Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 8h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Merci, monsieur le Premier président, pour cet audit.

Tout d'abord, l'exercice est assez étonnant. Il s'agit d'une commande, en plein milieu d'année, avant même que l'on puisse faire le bilan de celle-ci, et d'une commande qui tombe bien. Je ne sais s'il y a insincérité, mais il y a en tout cas transmission de pensées entre vous-même et le Premier ministre : le bilan catastrophique qui nous est présenté a servi de base à sa déclaration de politique générale, et c'est le niveau des dépenses publiques que la logique des politiques de l'offre et des politiques d'austérité retient comme seul critère pour juger de la solidité économique d'un pays. Je remarque également que l'on retrouve quasiment toutes les mesures proposées hier par le Premier ministre dans les prescriptions que vous faites à la fin de votre document.

Je ne peux vous reprocher de respecter cette règle d'or des 3 % griffonnée dans les années quatre-vingt par M. Delors et quelques autres responsables de ce qui allait être l'Union européenne, mais je reproche à la France de devoir la suivre. Le problème est qu'elle laisse de côté d'autres critères, d'autres chiffres qui peuvent être intéressants pour juger de la santé économique d'un pays : le chômage, ou encore les dividendes, dont la France détient le record européen et dont on pourrait s'étonner qu'ils soient si peu taxés – ce n'est pas sans effet sur les recettes de l'État. Le déficit public étant le seul critère retenu pour nous permettre de savoir où en est la France, la lecture de vos tableaux donne l'impression que, finalement, seule l'Espagne fait moins bien – les Grecs et les Portugais seront ravis d'apprendre que la situation économique de leurs pays respectifs est préférable à celle du nôtre.

Je tiens pour ma part à rappeler que les dépenses publiques, toujours présentées de façon alarmiste, sont également des recettes du point de vue du PIB. La question est de savoir la place et le rôle que l'on veut donner aux politiques publiques et au secteur privé.

Parmi les mesures que vous préconisez, nous retrouvons le gel du point d'indice des fonctionnaires annoncé hier, mais depuis 2010, le gel est tel qu'il faudrait plutôt parler d'une régression de 7 points.

Vos prescriptions comportent aussi cette idée qu'il ne faudrait remplacer qu'un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux. Nous en avons vu les effets sur les personnels de sécurité et nous avons constaté, au moment des attentats terroristes, de quelle incurie pareille approche pouvait témoigner !

Vous proposez également que la sécurité sociale ne recoure pas à l'emprunt. Je pourrais, pour ma part, vous proposer de revenir sur les exonérations consenties depuis des années, qui ne font que dégrader les comptes de la sécurité sociale. Ainsi, je ne vois nulle proposition de mettre fin au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et aux baisses de cotisations, ces 20 milliards d'euros donnés sans contrepartie aux entreprises, ce qui pose problème du point de vue à la fois des recettes et des dépenses.

De même, rien n'appelle notre attention sur ces 80 milliards d'euros que représente chaque année l'évasion fiscale ; le montant n'est pourtant pas négligeable si l'on veut équilibrer les comptes ou respecter la règle des 3 % que vous mettez en avant.

Ce rapport d'audit parle d'insincérité. On louait tout à l'heure son objectivité. Or, en matière de politique économique, chacun sait qu'elle n'existe pas. De fait, c'est la politique de l'offre que vous nous proposez : c'est aussi la politique économique que le Gouvernement entend suivre les prochains mois et les prochaines années. Nous nous y opposerons !

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