Intervention de Laurence Marion

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 11h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Laurence Marion, rapporteure générale :

Quelques mots rapides pour compléter ce qu'a dit notre présidente. Il faut mesurer qu'en permettant d'établir un lien de filiation exempté à des mères qui auraient recours à la procréation médicalement assistée, c'est la première fois qu'en droit, on s'affranchirait de la vraisemblance et de la réalité du lien biologique. Ce serait une avancée conceptuelle tout à fait majeure et un bouleversement dans ce qu'est l'économie générale du droit de la filiation qui vient de vous être rapportée.

Dès lors, comment l'insérer dans le code civil ? L'idée, comme cela vous a été dit, était de se fonder sur ce projet parental qui justifie l'ouverture éventuelle de la procréation médicalement assistée. Dès lors que l'on s'appuie sur ce projet parental pour reconnaître l'accès à l'AMP, pourquoi vouloir le diluer en niant qu'il puisse lui-même constituer le fondement du lien de filiation et en le réinsérant dans le titre VII. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de donner toute sa portée à cette notion de projet parental en lui faisant créer des effets juridiques propres qui permettent d'asseoir une filiation sur ce projet.

Du point de vue strictement procédural, l'effet est le même que vous insériez ou calquiez le titre VII en l'accommodant pour les couples homosexuels ou que vous optiez pour la proposition que nous formulons d'une déclaration anticipée. Dans les deux cas, il faut aller devant un notaire, soit pour recueillir le consentement dans le cadre du titre VII – ce qui est le cas pour les couples hétérosexuels qui ont recours à l'assistance médicale à la procréation –, soit devant ce notaire ou ce juge – en termes d'amélioration, nous proposons plutôt de passer devant le notaire – pour faire cette reconnaissance anticipée, avant la naissance, ce qui permet aux couples de faire produire ses effets dès la naissance de l'enfant en termes de filiation. Donc, pour les couples, il est assez équidistant de s'inscrire dans le titre VII ou dans la démarche de déclaration commune anticipée.

Vous avez évoqué la question de la mention marginale sur l'acte de naissance. Il est important d'indiquer que cette mention figurait uniquement sur l'acte intégral de naissance, qui n'est pas accessible aux tiers. Cela resterait donc dans le cercle extrêmement privé, puisque seuls l'enfant et les parents peuvent avoir accès à cette copie intégrale de l'acte de naissance.

La pure logique théorique serait de fonder sur ce mécanisme de déclaration commune anticipée tous les couples ayant recours à un tiers donneur, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Ce serait cohérent et permettrait de ménager une homogénéité entre le titre VII fondé sur la vraisemblance de la filiation et de cette nouvelle logique de prise en compte du projet parental. Ce sont les scénarios qu'Irène Théry met en avant et développe. Nous évoquons cette option dans le rapport. Il nous a toutefois semblé qu'en contraignant les couples hétérosexuels qui ont recours actuellement à l'AMP et qui conservent aujourd'hui la faculté de maintenir le secret – ce n'est peut-être pas souhaitable ni à encourager – mais ce serait porter une atteinte excessive à leur vie privée et à leur possibilité de ne pas révéler à leur enfant les conditions dans lesquelles il a été a été conçu. La question se pose en des termes différents pour un couple homosexuel où il est évident qu'une aide extérieure, de quelque nature qu'elle soit, a permis la naissance de cet enfant. Ce sont véritablement des préoccupations liées au maintien de la possibilité pour un couple hétérosexuel de taire le recours à l'AMP qui ont justifié que nous maintenions dans le titre VII les couples hétérosexuels ayant recours à l'AMP, et que soit réservée aux couples homosexuels, dans le scénario qui a notre préférence, la déclaration commune, sachant que cela n'a pas d'impact en termes de procédure et que, par ailleurs, la question de la mention marginale n'est pas accessible aux tiers et ne concerne que le cercle familial extrêmement restreint.

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