Intervention de François Veillerette

Réunion du jeudi 12 juillet 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

François Veillerette, directeur et porte-parole de Générations futures :

La question qui se pose est celle de l'exposition réelle des organismes, ce que l'on appelle l'exposome – la somme de toutes les expositions à différents facteurs de risque dans une vie entière.

Contrairement aux législations – sur les pesticides, sur les biocides, sur les emballages alimentaires, sur les cosmétiques –, notre organisme fonctionne non pas en silos, mais de manière globale. Les perturbateurs endocriniens ne sont pas pris en compte de la même manière dans les pesticides et dans les biocides, puisqu'aujourd'hui des critères existent – et même s'ils ne sont pas bons, ce sont les mêmes. Ils ne sont cependant pas repris de façon horizontale dans toutes les législations. Et quand ils le seront, les conséquences ne seront pas les mêmes, puisque l'exclusion automatique n'est pas prévue – je pense notamment au règlement européen sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et la restriction des substances chimiques – Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals (REACH).

Il y a donc un problème d'harmonisation des législations. Plutôt que par secteurs industriels ou secteurs d'activité, l'entrée devrait se faire par la santé humaine, c'est-à-dire de façon horizontale, qui, elle, par définition, ne fait pas de politique.

Une cellule reçoit X substances par jour. Il y a quelques années, nous avons analysé des pesticides, des produits chimiques, des métaux lourds, des conservateurs dans les aliments. Nous avons trouvé une cinquantaine de ces produits, qui répondent tous à des législations différentes. La question est donc la suivante : comment arriver à définir des LMR individuelles pour chacun des pesticides ?

Pour nous, les LMR n'ont pas une grande valeur, car elles sont calculées à partir de la dose journalière admissible (DJA), qui est fixée produit par produit. Quid des effets « cocktail » ? Par ailleurs, cette DJA ne tient pas compte des effets des perturbateurs endocriniens, dont la toxicité n'est pas directe. L'exposition du foetus, ou d'un très jeune enfant, à un certain nombre de substances, va programmer les pathologies qui apparaîtront plus tard dans sa vie. Cela est donc très difficile à tester, surtout à partir de la définition de dose sûre.

D'où l'idée d'exclure une série de produits sur leur caractéristique de dangerosité, l'évaluation du risque étant extrêmement difficile à réaliser et très approximative. C'est ce qui a été fait pour l'eau. On a déterminé une concentration maximale admissible – un dixième de microgramme par litre – qui ne correspond pas à une valeur de toxicité, mais qui est fondée sur le principe de précaution. Le problème, c'est que la directive-cadre sur l'eau laisse par ailleurs la possibilité aux États membres de déroger à cette règle en leur accordant le droit de définir des niveaux de toxicité.

C'est ainsi que la France a accordé des dérogations, notamment pour les captages. Pour l'atrazine, par exemple, la concentration maximale tolérée est désormais de 60 microgrammes par litre d'eau – ce qui n'arrive jamais. Voilà des années que je dénonce cette anomalie, mais j'ai du mal à me faire comprendre. La même directive-cadre applique le principe de précaution tout en accordant aux États le droit d'y déroger.

Sachant par ailleurs qu'il a été démontré qu'à un dixième de microgramme par litre, les effets sur les grenouilles sont déjà énormes, elles rencontrent notamment des problèmes de développement sexuel – elles deviennent hermaphrodites.

L'INSERM dispose en outre de données épidémiologiques démontrant que les femmes qui ont consommé de l'atrazine en buvant l'eau du robinet – même à un dixième de microgramme par litre – ont plus de risques d'accoucher d'enfants qui connaîtront des retards dans leur développement.

Les données scientifiques récentes doivent donc être prises en compte. Et les pouvoirs publics doivent être le plus précautionneux possible et révolutionner complètement le calcul des LMR. En effet, elles sont calculées d'abord à partir des pratiques et ensuite on vérifie qu'on est dans les clous, ou pas, par rapport à la DJA. Nous avons les moyens de mettre en place un système beaucoup plus précautionneux et protecteur pour les consommateurs, notamment en excluant les produits dangereux.

Nous considérons que lorsqu'un produit est noté « cancérogène possible », c'est-à-dire pour lequel on détient des données sur l'animal, nous devrions déjà agir. Pourquoi faut-il attendre de posséder des données sur l'homme pour agir ? Les données sur l'homme, c'est de l'épidémiologie, c'est compter les cercueils.

Nous devons par ailleurs relancer la recherche et le développement pour trouver, pour un usage donné, des molécules ayant des profils beaucoup plus intéressants, plutôt que de garder des vieilles molécules sur le marché.

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