Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 10 octobre 2018 à 21h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes très heureux de vous présenter ce PLFSS pour 2019, même si nous devrions faire mieux l'année prochaine en termes de délais.

Ce deuxième PLFSS du quinquennat reflète l'action du Gouvernement au cours de l'année écoulée. Il s'inscrit donc dans une continuité évidente des choix politiques et économiques faits par le Gouvernement pour libérer l'économie et améliorer le pouvoir d'achat – M. Darmanin y reviendra.

S'agissant des politiques sociales et de santé que j'ai la charge de conduire, ce projet de loi concrétise les orientations fortes que le Président de la République et le Gouvernement ont présentées au cours des derniers mois, et même des quelques dernières semaines.

Je commencerai par évoquer le cadre général budgétaire et financier du PLFSS.

En 2019, pour la première fois depuis dix-huit ans, le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont équilibrés. C'est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, et je pense notamment aux plus jeunes. Cela veut dire que l'on cesse de creuser la dette et que l'on consolide notre système de sécurité sociale. Pour aller plus loin dans cette direction, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) reprendra, entre 2020 et 2022, 15 des 27 milliards d'euros de dettes de la sécurité sociale encore supportés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Le Gouvernement entend donc réaffirmer l'objectif de faire disparaître l'intégralité de la dette de la sécurité sociale en 2024.

Je souhaitais commencer par ce constat, parce qu'il est au fondement de ce PLFSS et de la conduite des politiques sociales. Le rétablissement des comptes, c'est ce qui nous donne la capacité d'agir, d'être ambitieux dans notre volonté de transformation, et d'envisager sereinement la couverture de nouveaux risques.

Ce PLFSS est porté par une double ambition, qui est d'investir et de protéger : investir pour réorganiser notre système de santé, protéger les plus fragiles, notamment en améliorant le recours aux soins et la réponse aux besoins de santé.

Nous commencerons par investir dans la réorganisation du système de santé. Le 18 septembre, le Président de la République a présenté le plan « Ma santé 2022 ». Je rappelle que l'épine dorsale de ce plan est de mieux organiser, de mieux structurer les soins de proximité, ambulatoires comme hospitaliers, en dépassant précisément ce clivage qui n'est pas pertinent du point de vue du patient.

Nous voulons inscrire le pays dans une perspective stratégique claire, qui permettra de mieux répondre aux attentes des Français sur l'ensemble du territoire : celle de l'exercice en ville regroupé, pluridisciplinaire, organisé à l'échelle d'un territoire pour mieux répondre aux besoins de soins non programmés ; celle des hôpitaux de proximité de professionnels de santé libéraux, qui collaborent étroitement à l'organisation des soins ; celle d'une organisation et de modèles de financement adaptés aux pathologies chroniques, qui privilégient la prévention et facilitent la coordination des soins ; celle d'acteurs de santé, qui mettent les technologies numériques au service d'une démarche de soins plus efficiente. Cette analyse et cette stratégie sont largement partagées par les acteurs de la santé et, je le sais, au sein de votre commission.

C'est une action en profondeur, sur plusieurs années, qui commence dès maintenant. Dans la continuité du PLFSS pour 2018, ce PLFSS contient un certain nombre de dispositions relatives à la prévention. Comme vous le savez, la prévention demeure la pierre angulaire de la politique de santé que je mène.

Ce PLFSS comporte également plusieurs dispositions qui permettront de diversifier les modalités de financement des soins. C'est l'un des principaux leviers de l'action pour opérer la mutation du système de santé. Ainsi, par exemple, la dotation allouée sur des critères de qualité aux établissements de santé va passer de 60 à 300 millions d'euros. Par ailleurs, une rémunération forfaitaire du suivi de certaines maladies chroniques sera mise en place, dans un premier temps dans les établissements de santé pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique.

La priorité donnée à la transformation du système de santé se traduit, comme annoncée par le Président de la République, par un effort financier significatif puisqu'en 2019 la progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) sera fixée à 2,5 %, soit le taux le plus élevé depuis six ans.

Cet effort exceptionnel sera fait pour investir dans la transformation. Il sera dirigé vers les soins de proximité, vers la création de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), vers le recrutement d'assistants médicaux ou vers l'augmentation du nombre de structures d'exercice regroupé.

Il sera également consacré à la modernisation de notre appareil de soins. Cela concerne l'investissement dans les systèmes de formation, en ambulatoire ou au sein des établissements. Cela concerne aussi les projets de modernisation et de restructuration immobilière. Vous le savez, l'investissement hospitalier s'est nettement réduit au cours des dernières années et un investissement insuffisant porte le risque, à terme, d'une dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge des patients. C'est pourquoi, dès cette année, une dotation supplémentaire de 200 millions d'euros sera allouée à l'aide aux projets d'investissement. En quatre ans, environ 3,4 milliards d'euros au total seront consacrés à l'accompagnement de plans, dont un peu moins d'un milliard d'euros à la restructuration et à la modernisation du tissu hospitalier.

Le PLFSS pour 2019 accordera également une place importante à un secteur clé du soin, qui est le médicament, dans la suite de la réunion du Comité stratégique des industries de santé (CSIS) qui s'est tenu au début du mois de juillet 2018. Un certain nombre de dispositions vont faciliter l'accès à des traitements innovants.

Je veux également mentionner mon souhait de poursuivre le développement des médicaments génériques. La responsabilité de l'assurance maladie consiste à rembourser, à efficacité thérapeutique égale, le médicament le moins onéreux. S'il n'y a pas de motif médical à la délivrance du princeps alors qu'il existe un générique moins cher, c'est-à-dire s'il n'y a pas mention, sur l'ordonnance, de « non substituable », il n'y a aucune raison de faire supporter un surcoût à l'assurance maladie. Je propose, dans ce cas, que le princeps soit, à l'avenir, remboursé sur la base du générique.

