette fois avec le Portugal ; alors que les dettes publiques allemande et française s'établissaient à un niveau très proche avant la crise de 2008, la dette française est aujourd'hui supérieure à la dette allemande de près de 30 points de PIB.

Ainsi, en dépit des progrès réalisés, la situation des finances publiques françaises est loin d'être assainie. Elle continue de présenter des facteurs de vulnérabilité d'autant plus importants que des risques forts pèsent sur la capacité de la France à tenir à l'avenir ses engagements européens. C'est ce que révèle l'analyse des perspectives qui se dessinent pour 2017 et les années suivantes.

Avant d'entrer dans le détail des chiffres, je mentionnerai le deuxième constat de l'audit, qui concerne les nombreux biais de construction ayant affecté la sincérité des prévisions sur lesquelles est bâtie la trajectoire financière 2017-2020.

Comme lors de l'audit de 2012 et dans un ordre de grandeur similaire, notre juridiction constate un risque significatif de dérapage du déficit par rapport aux objectifs retenus. Mais si les écarts sont comparables, leurs origines diffèrent. En 2012, l'écart provenait d'une surestimation des recettes et d'une révision à la baisse de la croissance. En 2017, il résulte quasi-exclusivement de sous-estimations des dépenses de l'État, qui se sont traduites par des sous-budgétisations importantes dès l'adoption de la loi de finances initiale. Au sein des comptes des administrations publiques, ces dépenses sont celles dont l'État a le plus directement la maîtrise.

L'écart provient également, mais dans une bien moindre mesure, de reports de charges de l'année 2016 vers l'année 2017, d'aléas intervenus début 2017 et de mesures nouvelles annoncées depuis le vote de la loi de finances.

Pour 2018, force est de constater que le programme de stabilité sous-estime, lui aussi, l'effort en dépenses nécessaire pour atteindre l'objectif prévu d'une réduction de 0,5 point du PIB du déficit.

Dans ce contexte, j'insiste devant vous sur l'impératif de sincérité des prévisions de finances publiques et des documents budgétaires. En particulier, la préparation des prochaines lois de finances devrait être l'occasion de rompre avec les pratiques récurrentes de sous-budgétisation.

Ce n'est pas, tant s'en faut, la première fois que la Cour des comptes observe des éléments d'insincérité dans la construction des prévisions de finances publiques. Elle l'a fait à plusieurs reprises et depuis longtemps, notamment dans le cadre de ses rapports sur l'exécution du budget de l'État. Vous retrouverez la trace d'expressions très directes de mon prédécesseur sur ce point, il y a une dizaine d'années. Encore récemment, la Cour a soulevé « la question de la qualité et de la sincérité des prévisions de recettes fiscales » dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de 2014. Elle a parlé d'« une sincérité de la loi de finances initiale à améliorer » et de « débudgétisations importantes [...] qui ont altéré la sincérité de l'exécution de la dépense » dans son rapport sur le budget de l'État de 2015. Dans nos rapports sur le budget de l'État, vous trouverez douze mentions du terme « sincérité » en 2014, et huit en 2015 !

Dès lors, j'ai été quelque peu surpris que certains s'étonnent et s'émeuvent. Ce qui serait anormal, c'est que la Cour, constatant des écarts significatifs entre les prévisions et les réalisations, ou entre les prévisions annoncées et les prévisions raisonnables au regard des informations disponibles, n'en dise rien. Alors, elle ne remplirait pas la mission que la Constitution et la loi organique lui confient.

La Cour est dans son rôle, et plutôt que de la mettre en cause, il me semblerait plus utile de se pencher sur les solutions propres à renforcer la sincérité des prévisions de finances publiques, car des solutions institutionnelles existent. L'exemple des prévisions macroéconomiques associées aux lois de finances et aux programmes de stabilité, dont la sincérité a incontestablement été renforcée par la création puis l'action du Haut Conseil des finances publiques, le prouve.

Toutefois, il n'existe encore aucun dispositif analogue pour s'assurer de la sincérité des prévisions de finances publiques, et en particulier celles des dépenses, en amont de leur approbation par le Parlement ou de leur examen par la Commission européenne.

S'agissant maintenant des perspectives pour 2017, la Cour observe un risque fort de voir la France sortir dès cette année de la trajectoire dont elle s'est dotée. Ce sera mon troisième message.

C'est au niveau des dépenses de l'État que se situent les principaux risques pour 2017. Les dépassements potentiels sur les crédits des ministères sont évalués par la Cour à 7,3 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité. Ils sont concentrés principalement sur les missions Agriculture, Défense, Solidarité et Travail et emploi. Il faut y ajouter le coût de la recapitalisation d'Areva, qui pèsera à hauteur de 2,3 milliards d'euros sur le déficit en comptabilité nationale.

