Intervention de Bertrand Lionel-Marie

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 11h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Bertrand Lionel-Marie, responsable du secteur bioéthique de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) :

N'étant ni psychologue ni psychanalyste, je me contenterai de dire notre sentiment sur le sujet. Il est vrai que la disjonction entre père biologique et père social est source potentielle de difficultés, voire de souffrances. Des enfants, alors même qu'ils ont un père « social », recherchent le visage de leur père biologique et diverses informations comme la motivation de son don. La nature n'est pas tout, mais la nature n'est pas rien. Il n'est pas anodin de donner une partie de son patrimoine génétique. Le père biologique n'est pas rien.

Je crois qu'il existe une fonction particulière du père, qui consiste à séparer son enfant de la mère, ce qui lui conférera petit à petit son autonomie. Mais encore une fois, je ne suis pas spécialiste de ces questions.

Une question m'a été posée directement sur l'IVG. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'un sujet très sensible. Il y a encore, et c'est une question de santé publique, énormément d'IVG en France, puisqu'une grossesse sur quatre est interrompue de façon volontaire. Je voulais juste souligner que cette société du non-désir est aussi la société de l'hyper-désir d'enfant. Une femme célibataire qui désire un enfant est dans une sorte d'hyper-désir, elle se passe de l'homme pour faire un enfant. Cela a toujours existé, mais là, il est demandé à l'État de fournir du sperme. Est-ce vraiment son rôle ?

Vous dites que nous semblons nous intéresser à l'intérêt à naître de l'enfant, quand on parle d'IVG, et à l'intérêt à ne pas naître, quand on parle de PMA. Je le répète, la venue d'un enfant est toujours une bonne nouvelle, quelle que soit la configuration familiale. Mais certaines situations permettent davantage à un enfant de se construire, de gagner en autonomie.

Ces enfants qui seront possiblement conçus demain sans figure paternelle se poseront nécessairement la question de leur origine lorsqu'ils auront 15 ou 20 ans. Ils ne demanderont pas seulement à avoir accès à des données non identifiantes. Lorsque l'on est en quête de ses origines, on ne peut se contenter d'un formulaire qui vous dit : « ton père biologique était danois, il mesurait un mètre quatre-vingt-deux, pesait soixante-quinze kilos et payait ses études de médecine en allant se masturber une fois par semaine dans la banque de sperme Cryos international à Aarhus – la plus grande banque de sperme au monde. » Oui, certains de ces enfants conçus par donneur anonyme s'intéresseront à la motivation de ce père. Ils chercheront le visage de ce père géniteur et s'interrogeront sur sa motivation à donner la vie.

Peut-on se désintéresser du sort de ces enfants dans quinze ou vingt ans ? Je suis avocat et je pense que ces adolescents auront probablement des problèmes de construction psychologique : ils se retrouveront dans les commissariats, dans les bureaux des juges d'instruction – pas tous, car il y a le principe de résilience, mais nombre d'entre eux.

Ils exigeront d'avoir accès à leur origine et demanderont réparation à la société. Pourquoi, alors que les enfants peuvent dans certains cas obtenir réparation d'être né sans père, ceux-ci, créés sans père par la loi, ne demanderaient-ils pas des comptes ?

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