Intervention de Patrick Dehaumont

Réunion du mardi 10 juillet 2018 à 11h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation :

En matière de contaminants, le dispositif en place est très cadré au plan communautaire. Avant d'évoquer le flux en provenance des pays tiers, il convient de relever que des dispositifs de surveillance et de contrôle des contaminants sont mis en place dans les États membres pour ce qui relève des productions nationales.

Ces plans de contrôle et de surveillance permettent de rechercher des contaminants divers et variés et d'intervenir systématiquement en cas de dépassement de valeurs susceptibles de mettre en cause la santé. Ils prennent concrètement la forme d'enquêtes et d'investigations pour comprendre ce qu'il s'est passé. Il convient également de savoir que les plans de surveillance et de contrôle nationaux comportent un volet sur les denrées animales et un volet sur les denrées végétales. Le volet sur les denrées animales est bien plus important que celui sur les denrées végétales en raison de l'histoire communautaire.

Sans compter les inspections réalisées au quotidien pour ce qui concerne nos productions, nous réalisons au titre du plan de surveillance et du plan de contrôle environ 60 000 prélèvements annuels dans le domaine de la production animale, soit la recherche d'environ 800 000 contaminants, sachant que tout prélèvement fait souvent l'objet d'une recherche de plusieurs contaminants.

Dans la mesure où nous opérons ainsi tous les ans depuis la fin des années 1990, nous accumulons des données sur une longue période. Dans le domaine animal, les résultats affichent un niveau de conformité très élevé ; dans le domaine végétal, les prélèvements sont bien plus bas et le niveau de conformité moins élevé. Nous pourrons vous fournir les données chiffrées.

Pour ce qui concerne les pays tiers, des limites définies à l'échelon communautaire doivent également être respectées. Vous avez cité le cas des anabolisants. Les pays qui en utilisent doivent, pour exporter en France, avoir instauré des filières dédiées. C'est ainsi que des filières dédiées font l'objet d'inspections dans un cadre communautaire par l'organisme d'inspection de la Commission afin de s'assurer que la filière est en place. Au surplus, des contrôles à l'entrée sont effectués qui, jusqu'à présent, ne nous ont pas permis de mettre en évidence des fraudes. J'ai tendance à penser que la règle est plutôt respectée. Nous parlions là du cas particulier d'un produit interdit. Mais pour l'ensemble des autres contaminants, un certain nombre de seuils sont définis. Tous les lots sont dédouanés mais les contrôles analytiques sont réalisés par sondages et lorsque des anomalies sont trouvées, en fonction du niveau d'anomalies, il peut y avoir saisie et retrait des produits. Des plans de contrôle renforcés sont mis en place vis-à-vis de tels pays pour tel type de production en cas d'anomalie identifiée.

Si le dédouanement est systématique, le contrôle analytique ne l'est pas. Cela dit, un dispositif permet d'opérer des vérifications régulières. Il ne concerne pas uniquement la France puisque le point d'entrée dans l'Union européenne peut être un autre pays de l'Union européenne.

À Bruxelles, la Commission évoque régulièrement avec les autres États membres ce dispositif harmonisé, pour s'assurer du respect des normes sanitaires européennes. Nous ne rencontrons pas de difficultés particulières sur un plan technique, d'autant qu'en cas d'anomalies, nous disposons des moyens de procéder à un contrôle renforcé, de bloquer ou de prendre éventuellement une clause de sauvegarde contre un Etat membre. La pratique n'est pas courante, mais l'Europe peut prendre une clause de sauvegarde à l'encontre d'un produit en provenance de tel ou tel pays. En outre, si un pays veut procéder ainsi, il peut en faire la demande à la Commission européenne et aux États membres. Si jamais la Commission européenne ne donnait pas suite, l'État membre a la possibilité de prendre une clause de sauvegarde. Par exemple, il y a trois ans, la France a interdit l'usage du diméthoate sur les cerises fraîches ; un sujet qui fait encore couler beaucoup d'encre. L'interdiction du diméthoate est liée à un risque sanitaire avéré pour les jeunes enfants ; sa nocivité a été identifiée par une étude sur le modèle de consommation alimentaire, réalisée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement (ANSES).

C'est intéressant en termes de politique de l'alimentation, car le modèle alimentaire français a révélé que les enfants consommant une certaine quantité de cerises absorbaient des doses de diméthoate les exposant à un risque aigu et donc à une intoxication immédiate. Le diméthoate est, en effet, un organophosphoré assez toxique. La France l'a interdit et demandé une clause de sauvegarde qui lui a été refusée par la Commission. Le Gouvernement l'a donc prise au niveau national, et son successeur l'a renouvelé pour cette année. La France dispose donc de l'outil approprié pour protéger ses populations si elle identifie un risque sanitaire particulier, qui peut aller jusqu'à cette clause de sauvegarde interdisant l'utilisation d'un produit sur son territoire. La France a d'ailleurs convaincu un certain nombre des autres États membres et la plupart des pays européens ont cessé d'utiliser le diméthoate. Les outils existent donc mais la pression de contrôle n'est pas exhaustive, on n'est jamais à l'abri d'identifier des anomalies, qu'elles portent sur des productions de pays tiers ou des productions françaises.

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