Intervention de Martine de Boisdeffre

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 11h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État :

Pour répondre à M. Eliaou sur l'AMP post mortem, en l'espèce, nous le disons aussi, rien n'oblige à l'autoriser ou n'empêche de le faire.

Tout d'abord, les objections faites à l'AMP post mortem reposent sur le fait que la femme est seule. Il va de soi que si l'AMP était étendue aux femmes seules, cette objection tomberait.

Ensuite, dans le cadre de l'AMP post mortem telle que nous la décrivons dans ce scénario possible, il doit y avoir un projet parental : ce projet parental doit être exprimé, c'est-à-dire que soit le père s'est engagé – il y a une entrée dans l'AMP et, donc, quelque chose qui existe, qui garantit le projet parental – soit, parfois, il y a d'ores et déjà un embryon. On sait donc qu'il y a une réalité du projet parental. Qui plus est, il y a la double lignée, à la fois maternelle et paternelle.

Reste une dernière objection, qui est de dire que cet enfant serait un enfant du deuil, ce qui est très mauvais pour l'intérêt de l'enfant. Nous essayons d'y répondre dans le cadre du scénario que nous déroulons si le législateur voulait modifier l'état de la loi et du droit. Nous proposons de prévoir un délai. Cela n'a rien de révolutionnaire, le législateur l'avait d'ores et déjà envisagé, mais nous prévoyons un délai de six mois avant lequel il ne serait pas possible de se lancer dans le processus, et ce afin que la femme puisse décider en toute connaissance de cause, en s'étant, si j'ose dire – le terme est difficile, mais je vais l'utiliser quand même –, un peu « accommodée » au deuil, mais également qu'elle puisse décider en toute liberté par rapport à des pressions pouvant s'exercer de la part de la famille de son conjoint ou de son compagnon. Le délai retenu ne serait donc pas inférieur à six mois ni supérieur à dix-huit mois, et nous a paru également tout à fait pertinent pour ne pas avoir un enfant dont le lien avec son père serait trop distendu dans le temps.

Nous n'avons pas distingué le contexte pathologique ou pas. Il est clair que, bien souvent, la conservation des gamètes – je pense que vous pensiez à cela, monsieur le député – est faite dans un contexte pathologique. Mais nous pourrions aussi envisager que ce ne soit pas une pathologie très grave et qu'un projet parental soit décidé dans d'autres situations. Nous souhaitons donc garantir toujours cette notion de projet parental et nous pensons que nombre d'objections qui entourent ce type d'assistance médicale à la procréation tomberaient si l'on autorisait l'assistance médicale à la procréation pour les femmes seules.

Mme Romeiro Dias a posé la question de la GPA « éthique ». Je pense que Mme la conseillère d'État Laurence Marion a commencé à donner des réponses. La GPA éthique ou altruiste serait celle qui n'implique pas d'argent car, évidemment, ces principes législatifs, comme la non-patrimonialisation du corps, font que, s'il y a argent, on loue le corps et que, d'une certaine façon, on achète l'enfant. Cela heurte frontalement ce qui existe aujourd'hui. Donc, s'il n'y a pas d'argent, ne pourrait-on pas parler de GPA éthique ? Par rapport à cela, nous avons deux interrogations.

La première, j'y reviens un instant car c'est la plus importante, est l'interrogation juridique, dans la mesure où, même gratuitement, il s'agit de mettre son corps à disposition et de porter un enfant pendant neuf mois avec, je le répète, tous les risques que cela comporte, car il y a toujours des risques liés à la grossesse et à l'accouchement, et ce pour renoncer à son état de mère et remettre un enfant. Il nous semble qu'en toute hypothèse, les arguments et les obstacles juridiques sont si forts qu'ils empêchent ce caractère éthique.

La seconde est que, pour les enfants issus de la GPA, nous considérons que le système actuel, né des arrêts de la Cour de cassation, n'est pas mauvais : s'il y a un père, ou si le père d'intention est également le père biologique et que des actes le disent, il est le père ; donc, l'autre conjoint, la mère d'intention, recourt à l'adoption. Ce système n'est pas mauvais parce que nous sommes dans le contexte d'un interdit en France, interdit qui a été contourné ailleurs. Il faut donc assurer et défendre l'intérêt de l'enfant. Cette solution nous paraît le faire.

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