Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire :

Le régime des rotations de sécurité, instauré en 2003 après l'évasion de M. Antonio Ferrara de la prison de Fresnes, consistait à imposer à certains détenus présentant un risque particulier d'évasion des rotations, intervenant tous les deux, trois ou quatre mois, entre établissements pénitentiaires – au sein d'une direction interrégionale ou entre plusieurs directions –, sans autre motif que la considération de ce risque particulier d'évasion. Ce régime a été annulé au contentieux par le Conseil d'État, avant que la Cour européenne des droits de l'homme ne rende en 2007 et en 2013 deux arrêts allant dans le même sens.

Le juge administratif français comme le juge européen estiment tous deux qu'on ne peut créer un régime de détention imposant des rotations de sécurité sans considérer la situation personnelle du détenu. En d'autres termes, on ne peut prendre la décision de transférer un détenu tous les trois mois uniquement parce qu'il a été classé dans un registre ou un fichier : la motivation de chaque décision de transfert doit faire apparaître un équilibre entre les impératifs de sécurité – qui peuvent justifier des transferts réguliers pour certains détenus – et la garantie des droits fondamentaux.

Si un détenu est régulièrement transféré, cela va avoir pour conséquence de l'empêcher de s'engager dans un processus de formation ; s'il avait un travail dans l'établissement qu'on lui fait quitter, il va perdre ce travail, et il lui faudra plusieurs mois avant d'en retrouver un autre dans l'établissement où il est transféré – or, il faut généralement rester six mois sur une liste d'attente avant de se voir attribuer un travail ; si vous transférez un détenu du centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne, à la maison centrale d'Arles, à 800 kilomètres de distance, sa famille ne pourra pas continuer à lui rendre visite. Les juges soulignent que la décision de transfert porte substantiellement atteinte aux droits fondamentaux des détenus, ce qui justifie que l'on ne puisse faire l'économie de la motivation de chaque décision de transfert.

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