Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Présentation

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, « La seule limite dans l'accomplissement de nos réalisations de demain réside dans nos doutes d'aujourd'hui », disait Franklin Roosevelt. C'est portée par cette ambition que j'ai l'honneur de défendre devant la représentation nationale, au nom du Gouvernement, le premier volet d'un vaste projet de rénovation de notre modèle social.

Rénover, cela ne signifie pas faire table rase du passé. Cela ne signifie pas non plus copier un modèle étranger, pour le transposer à l'identique. Rénover, c'est adapter pour poursuivre, pour faire vivre un héritage auquel nous tenons.

Nous savons d'où vient notre modèle social : il est le fruit de décennies d'avancées, de conquêtes, de luttes, parfois. Au début du XIXe siècle, le rapport Villermé, cette grande enquête sur les conditions de vie de la classe ouvrière, aboutissait aux premières lois encadrant le travail des enfants. Plus tard, le Front populaire, le Conseil national de la Résistance ou encore les accords de Grenelle signés en 1968 dans le ministère que j'ai l'honneur d'occuper, ont contribué à façonner notre code du travail en apportant aux salariés des droits nouveaux. Les Français sont attachés à ces droits, car notre modèle social puise dans l'esprit des Lumières deux aspirations aussi fortes l'une que l'autre : l'aspiration à l'égalité et l'aspiration à la liberté, qui sont toutes deux la base de la fraternité. Autant dire que les valeurs qui sous-tendent notre modèle social demeurent un socle solide, sur lequel on peut bâtir l'avenir.

Ce modèle, peut-on pour autant se permettre de ne pas le faire évoluer, dans un monde qui évolue rapidement et dans le contexte social du pays ? Ayons pleinement conscience, mesdames, messieurs les députés, des formidables opportunités, mais aussi des risques réels que représentent l'internationalisation de l'économie, la révolution technologique, actuelle et surtout à venir, le défi écologique et les nouvelles attentes manifestées par les jeunes et les salariés.

Ayons aussi le courage de reconnaître les échecs qui sont collectivement les nôtres. Où est l'égalité devant l'emploi, quand le chômage des jeunes atteint 25 %, et jusqu'à 50 % dans certains quartiers ? Où est la liberté de choisir sa vie lorsque l'on enchaîne les contrats à durée déterminée – CDD – et que l'on se voit interdire l'accès au logement ou au crédit ? Que signifie l'émancipation des individus si le travail devient source d'ennui, de stress ou de mal-être ?

Rénover le modèle social français, c'est donc faire en sorte qu'il produise davantage d'égalité et davantage de liberté dans le monde à venir. C'est ainsi que nous nous projetterons vers l'avenir, tout en restant fidèles à notre histoire et à nos valeurs. Pour cela, il nous faut relever trois défis. Le premier défi est de donner de la liberté à nos entreprises pour leur permettre de s'adapter aux mutations de l'économie et de les anticiper avec succès. Le deuxième défi est de donner aux salariés des protections nouvelles pour mieux construire leur vie professionnelle. Le troisième défi est de donner plus de sens au travail lui-même, alors même que l'attachement au collectif s'affaiblit dans notre société : le travail n'est pas seulement source d'autonomie financière, il est aussi porteur de sens et de lien social, et contribue ainsi à l'identité sociale de chacun.

Les ordonnances qu'il vous est proposé d'autoriser aujourd'hui par ce projet de loi d'habilitation ne répondront pas à elles seules à ces défis essentiels. Toutefois, elles s'inscrivent dans une vision globale et cohérente de la rénovation du modèle social présentée par le Gouvernement et le Premier ministre, qui inclut la réforme de l'assurance chômage et de la formation professionnelle, la réforme de l'apprentissage, que je défendrai conjointement avec le ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et la réforme des retraites, que défendra la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Elles s'articulent aussi avec l'action du Gouvernement en faveur de la baisse du coût du travail, de la baisse de la fiscalité et du soutien au pouvoir d'achat. C'est cette vision que je souhaite vous présenter.

Le premier défi, la première urgence, c'est de donner de la liberté d'initiative et d'entreprendre à nos entreprises pour leur permettre, par la négociation, par le dialogue social, de s'adapter aux mutations de l'économie et de créer des emplois en France. Pour créer de la richesse et des emplois, les entreprises ont besoin de pouvoir s'adapter rapidement. Or nous savons aujourd'hui que nombre d'entre elles n'y parviennent pas. Les travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, parmi beaucoup d'autres, montrent qu'un grand nombre d'entreprises n'intègrent pas facilement ou suffisamment rapidement les innovations, les nouvelles formes de distribution, les nouvelles technologies, les nouveaux modes de consommation ou la révolution des usages. Souvent, la complexité du code du travail ne leur permet pas d'être suffisamment agiles et innovantes, y compris sur le plan social.

C'est pourquoi il faut à nos entreprises plus de souplesse et plus de liberté : la liberté de se réorganiser rapidement pour conquérir des marchés et créer de l'emploi ; la liberté de négocier des normes adaptées aux besoins de l'entreprise et des salariés ; la liberté d'investir dans le dialogue social pour conjuguer performance économique et performance sociale.

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