Intervention de Martine de Boisdeffre

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 11h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État :

Monsieur Hetzel, en ce qui concerne l'embryon, nous avons aujourd'hui deux régimes différents.

Le premier concerne les recherches sur l'embryon surnuméraire donné à la recherche. Initialement, ces recherches étaient interdites. Elles ont, en 2004, fait l'objet d'un régime d'interdiction avec dérogation. Désormais, elles sont autorisées sous conditions, c'est la loi de 2013 revue par la loi de 2016. Nous avons le sentiment que tel que prévu, c'est-à-dire avec une autorisation sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine, cela est juste et suffisant. Ce régime est en cours depuis 2016, soit deux ans. Si je reprends mon analyse sur les aspects de l'évaluation, deux ans, c'est très peu ; nous n'avons pas de recul. Il faut donc, pensons-nous, laisser ce régime fonctionner.

Le second régime de recherche porte sur l'embryon destiné à être implanté chez la femme. Malgré des évolutions législatives multiples, en réalité, cette recherche est, peu ou prou, possible depuis 1994. Elle se fait sous le contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), car il s'agit là d'une recherche sur un embryon qui existe et qui n'est pas voué à la recherche, mais voué à être réimplanté. Le contrôle est exercé par l'ANSM, avec avis de l'Agence de la biomédecine. Nous considérons également que ce qui existe est adapté. Nous invitons donc à ne pas y toucher.

Nous posons cependant deux questions, vous avez dû le voir, monsieur le député. L'une porte sur la durée de culture in vitro, qui correspond au moment durant lequel on peut faire la recherche. Nous pensons qu'il serait sans doute souhaitable que cette durée soit inscrite dans la loi. Nous ne prenons pas parti sur la durée. Nous nous en garderions bien, nous avons considéré que nous n'avions pas la compétence pour ce faire. J'indique simplement que la durée est, parfois, de sept jours – c'est plutôt le cas en France –, de quatorze jours dans d'autres pays, notamment au Royaume-Uni, et évoluerait même récemment, nous a-t-on dit, au-delà des quatorze jours dans certains pays.

Pourquoi pensons-nous que ce délai doit être inscrit dans la loi ? Si cela n'est pas dans la loi et qu'une décision de l'Agence de la biomédecine de ne pas autoriser une recherche au-delà d'un certain délai – je reste volontairement générale – est contestée, cela ira devant le juge. C'est ce dernier qui va devoir confirmer, trancher. Nous sommes, par ailleurs, des juges, mais nous considérons qu'il serait préférable que ce soit le législateur qui intervienne, sans méconnaître la difficulté de la question. Si je peux me permettre, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, si vous décidez de ne pas le faire, vous saurez que c'est sans doute au juge qu'il reviendra de décider, un juge qui sera le juge administratif puisque les décisions de l'Agence de la biomédecine, installée à Montreuil, sont contestées devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, et enfin devant le Conseil d'État en cassation. Dans tous les cas, il faut au moins que les rôles de chacun soient très clairement définis.

Le second élément, et je m'avance avec beaucoup de prudence car il s'agit d'un aspect très délicat, est de savoir s'il convient d'aborder le sujet des embryons surnuméraires donnés à la recherche qui, nous a-t-on dit, sont extrêmement nombreux, bien plus nombreux que les besoins de la recherche ne le demandent. Que fait-on face à cela ? Nous posons la question de savoir – j'avance avec une extrême prudence, et il vous reviendra de le faire ou non – si, comme cela existe lorsque le don est fait dans le cadre d'un projet parental pour autrui, au bout d'un certain temps, il ne faudrait pas prévoir la possibilité de se demander si l'on continue de les conserver. Nous ne faisons que poser la question, d'une façon que j'espère précise et empreinte de toute la délicatesse que ce sujet requiert.

Pour revenir sur le lien que vous avez soulevé, madame, entre certaines formes d'extension de l'AMP et l'AMP post mortem, je n'ai pas dû être claire. Pour moi, ce n'est pas du tout l'extension de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes qui entraîne cela : c'est son extension aux femmes seules. Nous évoquons le sujet quand nous déroulons les scénarios ; nous évoquons la question des bénéficiaires parce qu'on peut dire : « les couples de femmes, oui », « les femmes seules, oui », mais on peut aussi dire « oui » pour les premières et « non » pour les secondes, et vice-versa. C'est uniquement le cas de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux femmes seules qui ferait tomber l'objection, qui est l'une de celles qui ont guidé le législateur par rapport à l'AMP post mortem, qui est que la femme est seule à ce moment-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Laurence Marion va prendre le relais pour la suite et je reviendrai compléter, si nécessaire.

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