Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h30
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Je vais commencer, puis le président Martin pourra compléter mes réponses. Ce n'est pas la Cour des comptes qui définit les objectifs. C'est le Parlement. Voilà ! Nous nous inscrivons dans ce cadre, et nous essayons d'apporter un certain nombre de constats et de recommandations pour vous être utiles dans l'évaluation de la capacité à respecter des objectifs. En tout état de cause, l'objectif de maîtrise de la dépense publique est la conséquence directe des mesures que vous prenez en matière de redressement des comptes publics et des engagements que la France prend vis-à-vis de ses partenaires européens. Les rapports de la Cour des comptes et des chambres régionales montrent qu'il existe des marges d'économies possibles. Lorsqu'on regarde le niveau des dépenses publiques puis les résultats de l'action publique, on constate quelques pertes en ligne. Aussi insistons-nous sur les marges d'efficacité et d'efficience qu'il peut y avoir dans de nombreux domaines. Ce n'est pas parce qu'on dépense beaucoup que l'action publique est nécessairement efficace et efficiente, ou répond à l'ensemble des besoins des citoyens. Il n'existe pas de parallélisme entre augmentation de la dépense et meilleure satisfaction du besoin des citoyens. Il y a aussi une question d'organisation et de répartition – vous évoquez d'ailleurs les questions de disparités territoriales. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont formulé un certain nombre de propositions sur les réductions possibles de dotations forfaitaires et une augmentation de la péréquation, précisément pour davantage tenir compte de ces disparités. Une question a d'ailleurs été posée sur l'évolution de ces dernières compte tenu des réductions de dotations. On constate qu'elles n'ont pas évolué, mais sont restées telles qu'elles étaient avant la mise en place de ces dispositifs.

Vous demandez aussi quel est le meilleur dispositif – le dispositif antérieur ou le nouveau. Je ne peux pas répondre complètement à cette question. Ce n'est d'ailleurs pas de ma responsabilité. Simplement, nous constatons que l'ancien dispositif a répondu aux attentes du gouvernement de l'époque et aux objectifs qu'il s'était fixés. S'il a réduit les dotations aux collectivités territoriales, c'était pour obtenir une plus grande maîtrise de l'évolution de la dépense publique locale. Cet objectif a été atteint, les chiffres le démontrent. Le nouveau dispositif se montrera-t-il aussi efficace, de ce point de vue ? Pour le moment, nous n'avons pas de recul. Il faut un peu de temps, bien sûr, pour en apprécier les conséquences. Nous ne pouvons donc pas porter d'appréciation sur l'efficacité du dispositif de contractualisation. Ce que nous avions dit, c'est qu'il fallait vraisemblablement un dialogue plus approfondi entre l'État et les collectivités territoriales s'agissant de ces questions de ressources de celles-ci et des aides de l'État. La réduction d'autorité peut se concevoir une année, deux années, trois années, mais un moment donné, il vaut mieux entrer dans un dialogue plus approfondi. De ce point de vue, la contractualisation peut répondre à cette « recommandation » qu'avait pu faire la Cour des comptes en son temps. Mais nous pointons, là, quelques faiblesses du dispositif. on voit bien que dans les contrats tels qu'ils sont proposés, toutes les dépenses ne sont pas prises en considération, loin de là. Se posent donc un problème de champ et un problème de modularité, dont on a parlé, et de modulation nécessaire. Nous pointons quelques fragilités dans le dispositif, qui mériteraient d'être regardées de près par le Gouvernement et le Parlement. Mais, une fois de plus, pour pouvoir apprécier l'efficacité du dispositif, il faut bien sûr un peu de recul.

Libre administration des collectivités territoriales – oui, la citation est exacte, monsieur Coquerel. La Constitution précise toutefois que c'est dans le cadre des lois qui la réglementent. La libre administration n'est donc pas pleine et entière, elle n'est pas totale. Toute une jurisprudence du Conseil constitutionnel précise jusqu'où l'on peut aller, dans le cadre des lois qui la réglementent. C'est le Parlement, en fait, qui réglemente possiblement la libre administration des collectivités territoriales.

Les contrats signés par les préfets et les collectivités locales l'ayant été fin juin, nous n'avons pas pu prendre en compte leur contenu eu égard, je l'ai dit tout à l'heure, aux délais de contradiction pour la présentation de ce rapport à ce moment-là de l'année. Mais ce sont des sujets que nous regarderons, bien évidemment, dans l'avenir. Là, il n'était pas possible de faire ce travail d'instruction sur la réalité des contrats passés.

Les départements qui n'ont pas signé sont-ils affaiblis ou non ? La réponse ne relève pas de mes compétences. C'est un libre choix de la part des collectivités territoriales que de signer ou de ne pas signer. La seule chose que je constate, c'est que si une collectivité qui n'a pas signé ne respecte pas l'objectif qui s'impose quand même à elle, les sanctions financières seront plus importantes que si elle avait signé. C'est la seule réponse que je suis en mesure de vous apporter sur ce sujet. Après, c'est dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales que celles-ci acceptent de signer ou pas. Et c'est dans le cadre de la seconde partie de la phrase, « dans le cadre des lois qui la réglementent », que l'État peut effectivement imposer des sanctions financières.

Sur la question de l'endettement et des possibilités de « dissimulation » d'endettement de collectivités locales à travers la mise en place de sociétés d'économie mixte, nous avons des travaux en cours sur la question de l'endettement des entités publiques. C'est une demande au titre du « 58-2° », d'ailleurs, émanant de la commission des finances du Sénat. Et puis votre commission des finances nous a commandé un travail sur les sociétés d'économie mixte. Nous commençons et nous serons capables, je l'espère, de vous apporter un certain nombre d'éléments sur ce sujet d'endettement global des collectivités locales, y compris avec les différents satellites qui peuvent exister, notamment à travers les travaux qui seront conduits dans le cadre de ces deux rapports.

Si vous le permettez, peut-être le président Martin pourra-t-il compléter mes propos en répondant à d'autres questions.

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