Du côté des « bonnes surprises » potentielles, la Cour n'a en revanche identifié qu'une baisse probable d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions, répartie entre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et la charge de la dette.

Enfin, dernière donnée-clef pour comprendre l'équation budgétaire de 2017 : à politiques inchangées et en excluant toute facilité consistant à reporter les dépenses sur les exercices suivants, nous évaluons les capacités réelles d'annulation de crédits au sein de la réserve de précaution du budget de l'État à un montant compris entre 2 et 3 milliards d'euros, qui correspond à celui constaté par la Cour dans son rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2016.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les dépenses publiques seraient supérieures de 5,9 milliards d'euros aux prévisions du programme de stabilité, ce qui représente 0,3 point de PIB.

Bien que des incertitudes demeurent à cette période de l'année, nos analyses révèlent que la cible de solde public pour 2017 apparaît, à politiques constantes, hors d'atteinte.

Sous réserve que des crédits d'un niveau équivalent à celui de l'exercice 2016 soient annulés d'ici la fin de l'année, le déficit s'élèverait à 3,2 points de PIB pour 2017, soit un dérapage de 0,4 point par rapport au programme de stabilité et de 0,5 point par rapport à la loi de finances initiale.

Étant donné cette situation, l'adoption de mesures de redressement apparaît indispensable, dès le second semestre 2017, si la France souhaite tenir ses engagements.

Contenir le dérapage du déficit à 0,4 point d'écart par rapport à l'objectif du programme de stabilité, donc atteindre 3,2 points de PIB, suppose déjà une action vigoureuse et rapide pour annuler de 2 à 3 milliards d'euros de crédits. Aller au-delà en passant de 3,2 à 3 points de PIB de déficit impliquerait d'importantes mesures d'économies supplémentaires, à hauteur de 4 à 5 milliards d'euros.

Enfin, si la France souhaite atteindre la cible de 2,8 points de PIB fixée par les pouvoirs publics, ce serait encore 4 à 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires qu'il faudrait trouver.

Vous le voyez, le respect de notre engagement européen, fixé à 2,8 points de PIB de déficit, ne serait possible que grâce à des économies comprises entre 8 et 9 milliards d'euros.

Le quatrième message de l'audit porte sur les perspectives financières pour les années 2018 à 2020. Je me limiterai aux observations relatives à l'année 2018, pour laquelle nous n'avons pas cherché à formuler de prévision de solde – il dépendra du résultat de l'exercice 2017 – mais à mettre en lumière la difficulté de l'équation budgétaire. Je rappelle que le programme de stabilité prévoit une réduction du déficit de 0,5 point de PIB par rapport à 2017. Cet objectif apparaît extrêmement ambitieux, d'autant que certaines mesures votées fin 2016 conduisent à la diminution de 0,3 point de PIB des prélèvements obligatoires.

Dès lors, pour tenir cet engagement, il serait nécessaire de parvenir à une croissance nulle des dépenses en volume, c'est-à-dire hors inflation ; cela marquerait une rupture nette avec le rythme constaté ces dernières années – soit 0,9 % en volume par an – et n'a pratiquement jamais été fait. Cette rupture serait d'ailleurs d'autant plus complexe à enclencher que plusieurs facteurs devraient pousser les dépenses à la hausse en 2018. Je pense notamment à la masse salariale, dynamique du fait des créations d'emplois prévues dans les secteurs prioritaires et de la montée en charge de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. Je pense également à la hausse des dépenses de défense et de sécurité, au coût croissant de plusieurs grands projets d'infrastructure, à l'atténuation des effets des réformes des retraites ou encore à la reprise attendue de l'investissement local.

Vous le comprenez, la Cour estime que la trajectoire de réduction du déficit fixée par la loi de finances et le programme de stabilité de 2017 est particulièrement difficile à respecter et suppose, si l'on veut y parvenir, des mesures correctrices vigoureuses.

Ce constat ne doit cependant nourrir ni fatalisme ni pessimisme, car les efforts qui permettraient de maîtriser durablement les finances publiques de la France ne sont pas hors de portée. C'est d'abord dans les méthodes employées pour concevoir, mettre en oeuvre et suivre les efforts de maîtrise des finances publiques que résident des marges de progrès considérables. C'est le cinquième message de la Cour.

