Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 19 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Si j'ai bien compris, en réalité, d'un point de vue technique, nous ne discutons pas des droits de succession mais des droits de mutation. Selon vous, cela n'a aucun rapport. Je ne suis pas d'accord : politiquement, les droits de mutation sont bel et bien une manière de taxer les successions. Or, comme je l'ai souvent dit, notre pays est confronté à un grave problème : la part de l'héritage dans le patrimoine des Français ne cesse de croître. Ce phénomène, du reste, n'est pas propre à la France.

Cela pose problème pour beaucoup de raisons. Tout d'abord, cela conduit à l'apparition d'une forme de noblesse d'argent qui parvient à être moins taxée. Mais c'est aussi néfaste à la marche des entreprises. Je suis d'accord, sur ce point, avec Fabien Roussel : l'argument selon lequel le pacte Dutreil serait une manière de préserver la détention des entreprises françaises par des capitaux français ne vaut pas. Car alors, il ne fallait pas vendre Alstom à General Electric ! Il y aurait beaucoup de chose à dire, à ce propos, sur ce que serait une véritable stratégie industrielle, mais là n'est donc pas la question.

Il n'est pas non plus question de dénier aux propriétaires le droit de les céder à leurs héritiers. La vraie question est de savoir s'il est justifié d'exonérer ces transmissions de droits de mutation. Notre réponse est : non ! D'un point de vue économique, en effet, nombre d'études ont montré que la plupart du temps, la reprise d'une entreprise par des partenaires extérieurs motivés est préférable pour son dynamisme au maintien dans le giron d'une même famille, à ce capitalisme de rentiers et d'héritiers que vous nous proposez.

Selon une étude récente, les managers dynastiques se caractérisent par une aversion au risque supérieure à la moyenne. Les entreprises familiales ont ainsi tendance à privilégier la détention de liquidités et le présent au détriment de l'investissement et de l'avenir. Qui plus est, le faible nombre de détenteurs de parts ou d'actions est susceptible de favoriser un alignement des choix de gestion de l'entreprise : telle est la logique propre de ce type de capitalisme.

Vous ne pouvez donc pas affirmer qu'il est préférable pour une entreprise d'être reprise par les héritiers de ses propriétaires plutôt que par des tiers : cela n'est pas conforme à la réalité de l'économie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.