Intervention de Didier Migaud

Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Le Haut Conseil ne peut avoir réponse à toutes vos questions, dès lors qu'il est saisi sur l'ensemble des hypothèses macroéconomiques et sur le scénario de finances publiques, certes, mais sans connaître le détail du PLF pour 2019. Il ne lui est d'ailleurs pas demandé de vérifier la sincérité des inscriptions budgétaires. La Cour des comptes pourra faire ce travail a posteriori.

S'agissant des tensions que nous avons pu identifier dans le budget de l'État, la Cour des comptes a eu l'occasion de dire un certain nombre de choses, mais nous ne disposons pas d'informations détaillées au regard de notre mandat. C'est pourquoi nous avons dit que la trajectoire était tout à fait tenable pour peu que l'exécution corresponde totalement à ce qui est prévu par le Gouvernement. Les tensions que nous avons pu identifier par le passé au sein de certaines missions ne semblant pas vouées à être résolues dans le projet de budget, l'exécutif devra assurer un suivi vigilant de l'exécution des dépenses. Comme le Gouvernement annonce l'adaptation de certains dispositifs, nous disons qu'il est possible de résorber ces tensions grâce aux mises en réserve à hauteur de 3 %, sous réserve d'une exécution stricte de la dépense. Nous ne sommes pas en mesure, en l'état actuel, d'en dire plus et ce n'est pas non plus la mission du Haut Conseil.

S'agissant de la contractualisation, le Haut Conseil n'avait pas fait d'observations particulières. La Cour des comptes avait pointé le « pari » que pouvait représenter ce nouveau dispositif. Il semble que ce pari soit tenu en 2018, à tout le moins en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement. Quant aux dépenses d'investissement, nous manquons encore de recul pour apprécier si les chiffres présentés par le Gouvernement se confirmeront ou pas. Il peut y avoir une augmentation plus forte que prévu de l'investissement des collectivités territoriales en 2018. Qu'en sera-t-il en 2019, compte tenu de la place de cette année-là dans le cycle électoral ? C'est une question que nous soulevons, estimant que l'augmentation prévue en 2018 n'est pas à la hauteur de celle que nous pourrons connaître en 2019.

Il y a une hiérarchie dans les qualificatifs que nous utilisons : « réaliste » est plus fort que « plausible ». Bien évidemment, le qualificatif que nous retenons peut tenir compte des incertitudes. Cependant, il est extrêmement difficile de construire un indicateur de ce type. C'est aussi oublier que l'économie comporte une part d'irrationnel – vous avez évoqué vous-même les comportements des consommateurs. Tout n'est pas toujours mesurable ex ante mais on peut au moins essayer d'expliquer les choses. Nous avons d'ailleurs une explication qui n'est pas encore complètement satisfaisante : la France a connu une croissance un peu moins forte que les autres pays. Peut-être l'INSEE nous apportera-t-il d'autres explications mais pour le moment, nous nous en tenons à cette idée de décalage.

Quant aux risques, ils sont plus importants que l'an dernier. Comment la question des relations entre l'Italie, d'une part, et la Commission européenne et l'ensemble de l'Europe, d'autre part, va-t-elle être résolue ? Comment la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine se traduira-t-elle concrètement ? Quelles en seront les conséquences pour les pays émergents et pour les États-Unis eux-mêmes ? Aujourd'hui, personne ne le mesure véritablement. Nous disons seulement que ces risques sont plus forts aujourd'hui qu'ils ne l'étaient l'année dernière. La politique américaine, plus restrictive que prévu, peut aussi avoir un impact sur la zone euro et la France, via des canaux tels que les taux d'intérêt ou une demande globale plus faible. Personne ne peut encore apprécier les conséquences réelles de cette guerre commerciale et des décisions qui sont prises par le président des États-Unis.

L'objectif à moyen terme de déficit structurel est-il crédible ou pas ? Nous constatons que le programme de stabilité 2018-2022 annonce 0,8 % de déficit structurel en 2022, l'objectif de 0,4 % ayant été reporté à 2023. Cela nécessite une réduction de ce déficit de 0,4 point de PIB par an entre 2020 et 2022. Cela ayant été fait dans le passé, c'est faisable sous réserve que les réformes annoncées par le Gouvernement se concrétisent.

Nous n'avons pas examiné les conséquences de tous les plans qui ont été annoncés récemment. D'une part, parce que cela ne fait pas partie des missions du Haut Conseil et, d'autre part, parce que nous n'avons pas le recul nécessaire. La Cour des comptes suivra bien évidemment cela avec la plus grande attention et vérifiera si l'exécution correspond à ce qui est annoncé. Pour le moment, il est beaucoup trop tôt pour porter une appréciation sur les plans « pauvreté » et « santé » même si plusieurs des objectifs annoncés peuvent correspondre aux recommandations qui ont pu être faites. Encore faut-il qu'on puisse apprécier comment ces objectifs se concrétiseront.

Le Haut Conseil n'a pas pu instruire la question de l'impact du CICE sur la croissance. Quelques travaux ont été conduits à ce sujet, notamment par France Stratégie. Il est prévu par le Gouvernement que la croissance potentielle, compte tenu des réformes structurelles annoncées, augmente quelque peu d'ici à la fin de la période.

Une fois de plus, nous ne nous prononçons pas sur la sincérité du budget mais sur le caractère réaliste, crédible et plausible des propositions qui nous sont présentées. Quand elles ne nous paraissent pas réalistes, nous le disons. Quand elles nous paraissent plutôt réalistes, compte tenu de la conjoncture et de son évolution, nous le disons aussi.

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