Dans le même temps où nous entamerons cette réorganisation du système de santé, nous voulons mieux protéger.

Mieux protéger, c'est améliorer l'accès aux soins et répondre plus spécifiquement aux besoins des plus fragiles. À cet égard, le PLFSS comportera quatre dispositions fortes.

Premièrement, il donnera l'assise légale nécessaire au dispositif « 100 % santé », qu'on appelait aussi le « reste à charge zéro », qui a fait l'objet d'accords avec les professionnels des trois secteurs concernés : le dentaire, l'optique et les audioprothèses. Il s'agit d'une réforme ambitieuse de solidarité concrète, qui va changer l'accès de nos concitoyens, notamment les plus âgés, à des équipements de santé indispensables. Je rappelle qu'aujourd'hui, le reste à charge moyen pour une aide auditive est de 850 euros par oreille. À compter de 2021, il sera possible d'accéder à une offre sans reste à charge.

Deuxièmement, nous transformons l'aide à la complémentaire santé (ACS) en une couverture maladie complémentaire contributive. On le sait, le taux de recours actuel à l'ACS ne dépasse pas 35 %, alors que nous sommes à près de quinze ans de mise en oeuvre. Nous faisons donc le choix d'un dispositif plus complet dans la protection qu'il offre, et plus favorable aux personnes pour lesquelles le coût des soins est le plus élevé, c'est-à-dire les personnes âgées. Elles pourront, sous les mêmes conditions de ressources que l'ACS, bénéficier d'une couverture pour moins d'un euro par jour.

Avec ces deux réformes, le « 100 % santé » et la transformation de l'ACS, nous contribuerons à renforcer encore ce qui est une particularité affirmée de notre modèle social : le haut niveau de prise en charge collective des dépenses de santé. Je vous rappelle qu'en France, le reste à charge, pour les assurés est le plus faible du monde. Mais nous poursuivons dans ce sens.

Troisièmement, nous renforçons les moyens à disposition des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Il s'agit de mettre en oeuvre la feuille de route que j'avais présentée le 30 mai dernier, notamment en accélérant la convergence tarifaire pour renforcer les moyens des soignants. Pour mémoire, 360 millions d'euros supplémentaires seront engagés sur la période 2019-2021, dont 125 millions d'euros dès 2019. Comme vous le savez, cette feuille de route s'inscrit dans une perspective plus large, puisque j'ai lancé le 1er octobre les travaux de la mission de concertation « Grand âge et autonomie ». Et je m'engage devant vous à déposer un projet de loi d'ici la fin de l'année 2019.

Quatrièmement, le PLFSS met en oeuvre les dispositions arrêtées dans le cadre du quatrième plan « Autisme », présenté début avril. Je vous insister plus particulièrement sur la création du « forfait d'intervention précoce », qui va permettre, en dépassant le périmètre habituel des prestations prises en charge par la sécurité sociale, de combler une réelle carence dans la détection et l'intervention précoce auprès des enfants autistes.

Mieux protéger, c'est construire un système de retraite universel et équitable, qui rétablisse la confiance des Français dans la pérennité de leur système de retraite. Le PLFSS ne comporte aucune disposition relative aux retraites, puisque la refonte du système de retraites donnera lieu à un projet de loi ad hoc l'année prochaine. Les concertations que mène le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye se poursuivent. Une réunion de concertation multilatérale avec les partenaires sociaux s'est tenue ce matin. Elle s'est déroulée dans un climat très apaisée. Elle fut l'occasion de préciser les principes sur lesquels devra s'appuyer le système universel.

Mieux protéger enfin, c'est aussi donner la priorité aux plus fragiles. Toutes les prestations évolueront en 2019 et en 2020 d'au moins 0,3 %, mais les minima sociaux évolueront pour leur part comme l'inflation, et certains, comme le minimum vieillesse et l'allocation adulte handicapé, bénéficieront de revalorisations exceptionnelles. Le minimum vieillesse aura ainsi été revalorisé de 100 euros, conformément aux engagements du Président de la République, au 1er janvier 2020.

Aider les plus fragiles, c'est aussi le sens de la Stratégie de prévention et de lutte contre la santé, que nous a présentée le 13 septembre dernier le Président de la République et moi-même, et qui donne la priorité aux enfants des familles les plus pauvres. C'est un choix qui irrigue la politique familiale que je conduis. Ainsi la création de 30 000 places de crèches dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) sera-t-elle orientée prioritairement vers les territoires et vers les familles les plus vulnérables.

Pour autant, nous demeurons attentifs à l'évolution des besoins qui ont été exprimés par les familles et leurs représentants. Nous entendons y répondre dans ce PLFSS au travers de trois dispositions particulières : d'une part, l'alignement de la durée du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celle des salariées, et l'amélioration de la couverture maternité des agricultrices, tout en maintenant les spécificités d'exercice professionnel de ces futures mamans ; ensuite, la majoration de 30 % du montant maximum versé aux parents pour la garde de leur enfant handicapé, pour tenir compte des surcoûts de garde ; enfin, et c'est une disposition de bon sens, la prolongation, jusqu'à l'entrée à l'école de l'enfant l'année de ses trois ans, de l'aide à la garde à taux plein, alors qu'elle est aujourd'hui réduite de moitié au troisième anniversaire de l'enfant.

Tels sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est, comme vous l'avez compris, un projet pour l'avenir, avec une sécurité sociale équilibrée, en voie de désendettement, et qui investit dans son système de santé et protège mieux les plus fragiles.

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