Je rappelle tout d'abord que la dépense publique française s'élève en 2016 à 56,4 % du PIB, pour une moyenne de 47,7 % dans la zone euro. Si certains écarts s'expliquent en partie par des choix d'organisation autres – en matière de retraite par exemple – il est indéniable que la France dépense plus que ses partenaires dans certains secteurs tels que l'éducation, l'emploi ou le logement, sans pour autant obtenir, et loin s'en faut, des résultats supérieurs – c'est même, malheureusement, parfois le contraire.

Nos voisins ont réussi à mener des politiques de transformation qui leur permettent aujourd'hui de dépenser à la fois moins et mieux, en réunissant plusieurs conditions de succès dont la première est une volonté politique forte et constante, exprimant des objectifs clairs et assumés et soutenant des gestionnaires publics eux-mêmes responsabilisés, alors qu'aujourd'hui tout est fait pour les déresponsabiliser. Le principe de responsabilisation était au coeur de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 et je ne peux que regretter qu'il ait été pour ainsi dire dévitalisé.

La deuxième condition de succès, c'est l'inclusion dans l'effort de toutes les administrations publiques, y compris les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales.

La troisième condition, enfin, c'est la pleine intégration des projets de réforme dans le processus budgétaire, avec la fixation d'objectifs globaux d'économies et leur déclinaison par catégorie d'administrations publiques. Trop souvent, en effet, les ambitions de réforme ont été déconnectées de la procédure budgétaire.

Au-delà de ces préalables indispensables, la Cour recommande plusieurs évolutions de la gouvernance des finances publiques.

Le premier axe devrait être le renforcement de la cohérence et la portée des différents textes financiers. Le programme de stabilité pourrait être soumis au Parlement. Le périmètre des lois financières pourrait être revu pour mieux couvrir l'ensemble des dépenses des administrations publiques – loi de finances et, à terme, loi de financement de la sécurité sociale étendue à la protection sociale obligatoire, et loi de financement des collectivités territoriales. Les volets « recettes » des projets annuels de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pourraient très utilement faire l'objet d'une discussion conjointe au Parlement. Les normes et outils budgétaires existants pourraient être complétés par un objectif pluriannuel de dépenses lisible et compréhensible, couvrant toutes les administrations publiques. Il serait voté dans la loi de programmation et décliné dans les lois financières.

Le deuxième axe d'action devrait être la réactivation d'une instance du type de la conférence des finances publiques, pour permettre l'appropriation des objectifs par les parties prenantes – État, sécurité sociale, collectivités territoriales. Je me réjouis qu'une initiative ait été prise dans ce sens ; nous serons attentifs à son effectivité.

Enfin, et c'est un point sur lequel je veux mettre un accent particulier devant vous, la procédure budgétaire elle-même pourrait être rééquilibrée au profit de l'examen des résultats effectifs des politiques déployées, revenant ainsi à l'esprit de la LOLF.

Cela signifie que beaucoup moins de temps pourrait être consacré à l'examen du projet de loi de finances initiale, à l'automne, et beaucoup plus à la mesure des résultats lors de l'examen du projet de loi de règlement, au printemps ; la loi de règlement deviendrait ainsi une véritable « loi de résultat ». Corollaire de ce rééquilibrage, l'information fournie au Parlement, qui a été considérablement enrichie au cours des quinze dernières années, pourrait être exploitée davantage. Je pense évidemment aux documents budgétaires, mais aussi aux travaux d'évaluation des juridictions financières.

Si la gouvernance globale des finances publiques était ainsi rendue plus complète et plus efficace, c'est précisément pour donner un cadre de référence solide et stable aux gestionnaires publics pour maîtriser leurs dépenses et améliorer l'efficience de leur action. C'est le sixième et dernier message du rapport.

Des marges de manoeuvre importantes existent en effet, dont nombre sont énumérées dans le rapport. Je me limiterai à citer quelques-uns des principaux axes cités, et détaillerai certaines de ces pistes, si vous le souhaitez, lors de nos échanges ultérieurs.

Les trois premiers axes sont communs à l'ensemble des administrations publiques – État, collectivités territoriales et sécurité sociale ; les trois suivants concernent chacun des trois grands champs de dépenses.

La masse salariale des administrations publiques représentait 284 milliards d'euros en 2016. Des mesures récentes ont relancé sa progression sans que cette occasion ait été saisie pour moderniser la gestion des parcours des fonctionnaires. La Cour a identifié différents leviers, en matière d'effectifs, de temps de travail et de rémunérations, qui permettraient de ralentir, voire d'inverser, la progression de la masse salariale.

