Intervention de Valérie Depadt

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 8h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Valérie Depadt, maître de conférences à l'université Paris :

À mon avis, l'ensemble des autres questions qui se posent en matière d'AMP relèvent toutes d'une même question fondamentale, à savoir la suppression de la condition du caractère pathologique de l'infertilité médicalement constatée. Cette suppression remettrait en cause certaines des conditions d'accès à l'AMP, celle de former un couple hétérosexuel, mais d'autres aussi. Je pense notamment à l'âge et à la fameuse condition de l'article L. 2141-2. Le dépassement de la condition d'infertilité médicalement constatée se pose en matière d'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Il se pose en matière d'ouverture de l'AMP aux célibataires, cas qui, à mon sens, doit être traité de façon tout à fait distincte de celui des couples de femmes. Il se pose en matière d'autoconservation de leurs ovocytes par l'ensemble des femmes jeunes qui le souhaitent.

L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes est, pour moi, à peine un débat, notamment depuis les deux avis rendus en septembre 2014 par la Cour de cassation, mais aussi depuis les annonces de notre Président et, si l'on s'intéresse à ce qui se passe dans la société, depuis le « mariage pour tous ». C'est presque un non-débat ; il me paraît toutefois utile de préciser que l'on ne peut étendre la portée d'un encadrement législatif incomplet – incomplet en ce qu'il ignore la situation de l'enfant qui subit l'anonymat. Il faut régler cette question de l'accès aux origines concomitamment à l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes.

Pour ce qui est de l'établissement de la filiation pour les couples de femmes, pour l'instant, la solution serait l'adoption. Je n'ignore pas que cette solution est très contestée, mais elle s'explique parce qu'en l'absence de lien charnel, un acte de volonté autre que celui du mariage et affirmant la volonté d'être parents me semble nécessaire, d'autant que l'ouverture de l'AMP ne saurait être limitée aux femmes mariées, car ce serait créer pour des personnes de même sexe une discrimination qui n'existe plus pour les couples composés de personnes de sexes différents. Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas, et il ne me semble pas gênant que les modes d'établissement de la filiation soient différents d'autres modes ou du mode classique : une fois établie, la filiation produit des effets identiques. De toute façon, selon que le couple hétérosexuel est marié ou non, selon que la filiation est dite charnelle ou adoptive, elle ne s'établit pas de la même façon. L'important est qu'une fois établie, elle confère des droits et des devoirs identiques. En la matière, il faut un acte de volonté.

En ce qui concerne l'autoconservation, cette pratique ne semble obérer aucun des principes du droit de la biomédecine, encore moins l'une de nos valeurs. De plus, elle permettrait probablement d'éviter dans certains cas le recours au don d'ovocytes, avec toutes les questions inhérentes et les difficultés que l'on connaît, notamment les difficultés psychologiques pour la femme. Il faut toutefois rester très vigilant sur l'information. Les femmes doivent bien comprendre que c'est une chance supplémentaire d'avoir un enfant à un âge où elles auront dépassé le temps de la pleine fertilité, mais que ce n'est certainement pas une garantie.

Je suis prête à répondre à vos questions. J'avais préparé d'autres points, mais nous en reparlerons par la suite, si vous le souhaitez.

J'ajouterai simplement un dernier mot en conclusion de cette présentation : il faut couper court à l'opposition, devenue classique, entre droits de l'enfant et droit à l'enfant. Le « droit à l'enfant » est une expression qui ne signifie rien ! Personne n'exige de l'État qu'il lui assure un enfant. Ces personnes demandent de pouvoir bénéficier des techniques dont l'accès aujourd'hui ne leur est pas autorisé et qui leur permettraient, peut-être, d'avoir un enfant. Ce « droit à l'enfant » est devenu le nouvel anathème. C'est un anathème qui fait du mal dans le grand public et dans les médias. Il n'existe pas de droit à l'enfant, il n'existe pas de droit à une personne. Nous n'avons droit qu'à des choses. On ne peut donc opposer ces notions, tout simplement parce que le droit à l'enfant n'existe pas.

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