Intervention de Philippe Mahoux

Réunion du jeudi 20 septembre 2018 à 9h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Philippe Mahoux, sénateur belge honoraire :

Je vais réagir avec prudence… L'échange de vues que vous proposez peut être tout à fait intéressant, moins pour ce qui concerne les décisions qui sont prises que pour les démarches qui y ont abouti et la manière dont on procède de part et d'autre de la frontière.

J'aimerais commencer par dire, puisque Simone Veil vient d'entrer au Panthéon, que la Belgique a pris des leçons de la France sur l'IVG. Le combat qu'a mené Simone Veil a impressionné le monde entier, et personne en Belgique n'a oublié les violences scandaleuses dont elle a été la cible. D'ailleurs, l'intervention de M. Mellado me laisse penser que le combat n'est pas tout à fait terminé et qu'il reste encore des opposants irréductibles à l'IVG. Et c'est leur droit, au nom d'une conception de la personne humaine qui diffère de celle de ses partisans, lesquels sont, eux aussi, extrêmement attachés à la personne humaine et aux grands principes qui devraient réunir tous les hommes et dont la France a fait sa devise.

Sur d'autres sujets en revanche, la France est en retard. C'est le cas pour la fin de vie, domaine dans lequel on entend régulièrement déplorer les carences de la législation et où, de manière individuelle, nombre de vos compatriotes tentent – souvent avec succès – d'obtenir chez nous ce qu'ils ne parviennent pas à obtenir en France. Disons-le en toute sincérité.

J'en viens au mariage entre personnes de même sexe. En Belgique, c'est sans doute, de toutes les questions sociétales, celle qui a été vécue avec le plus de sérénité. D'où notre stupéfaction devant la manière dont les choses se sont passées en France et la violence qui a déferlé jusque dans les rues et dont les médias nous ont renvoyé les images. Chez nous, cela ne s'est pas passé ainsi.

Cela m'amène à la question de la procréation médicalement assistée. On utilise la notion de projet parental, qui signifie bien que les personnes qui ont recours à la PMA mettent l'enfant au coeur de leur démarche. Cela renvoie aussi, en creux, au fait que certains enfants, qui naissent autrement que par PMA, n'ont pas nécessairement la chance d'être le fruit d'un projet parental. Il me semble que cela ne rend pas pour autant légitimes les règles que l'on prétendrait édicter pour déterminer qui a le droit de procréer et qui ne l'a pas, à l'instar de ce qui se fait en matière d'adoption, puisque, dans ce dernier cas, on se soucie en effet de la sécurité de l'enfant. Dans les deux cas cependant, le seul critère qui vaille n'est-il pas l'amour que l'enfant à venir va recevoir ?

Dans le domaine de la recherche ensuite, notamment sur les cellules-souches embryonnaires, dont l'utilité dépasse le seul champ de l'infertilité mais concerne aussi le cancer ou les greffes de peau pour les grands brûlés, il me semble qu'une loi qui interdit les expérimentations sur l'embryon va au rebours de ce qui est souhaitable. À cet égard, la communauté scientifique internationale envie à la Belgique les lois par lesquelles elle a autorisé une recherche suffisamment encadrée pour éviter les dérives.

Sur la GPA, la Belgique n'est pas parvenue à un consensus juridique, même si elle se pratique dans le cadre de la PMA. Ce qui a été au coeur de nombreux débats au Sénat, où il a été proposé d'instituer une « co-mère » – avec un seul « m » s'entend – ou une coparente mais sans parvenir à aucun accord. Toute la spécificité de la GPA en effet réside dans cette intervention d'un tiers, en l'occurrence la femme qui porte, qui est, à mon sens, le maillon faible de cette pratique.

Nous refusons évidemment toute commercialisation de la GPA, ce qui n'empêche pas que se tienne chaque année à Bruxelles une foire organisée par des Américains qui viennent commercialiser des services de gestation pour autrui à grands coups de prospectus. C'est lamentable et devrait être totalement interdit, mais c'est le revers de la médaille de la législation belge, qui permet à la GPA d'exister grâce à un vide juridique.

Cela pousse donc certains à vouloir l'interdire, mais cela aurait le grave inconvénient de rendre illégaux tous les cas où la gestation pour autrui peut se faire dans des conditions acceptables. Il serait donc préférable de l'encadrer pour éviter tous les trafics qui tendent à se développer autour de cette pratique, et notamment le trafic de personnes, plus précisément de jeunes femmes étrangères « importées » dans nos pays pour servir de mères porteuses.

Dernier point enfin, j'ignore comment la France s'arrange de la Convention de New-York et du droit de chaque enfant à connaître ses origines. En Belgique, c'est l'anonymat du don de gamètes qui est aujourd'hui la règle, mais des débats ont lieu sur le fait de revenir sur cet anonymat, pour respecter la Convention et permettre aux enfants qui naîtront d'avoir accès à leurs origines.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.