Intervention de Jean-François Delfraissy

Réunion du mardi 25 septembre 2018 à 16h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé :

Je ne sais pas s'il faut sortir du débat sur la loi de bioéthique les questions de l'ouverture de la PMA et de la fin de vie. Le CCNE a beaucoup hésité sur ce point lorsqu'il a défini le périmètre des États généraux. Vous souhaitions engager de véritables États généraux – nous y avons plus ou moins réussi – et un débat citoyen et une participation citoyenne. Mais ouvrir un débat citoyen en excluant deux sujets aurait envoyé un signal un peu curieux.

Au vu des États généraux et des avis du CCNE et du Conseil d'État, je considère qu'on a probablement bien fait d'aborder ces deux sujets dans le débat citoyen, même si c'est difficile, même si tout n'a pas été résolu, même s'il reste de la tension, en particulier sur le sujet de la procréation et moins d'ailleurs sur celui de la fin de vie.

Ensuite il y a un deuxième temps qui est plus politique : c'est le temps législatif. La fin de vie sera-t-elle traitée dans la loi de bioéthique ? Probablement, mais on peut imaginer qu'elle n'y soit pas. Ce sera à la fois au Gouvernement et au législateur d'en décider. Quant à l'AMP, il paraît logique qu'elle figure dans la loi de bioéthique, parce que tout le monde parle de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Deux autres sujets qui ne sont pas simples peuvent au moins peuvent créer débat : la cryoconservation des ovocytes, sujet beaucoup plus technique, et la levée de l'anonymat du don, deux questions qui relèvent pleinement d'une loi de bioéthique. Il ne faut donc pas commencer à « saucissonner » autour de la procréation.

Je pense qu'il y aura une discussion autour de tout ce qui touche à la procréation, quelles que soient les décisions qui sont prises. De nouveaux enjeux vont se poser qui sont très troublants, notamment s'agissant des utérus artificiels. La fin de vie est un autre problème, et on peut très bien imaginer qu'elle soit abordée dans un autre cadre.

On peut envisager l'introduction d'une clause de conscience chez les médecins, mais cela ne changera rien au fond du débat parce que le problème n'est pas celui des médecins. Bien qu'il y ait une « utilisation médicale » pour porter un acte, le problème se pose bien sur un plan plus global qui dépasse très largement les médecins.

Vous me demandez comment faire perdurer le débat citoyen et les États généraux. Je considère que les États généraux sont le temps zéro de la bioéthique, le premier étage qui doit nous conduire à une série de débats et à une participation citoyenne sur les sujets de bioéthique et de santé. Il convient donc de poursuivre le débat en région, avec les mutuelles et dans un certain nombre de grands comités d'entreprise, et d'avoir un comité citoyen associé au CCNE. Tout cela reste à faire, mais je vois bien dans quelle direction on souhaite aller.

C'est le législateur qui a inscrit dans la loi que le CCNE devait porter les États généraux. On est parvenu à un certain degré de réussite, même si on peut faire mieux et je comprends très bien que certains formulent des critiques. Les États généraux nous ont demandé du temps. Cela a-t-il été fait aux dépens de la réflexion ? Oui par certains côtés, non par d'autres. Moi qui suis arrivé en tant que « jeune vieux » président du CCNE, j'ai vu cette dynamique de groupe qui s'est créée avec une mobilisation très forte, et surtout une écoute importante de la société civile par le CCNE qui est sorti de son rôle uniquement d'expertise, qui écoute et qui écoutera dorénavant beaucoup plus les enjeux de la société civile.

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