Intervention de François Heisbourg

Réunion du mercredi 20 septembre 2017 à 9h00
Commission des affaires étrangères

François Heisbourg, président de l'Institut international d'études stratégiques, IISS :

Monsieur Brotherson, l'accord de Paris est crucial, vital. Il n'a rien d'un voeu pieux, car les grands pollueurs d'aujourd'hui, la Chine et l'Inde, ont pris la mesure du drame pour eux-mêmes. Il arrive que la pollution de l'air à New Delhi atteigne douze fois le niveau où l'on déclenche à Paris la circulation alternée. Vous ne pouvez alors plus sortir de chez vous, même si vous êtes en bonne santé, à cause des difficultés respiratoires. C'est terrifiant. Aussi tout ce qui risque de détricoter l'accord de Paris constitue-t-il un drame, comme le président de la République a eu raison de le rappeler.

Monsieur David, s'agissant de l'audiovisuel, la plupart des pays qui ont des politiques comparables à la nôtre ont en général un vecteur unique : RT pour les Russes, BBC World pour les Britanniques, CCTV pour la Chine… La France s'appuie quant à elle sur TV5 Monde – qui est d'ailleurs francophone, et non française –, France 24 et la chaîne européenne, souvent reçue à l'étranger lointain dans d'aussi bonnes – ou mauvaises – conditions que les deux premières. Est-ce bien raisonnable ? Pourquoi ne pas aller vers une politique du vecteur principal ? Le contribuable ne serait certainement pas fâché d'une certaine rationalisation, tandis que la puissance du message serait peut-être mieux portée.

Monsieur Naegelen, je vous réponds d'abord sur l'Asie-Pacifique. Il y a une demande d'Europe dans la région. Lorsque Jean-Yves Le Drian avait proposé, il y a un an, au Shangri-La de Singapour, qu'il y ait une présence maritime récurrente des Européens en mer de Chine du Sud, nos partenaires asiatiques buvaient du petit lait. C'est donc faisable. La France et le Royaume-Uni sont déjà présents, parfois ensemble d'ailleurs. Mais l'Europe, pour des raisons de divisions internes à l'Union, n'a pas encore décidé de sauter le pas. Ce ne serait pas plus compliqué que de faire ce que l'Europe a fait avec succès en matière de lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden. Là, les marines des États européens, agissant dans un cadre européen, ont « fait le job », en liaison avec les autres grandes puissances.

La même chose peut se passer en mer de Chine, d'autant que nous sommes désintéressés par rapport aux contentieux spécifiquement territoriaux de la région. Nous sommes, quant à nous, attachés au respect de la liberté de la mer et du droit maritime. Le reste n'est pas notre sujet.

S'agissant du Kurdistan, nous voulons certes désarticuler et démanteler la base territoriale de DAECH, ce qui nous amène à côtoyer des gens d'origine très diverse, comme les milices chiites irakiennes, les Iraniens, les hommes de Bachar El-Assad, les Kurdes… Parfois, nous nous entraidons, mais cela ne doit pas déboucher sur la tentation de l'alliance ou de la prise de parti. Le Moyen-Orient est déjà suffisamment compliqué pour que nous ne le compliquions pas davantage.

Quant au Kurdistan, les Kurdes sont des victimes de l'Histoire, mais quatre pays –l'Irak, l'Iran, la Syrie et la Turquie – ont fondamentalement le même avis sur la question. Et ce n'est pas l'avis des peshmergas. Veut-on faire le bonheur de ceux-ci contre ces quatre puissances ? Je préférerais que l'on consacre davantage de moyens à essayer de comprendre ce qu'il nous pend au nez dans le Maghreb et en Afrique.

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