La maîtrise des autres dépenses de fonctionnement, qui représentaient 112 milliards d'euros en 2015, pourrait encore être renforcée par des mesures de simplification, par le développement de l'administration numérique et ses corollaires – l'adaptation des réseaux territoriaux et la restructuration de l'immobilier public – ou encore par une mutualisation accrue des achats.

Troisième élément transversal à toutes les administrations publiques : les dépenses de transferts sociaux, les dépenses fiscales – 85 milliards d'euros – et les investissements, dont les effets devraient être mieux évalués a priori et dont le ciblage pourrait être plus pertinent, par exemple dans des secteurs comme le logement ou l'emploi, où nous observons de nombreux effets d'aubaine.

Après avoir été supérieur à celui des dépenses de l'État au cours des années récentes, le rythme de progression des dépenses des collectivités locales s'est infléchi en 2015 et en 2016, sous le double effet de la plus forte contrainte exercée par l'État et d'un moment particulier du cycle électoral. Le poids de ces dépenses – qui ont été de quelque 225 milliards d'euros en 2016 – en fait un levier majeur de l'amélioration du solde public national.

La Cour ne peut donc qu'appeler à la poursuite des efforts de maîtrise des dépenses locales et à une clarification des missions respectives et de leur articulation. Pour y parvenir, la Cour souligne notamment le bien-fondé de la réduction des concours de l'État, selon des modalités qui, selon nous, devraient être revues ; des propositions ont été faite en ce sens.

Vous le savez, malgré des progrès récents, notre système de sécurité sociale demeure caractérisé par des déficits récurrents qui menacent sa pérennité et nous isolent parmi nos voisins européens. La France est pratiquement le seul pays au monde qui accepte le déficit durable de ses comptes sociaux ; or, les dépenses sociales sont des dépenses courantes. Est-il légitime et pertinent de les financer par l'emprunt et d'en faire supporter une partie du coût aux générations futures, qui auront elles-mêmes nombre de besoins propres à financer ?

Les déficits élevés de l'assurance maladie retardent le retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Dans ses rapports récents, la Cour a donc avancé plusieurs pistes de réformes en profondeur à engager ou à amplifier, parmi lesquelles figurent l'accélération de la recomposition de l'offre de soins, notamment à l'hôpital ; l'amélioration de la pertinence et de l'efficience des prises en charge et une meilleure maîtrise des dépenses à fort enjeu – par exemple, les soins infirmiers et de masso-kinésithérapie, les médicaments et les dispositifs médicaux, l'imagerie médicale, les analyses de biologie, les transports sanitaires ou encore les arrêts de travail. Ce sont autant de secteurs où des marges d'efficience sont possibles sans remettre en cause ni l'accès aux soins ni la qualité des soins.

J'évoquerai enfin les services publics prioritaires assurés par l'État, notamment l'éducation nationale et la sécurité. C'est bien entendu aux représentants du suffrage universel qu'il appartient de décider si et quand des augmentations de moyens sont nécessaires et donc légitimes. Le rapport présenté aujourd'hui souligne simplement qu'avant d'augmenter les budgets, il est crucial d'évaluer la pertinence des organisations et des missions existantes et d'analyser la capacité à répondre aux nouveaux besoins par des redéploiements internes. Sans cela, les moyens nouveaux pourraient n'avoir pour effet que d'arroser du sable.

Derrière tous ces leviers d'action, il devrait y avoir, à chaque fois, plus de contractualisation avec les gestionnaires, moins de régulation infra-annuelle, davantage de pluriannualité sûrement, des managers publics responsabilisés et intéressés aux résultats de leur action, et de ce fait capables de proposer des économies durables, et non à courte vue. C'est à ces conditions que l'action publique gagnera réellement en performance.

La presse fait parfois état de telle « proposition » de la Cour ou de telle autre. Tel n'est pas notre rôle : nous nous efforçons d'identifier des leviers d'action possibles pour vous, en les chiffrant, pour que vous soyez en situation de respecter les engagements que vous pouvez prendre par le biais des lois de finances et des lois de programmation que vous votez.

En conclusion, l'audit mené par la Cour indique qu'à politique inchangée, la trajectoire des finances publiques s'écarterait significativement de celle qui a été prévue par la loi de finances pour 2017 et par le programme de stabilité. L'atteinte des objectifs fixés pour 2017, 2018 et les années suivantes serait fortement compromise.

L'audit montre aussi que cette situation impose des efforts importants, qui sont à la portée des pouvoirs publics, sous trois conditions : un effort de pédagogie collective sur la dépense publique, l'établissement de textes financiers sincères et à la portée renforcée, enfin une beaucoup plus grande responsabilisation de tous les acteurs.

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