Intervention de Susan Golombok

Réunion du jeudi 20 septembre 2018 à 9h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Susan Golombok, professeure et directrice du centre de recherches familiales de l'Université de Cambridge :

(Interprétation). Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. C'est un honneur pour moi d'être ici. Je suis désolée de pas pouvoir m'exprimer dans un français suffisamment correct. Je suis effectivement directrice du centre de recherches familiales de l'université de Cambridge ; ce centre a déjà cinquante-deux ans. Nous nous y attachons aux changements qui interviennent dans les familles, et plus particulièrement aux effets qu'ils peuvent avoir sur les enfants.

Nous nous sommes attachés essentiellement aux familles traditionnelles biparentales qui ont eu affaire à l'assistance médicale à la procréation. Nous avons regardé ce qu'il en était de la fécondation in vitro, du don de sperme et du don d'ovocytes, mais aussi du travail réalisé avec embryons et de la GPA, qui est légale chez nous tant qu'elle n'est pas effectuée à des fins commerciales.

Nous nous sommes également intéressés aux familles qui ont eu recours à l'assistance médicale à procréation pour des raisons d'ordre social et non pas médical, notamment les mères lesbiennes, les pères gays et, plus particulièrement, les mères isolées par choix. Je crois que c'est là-dessus que je vais m'attarder un peu, parce que j'ai cru comprendre que c'est ce qui vous intéresse ici.

Les questions que nous nous posons dans nos recherches portent essentiellement sur les conséquences de ces nouvelles formes de familles sur l'éducation des enfants et notamment sur leur adaptation psychologique.

Je voudrais d'abord évoquer les mères lesbiennes. Ma toute première étude remonte à il y a une quarantaine d'années. Aujourd'hui, un corpus de recherches assez conséquent est disponible. Les arguments contre ce type de famille étaient de trois ordres : tout d'abord, on soutenait que les mères lesbiennes seraient moins maternelles dans leur façon d'élever leurs enfants ; ensuite, on prédisait que ces enfants auraient des problèmes psychologiques, du fait de l'attitude de la société et de leurs pairs ; on avançait enfin que les enfants de ces familles auraient probablement un développement un peu atypique au niveau du genre, à savoir que les garçons seraient peut-être moins masculins dans leur comportement, et les filles moins féminines.

Au cours de nos recherches, nous avons mené des études en collaboration avec les États-Unis et avec d'autres pays d'Europe. Aujourd'hui, il apparaît très clairement que les enfants qui grandissent dans un foyer de couples de lesbiennes ne sont pas différents de ceux qui grandissent dans une famille dite traditionnelle. Leur bien-être psychologique est tout à fait comparable, ainsi que leur développement en matière de genre. Il n'y a pas de différence qui tende à montrer que ce dernier soit affecté par le comportement des parents.

Plus récemment, nous nous sommes intéressés également aux familles homoparentales de pères gays. Souvent, les gens pensent que les enfants qui grandissent dans ces familles et sont éduqués par deux hommes s'en sortent moins bien. Une certaine stigmatisation s'attache également à ce genre de famille.

Nous avons étudié les couples gays qui ont adopté des enfants au Royaume-Uni. Dans un deuxième temps, avec des collègues des États-Unis, nous avons étudié les couples gays qui ont bénéficié de la GPA. Nous avons pu constater que, généralement, les enfants de ces familles s'en sortent très bien et ont de très bons rapports avec leurs pères. Cela va un peu à l'encontre de cette idée selon laquelle deux pères seraient moins bons parents qu'une une mère et un père, ou que deux mères.

Un problème que l'on peut tout de même noter est celui de la stigmatisation des enfants qui vivent dans une famille homoparentale. Cela se retrouve heureusement de moins en moins : les attitudes changent et c'est devenu quelque chose qui est plus facilement accepté. J'ajoute d'ailleurs que ce problème se situe non pas au niveau de la famille, mais plutôt de la réaction du monde extérieur.

Permettez-moi de me tourner maintenant vers la question des mères isolées par choix : il s'agit pour l'essentiel de femmes hétérosexuelles, qui se tournent vers l'insémination par donneur. L'on sait que les enfants de ces mères isolées s'en sortent généralement un peu moins bien que les enfants issus d'une famille où il y a deux parents. Mais ces problèmes sont moins directement liés au fait que la mère est isolée, qu'à des facteurs de nature un peu différente, tels que les problèmes financiers, éventuellement les désaccords qu'il a pu y avoir entre la femme et son ancien compagnon, ou son ancien mari, ou encore les problèmes de dépression maternelle.

Mais, en fait, ces facteurs de risque ne valent que dans très peu de cas, puisque ces femmes sont essentiellement des cadres qui approchent de la quarantaine et qui veulent un enfant simplement parce qu'elles estiment qu'elles n'ont plus beaucoup de temps devant elle. Généralement, ce sont des femmes qui ont une position sociale tout à fait bonne. Les facteurs de risque que j'ai énumérés ne s'observent donc pas si souvent que cela.

Il y a beaucoup moins de recherches sur les enfants de mères isolées par choix, beaucoup moins que sur les enfants de couples de lesbiennes. Mais nous avons mené quelques études à Cambridge ; d'après ce que nous avons pu voir, les relations au sein de ces familles monoparentales étaient plutôt bonnes et les enfants se portaient plutôt bien.

Pour conclure, je dirais que notre recherche a pu démontrer que ce qui est important, c'est la qualité des relations à l'intérieur des familles, beaucoup plus que la structure de ces familles ou le nombre de parents que peut avoir un enfant. Le sexe, l'orientation sexuelle des parents, tout cela compte moins que les relations au sein de la famille. Il faut en effet bien se souvenir qu'il s'agit d'enfants qui ont été vraiment désirés ; ils ne sont pas arrivés là par accident et leurs parents sont très aimants et extrêmement proches d'eux. Les couples gays concernés notamment sont des couples en général extrêmement stables : il n'est pas rare que ces personnes aient vécu ensemble pendant une vingtaine d'années avant d'avoir un enfant. Ces couples répondent donc clairement aux critères qui nous paraissent les plus importants, à savoir la stabilité, la sécurité, la chaleur et la qualité de communication.

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